Le « Chéma » ou la complète soumission au joug de la Royauté céleste

En plus de l’énoncé des Dix
Commandements, la paracha
Vaet’hanan se distingue
également par le fait qu’elle comporte
le premier chapitre du « Chéma
Israël ». Or, le rav Moché Reiss attire
notre attention sur notre obligation
d’une part de réciter le Chéma matin
et soir, mais d’autre part et en même
temps sur le fait incontournable que
cette mitsva occupe dans la Torah,
dans l’histoire de notre peuple et
dans la conscience juive en général,
une place tout à fait remarquable !
A chaque fois que l’on introduit
un bébé âgé de huit jours dans l’alliance
de notre ancêtre Abraham par
la Brit-Mila – le moment précis où
l’âme juive s’introduit dans le corps
humain -, l’assistance tout entière
récite tout d’abord le premier verset
du « Chéma Israël » pour se définir
clairement parmi ceux des hommes
qui prennent sur eux le joug de la
Royauté céleste.

>

On sait aussi qu’au moment de la sortie
de l’âme en dehors du corps à la fin de
la vie, c’est l’usage de réciter – si possible
en compagnie d’un minyane de dix
personnes – les versets par lesquels
nous proclamons l’unité de Hachem,
le premier d’entre eux étant justement
le premier verset du Chéma.
L’arrivée de l’âme juive ainsi que son
départ sont donc intrinséquement
liés au Chéma Israël. De la même
manière, il est connu que les pages
les plus glorieuses de l’histoire juive
se distinguent par les récits de nos
héros qui, individuellement ou par
communautés entières, ont donné
leur vie en montant sur le bûcher,
proclamant ensemble « Chéma Israël
» et refusant ainsi publiquement
d’abjurer leur fidélité à Hachem !
Nous voyons donc bien l’importance
de la récitation du Chéma dans la Torah
et dans toute notre vie, tant au
niveau du quotidien « routinier » que
dans les moments les plus importants
et marquants de notre existence.
Le Traité talmudique Berakhot (page
13/a) analyse les divers sens du mot
« Chéma » et en déduit même – de
manière allusive – la possibilité de
prononcer ce texte fondamental
dans toute langue que nous comprenons
vraiment.

Le Sfat Emet dit que le mot « Chéma
» nous invite à comprendre que
tous les sons et toutes les symphonies
traversant le firmament expriment
ce message du Chéma et proclament
l’Unité du Créateur, notre
D.ieu. Et c’est en fonction du niveau
de spiritualité de notre écoute que
nous serons capables de décrypter la
profondeur de ce message. !
Selon le Séfer ha’Hinoukh, l’obligation
formelle de réciter le Chéma
matin et soir se justifie par la nécessité
de marquer dès le matin notre
volonté de situer nos actes, nos paroles
et nos pensées, toute la journée
durant, sur les puissants vecteurs
des mitsvot. De même, le soir, nous
inscrivons notre vie pour toute la
durée – parfois longue et dangeureuse
– de la nuit dans l’obéissance
aux mitsvot.

L’être humain étant de prime abord
« corporel », il est souvent prioritairement
attiré par toutes les séductions
physiques et matérielles. Or pour
maîtriser ces pulsions naturelles, il a
besoin de réactualiser et de « recentrer
» sa volonté intérieure matin et
soir, afin notamment de se protéger
contre les désobéissances et autres
déviations du chemin de la Torah sollicitées
avec insistance et constance
par tous les désirs de nos sens !
Ce qui implique très clairement qu’il
faut impérativement réciter le Chéma
avec conscience et ferveur afin qu’il
suscite dans notre intériorité tous les
effets nécessaires. Mais n’imaginons
surtout pas que les mots du Chéma –
même récités sans ferveur – auraient
un impact « magique » et qu’en tant
que tels, ils nous protégeraient automatiquement
de tout mal… même s’il
nous arrive malheureusement souvent
de penser à n’importe quoi.
Dans son important ouvrage intitulé
« Pélé Yoèts », rabbi Eliézer Papo
insiste sur l’importance du Chéma,
en déplorant le fait que ceux qui
le disent « froidement » se privent
ainsi du grand et réel mérite de cette
mitsva.

Or le ‘Hafets ‘Haïm raconte à ce propos
la parabole suivante…
Un patron annonça à son personnel
qu’il s’absenterait pendant une semaine
et il chargea donc l’un de ses
adjoints de le remplacer. Afin de lui
faciliter la tâche, il rédigea donc une
liste journalière et détaillée des sujets
à régler pendant son absence. Et
il insista auprès de son adjoint pour
que celui-ci lise quotidiennement et
soigneusement ce programme avec
toutes ses précisions. Finalement, à son retour, le patron
constata qu’aucune des charges
planifiées ne fut menée à bien.
Une fois accusé de « négligence », le
remplaçant se dégagea de toute responsabilité
en affirmant qu’il avait
parfaitement lu chaque jour la liste
des tâches en question, comme son
employeur le lui avait demandé… !

Ainsi, nous recommande le ‘Hafets
‘Haïm, le Chéma doit-il nous rappeler
notre lien avec notre Créateur,
tout comme nos obligations
envers Lui. Mais, lire cette liste de
nos « obligations » sans ressentir la
moindre ferveur ni saisir que la qualité
de notre relation avec Hachem
constitue l’essentiel dans notre vie,
n’est évidemment d’aucune utilité !
Aussi, devons-nous enraciner de
plus en plus profondément en notre
for intérieur notre amour de Hachem
et notre engagement dans les mitsvot.
Car c’est bien cela le but de cette
lecture du Chéma Israël.

Cette mitsva est certes limitée par le
temps et le moment précis de la journée
où son texte doit être récité – comme le
précise rabbi Chimon dans les « Maximes
de nos Pères » (2/13) -, mais son
influence est censée devoir être ressentie
à travers toute la journée.

Dans le Chéma, nous évoquons chaque
fois l’obligation d’aimer Hachem
de « toute notre âme ». Nous ne sommes
sans doute plus à la terrible époque
des Croisades ni à celle de l’Inquisition,
mais il nous incombe – surtout
en disant les deux mots « bekhol nafchekha
[de toute ton âme] » – de penser
sincèrement que nous préfèrerions
mourir plutôt que d’accepter l’apostasie
! Et de fait, ce mérite de « kiddouch
Hachem » potentiel renfermé au plus
profond de notre âme nous est compté
dans le ciel comme si nous l’avions
acquis de facto et non de manière virtuelle.

Hachem a créé l’être humain afin
surtout qu’il reconnaisse Sa Royauté
et qu’il en prononce constamment la
louange. En cela, l’homme surpasse
toutes les autres créatures qui louent
elles aussi Hachem, car l’être humain
est seul à le faire par le choix de son
libre-arbitre. Ainsi, les anges et les
astres louent-ils Hachem sans nul
choix possible, capables qu’ils sont
d’obéir, mais surtout pas de désobéir !
Or, de tous les êtres et groupes humains,
le peuple d’Israël est le seul à
assumer bel et bien ce but fondamental
de la Création du monde par Hachem,
les autres peuples s’adonnant
aux diverses et multiples vanités du
monde, pour en repartir à la fin de la
vie les mains vides… Voilà pourquoi,
grâce au Chéma, l’homme juif est
seul dans sa émouna (confiance profonde
en D.ieu) à proclamer la Gloire
de Hachem dans le monde.

En espèrant vivement que ces quelques
réflexions nous apportent désormais
une manière nouvelle et
plus personnelle d’ouvrir la page du
Chéma Israël !

Rav Hayim Yaacov Schlammé


Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il