Lorsque survint la plaie de la vermine, les devins égyptiens s’efforcèrent de la faire disparaître, mais ils n’y parvinrent pas. À leur corps défendant, ils déclarèrent alors à Pharaon : « Ceci est le doigt de l’Eternel »…

À l’image de cette plaie, beaucoup de phénomènes « étranges » surviennent dans le monde, sans qu’aucune explication rationnelle ne puisse les expliquer. Nous nous efforçons de les interpréter, d’en percer le mystère, mais bien souvent, on en arrive à la conclusion inéluctable que « ceci est le doigt de l’Eternel » !
Lorsqu’on admet que les choses ne sont effectivement pas aussi simples qu’elles le paraissent, notre regard s’en trouve modifié. Un exemple particulièrement probant de ce genre de circonstances est relaté par le rav Its’hak Zilberstein, dans Alénou LéChabéa’h.
À l’époque du Maharal, une femme vint trouver le grand maître de Prague pour le questionner au sujet d’un poulet, dont la casherout était sujette à caution. Le Maharal examina méticuleusement le poulet, et constata que la bête avait été correctement abattue. Mais au lieu d’annoncer sa décision à cette femme, il lui conseilla plutôt de se rendre chez un autre Juif de la ville. Celui-ci avait un enfant sourd-muet, et de manière totalement singulière, le maître préconisa qu’on interroge l’enfant à ce sujet… Ce conseil suscita évidemment l’étonnement général, mais la femme s’exécuta sans ciller, car telle était la volonté du maître.
L’enfant, âgé alors de neuf ans, souffrait d’un handicap grave. À Prague, tout le monde savait qu’il n’avait jamais pu communiquer avec son entourage, ni articuler le moindre mot. On lui présenta le poulet, il l’observa pendant un moment puis, d’une voix claire et limpide, il annonça : « Casher ! » Aussitôt ce mot prononcé, l’enfant ferma les yeux et rendit son âme à son Créateur…
Ces faits eurent un grand retentissement dans toute la région. Pressé de questions, le Maharal accepta finalement d’en révéler la signification. Cet enfant, expliqua-t-il, était en fait la réincarnation d’un grand Juste, ayant vécu quelques décennies auparavant. Cet homme était un érudit accompli, un authentique tsadik qui consacra toute son existence à enseigner la Torah. Après son décès, son âme s’éleva jusqu’aux Mondes célestes, et l’on y annonça aussitôt qu’il pourrait accéder au Gan Eden.
Sur ces entrefaites, un ange accusateur se manifesta soudain. Il déclara qu’une lourde accusation pesait contre ce Juste, lui interdisant l’accès au Monde futur. En effet, un vendredi, une femme veuve était venue le trouver peu avant l’entrée du Chabbat, pour lui soumettre une question concernant la casherout d’un poulet. Dans la précipitation à l’approche du Chabbat, le rav n’examina pas convenablement le poulet et déclara un peu trop vite qu’il était taref, bien qu’il n’en fût rien. Cette décision causa une grande peine à la pauvre veuve, car elle n’avait pas d’autre poulet à préparer pour Chabbat.
En conséquence, déclara-t-on dans le Tribunal céleste, le Juste devait retourner sur terre pour réparer le mal commis. À cette annonce, le tsadik tressaillit ; il déclara qu’il éprouvait les plus vives appréhensions à l’idée de recommencer une vie terrestre, car il craignait de ne pas être capable de résister une nouvelle fois à ses nombreuses tentations. En raison des nombreux mérites qu’il possédait, son argument fut accueilli favorablement. On décréta donc que pour effacer la peine occasionnée à la veuve, le rav devrait revenir dans ce monde en se réincarnant dans le corps d’un enfant sourd-muet, afin qu’il n’ait pas la possibilité de fauter. Sa « réparation » consisterait alors à déclarer un poulet casher dans les mêmes circonstances, et une fois son tort réparé, il pourrait accéder aussitôt à sa récompense future.
Au-delà des apparences
Hormis la formidable manifestation de Providence divine qui se reflète dans cette histoire, elle nous apprend une seconde chose : lorsque nous voyons une personne souffrant d’un grave handicap, nous avons souvent tendance à la plaindre et à la prendre en pitié. Mais la réalité des choses est souvent bien différente : ce qui suscite notre pitié devrait en vérité être source d’admiration. Même les parents qui ont la charge d’un tel enfant doivent s’estimer heureux, car ils bénéficient en vérité du mérite de soigner et d’élever une âme pure !
Le rav Zilberstein témoigne avoir vu un jour un couple, accompagné d’un enfant trisomique, entrer chez rav Yaacov Israël Kanievski, l’illustre Steipeler. À la vue de l’enfant, le maître se leva de toute sa hauteur et annonça aux parents : « Heureux est votre sort, car vous avez eu le mérite de recueillir dans votre famille une âme parfaitement pure, qui n’a pas la moindre faute ! Remerciez D.ieu pour cela ! »
 Par Chlomo Messica, avac Hamodia.fr