Un « territoire perdu » des Juifs de France…

Autrefois département de prédilection de la communauté juive de France, la Seine-Saint-Denis se
vide peu à peu de ses Juifs. Lassés par l’obsession anti-israélienne des municipalités communistes et
par les agressions antisémites, les jeunes et les familles avec enfants déménagent vers des cieux plus
accueillants. Au risque de voir plusieurs communautés s’éteindre !

Au moment de la construction
de la synagogue de Villepinte,
le président de la
communauté locale avait tenu à ce
que des Maguen David soient gravées
dans le marbre du sol : « Je
pensais qu’il était important que,
quoi qu’il advienne, il reste une
trace de la présence des Juifs dans
la ville, même après notre départ,
explique ainsi le Docteur Charly
Hannoun. Mais franchement, je
n’imaginais pas que la question
se poserait aussi vite ! ». C’était en
1996, il y a à peine treize ans…

À l’époque, plus de 200 familles
juives vivaient à Villepinte. Une
communauté prospère et dynamique
qui avait financé sa nouvelle
synagogue exclusivement avec les
dons des fidèles. Or aujourd’hui,
cette commune de Seine-Saint-
Denis (93) ne compte plus qu’une
petite quarantaine de foyers juifs.
Et lors du dernier Chabbat Michpatim,
il a fallu attendre 10 h 30
pour voir enfin arriver le dixième
Juif qui compléterait le myniane.
Ce jour là, le Docteur Hannoun a
eu un gros pincement au coeur :
quarante ans d’efforts et d’investissement
pour faire vivre la communauté
pour en arriver là !

Un phénomène également observé
par la plupart des responsables de
communautés de la Seine-Saint-
Denis. Pourtant, avec l’arrivée des
Juifs d’Afrique du Nord, ce département
du Nord de Paris a été pendant
près de quarante ans le pôle
central du judaïsme français. On
estime ainsi que 10 000 à 15 000
familles juives s’y sont installées
à partir de 1962. Chaque commune
du 93 comptait alors au moins
une synagogue ou un oratoire. Un
dynamisme communautaire qui a
aujourd’hui été remplacé par un
inquiétant déclin, au point que
l’éventualité de la fermeture à
court ou moyen terme de structures
communautaires se pose dans
certaines villes…

C’était d’ailleurs l’un des principaux
sujets de conversation abordé
lors du récent dîner du Conseil
des Communautés du 93 (CCJ93).
« Les gens fuient le département,
c’est aussi simple que cela !, assure
Sammy Ghozlan, le président
du CCJ93. C’est un phénomène que
l’on retrouve dans toute la banlieue
parisienne, mais il est particulièrement
frappant dans le 93. Il y a
à cela des causes sociales, mais le
moteur c’est avant tout l’antisémitisme.
»

Comment, en effet, ne pas voir un
rapport entre la multiplication des
agressions contre les Juifs et leur
désamour croissant pour un département
à forte population musulmane
? C’est d’ailleurs la seconde
Intifada qui, à partir de 2000,
a donné le signal de ce grand départ…
En direction de l’Ouest parisien
(Neuilly-sur-Seine, Boulogne,
Levallois, 17e arrondissement) pour
les plus aisés, ou de la poignée de
villes qui, dans le 93, enregistrent
une arrivée massive de familles
juives comme Villemomble, Gagny
ou le Raincy.

La raison de ces choix est connue :
structures communautaires importantes,
présence d’écoles juives,
et surtout sécurité. Au point que
le maire du Raincy, Eric Raoult
(UMP), s’est un jour félicité que
sa ville soit devenue « une enclave
en territoires occupés »… Une déclaration
qui, bien sûr, avait alors
fait scandale, mais qui correspond
souvent à la réalité vécue par les
Juifs du 93. Y compris physiquement
: ce jeune rabbin se souvient
ainsi que la synagogue dans laquelle
il a débuté sa carrière était
situé au coeur d’une cité « chaude ».
Résultat : au plus fort de la flambée
de violence du début des années
2000, elle s’est vidée d’un
coup pour ne jamais se remplir à
nouveau. « Ceux qui n’imaginent
pas ne pas aller à la synagogue
ont déménagé… Le problème, c’est
ceux qui étaient déjà limite : leur
niveau de pratique s’est considérablement
affaibli !, raconte le rabbin.
Aujourd’hui, il ne reste que
des personnes âgées, et on a de
la chance lorsqu’on arrive à réunir
un myniane pour les offices de
Chabbat… »

Stains, Peyrefitte, Aulnay-sous-
Bois, Bobigny : partout, on raconte
la même histoire ! À la Courneuve
par exemple, on ne comptait pas
moins de 4 000 familles juives à
la « grande époque ». Désormais,
le rabbin de la synagogue locale,
Prosper Abenaïm, en compte à
peine une centaine. « Le Juif tient
à sa tranquillité », résume-t-il placidement.
Au moins se console-t-il
à l’idée que de nombreux membres
de sa communauté ont tranché la
question éculée de la « place des
Juifs dans la société française »…
en partant vivre en Israël ! Selon
une estimation du CCJ 93, près
de 30 % des Juifs du département
auraient ainsi fait leur alya
au cours de la dernière décennie
! Une excellente nouvelle… si
ces « montées » en Terre promise
n’affaiblissaient pas doublement
leur communauté d’origine. « Pour
nous, c’est un déficit quantitatif
mais aussi qualitatif, résume
Charly Hannoun, de Villepinte. Les
familles qui font leur alya sont en
effet souvent les plus religieuses et
les plus investies dans la communauté.
Ce sont elles qui constituent
la base de nos mynianim… »

Exsangues, ces communautés
juives perdent également et progressivement
de leur « intérêt
électoral » auprès des responsables
politiques locaux. Ne plus pouvoir
peser sur le résultat des élections
équivaut rapidement à voir ses
demandes étudiées avec moins de
bienveillance par les mairies et
les notables locaux. Un rapport de
force dont sont conscients certains
présidents de communautés qui se
gardent bien désormais d’inviter
les élus à assister aux évènements
communautaires dont l’assistance
risquerait d’être trop « clairsemée
»… Faut-il y voir la victoire
du « bonifacisme », comme le dénonce
Sammy Ghozlan en référence
à un rapport pondu par Pascal
Boniface, dans lequel il proposait
au parti socialiste de favoriser la
communauté maghrébine au dépend
de la communauté juive en
raison du poids électoral supérieur
des populations musulmanes ?

Et si ce cynisme du calcul électoraliste
n’y suffisait pas, l’idéologie
ferait le reste ! Bastion communiste,
la Seine-Saint-Denis affiche en
effet sans complexe son soutient
aux Palestiniens. Dernièrement, la
mairie de Stains s’est d’ailleurs illustrée
en faisant du chef des Tanzim,
Marouane Barghouti, un « citoyen
d’honneur » de la commune.
Quant au maire de Saint-Denis,
il a organisé une manifestation
contre les « crimes israéliens » durant
l’opération « Plomb durci » à
Gaza… Est-ce un hasard si, quelques
jours plus tard, le centre communautaire
Ohr Menahem y subissait
des jets de cocktails Molotov ?
Dans ces conditions, rien d’étonnant
à ce que les Juifs ne se sentent
plus à leur place dans cet environnement
devenu « officiellement »
hostile. À l’inverse, les villes du
93 qui attirent aujourd’hui des
Juifs sont toutes administrées
par l’UMP, dont la position sur le
Proche-Orient est beaucoup plus
nuancée…

Reste que cette « déjudaïsation » du
département est aussi la preuve de
l’amélioration des conditions de vie
de la communauté juive. À mesure
qu’elles s’élèvent dans l’échelle sociale,
les nouvelles générations aspirent
en effet à s’installer dans des
villes qui correspondent davantage
à leur nouveau statut. Un phénomène
social classique qui prive du
coup les synagogues de leurs poumons
: les jeunes et les familles
avec enfants ! « C’est l’erreur des
dirigeants communautaires de
n’avoir pas su retenir cette tranche
de la communauté », regrette ainsi
amèrement Sammy Ghozlan.

Face à ce sombre tableau, les institutions
juives centrales s’efforcent
de maintenir la tête des communautés
les plus affaiblies « hors de
l’eau » (voir notre interview de Joël
Mergui). Le grand rabbin de Paris,
David Messas, vient ainsi d’annoncer
la création d’un poste de rabbin
délégué de la Seine-Saint-Denis au
Consistoire de Paris. « Rien n’est
inéluctable, assure le rav Mendel
Belinov qui dirige le Bet Loubavitch
de Saint-Denis. Il ne faut surtout
pas baisser les bras ! Si nous
voulons que les Juifs restent dans
nos villes, il faut agir avec énergie,
force et émouna, et être présents
dans tous les moments de leur vie ».
Or parfois, cela paye. En témoigne
le succès du centre communautaire
Ohr Menahem !

Mais les responsables communautaires
en sont conscients : s’il sera
peut-être possible de maintenir
certains foyers de judaïsme, beaucoup
seront à terme amenés à disparaître.
Toutes les communautés
du 93 ne peuvent en effet construire
une école juive pour attirer les
si convoitées « familles avec enfants
». Et après tout, le propre de
la Diaspora n’est-ce de voir des
communautés naître, prospérer
puis s’éteindre… puis d’autres les
remplacer : le cycle est immuable.
Mais au moins, cette fois-ci, se répète-
t-il sans catastrophe pour les
Juifs !

« Je suis triste bien sûr, mais cette
désertification de nos banlieues est
inéluctable », se résout donc Charly
Hannoun, rappelant avec humour
la “petite histoire” en vogue en Israël
avant la guerre des Six-Jours :
« Le dernier éteint la lumière… ! ».
Serge Golan


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