« D.ieu avait donné à Chlomo un très haut degré de sagesse et d'intelligence, et une compréhension aussi vaste que le sable qui est au bord de la mer (…) La sagesse de Chlomo était plus grande que tout homme » (Rois I 5, 9-10). Voici ce que dit le verset du roi Chlomo, le plus sage d’entre les hommes. Pourtant, lui-même témoigna à son propre sujet : « J’ai cherché, examiné et tenter de comprendre le sens de la vache rousse, mais elle est restée éloignée de moi » (Bamidbar Rabba 19, 3).
En vérité, l’impuissance de Chlomo face au décret de la vache rousse est révélatrice pour l’ensemble des mitsvot de la Torah : même celles qui nous paraissent « logiques » dépassent notre entendement ; même lorsque nos Sages, au fil des Midrachim, offrent des explications aux mitsvot, celles-ci restent comme une goutte face à l’océan de sagesse que chacun d’elles recèle.
La plus profonde des connaissances
Le roi Chlomo s’exclama à ce sujet dans Kohélet : « Je disais: ‘Je voudrais me rendre maître de la sagesse !’ Mais elle s'est tenue loin de moi » (7, 23). Par ces mots, il exprime le fait que son impuissance face au précepte de la vache rousse ne résulte nullement d’un manque d’efforts. Si c’était le cas, on aurait toujours eu l’espoir de voir arriver un jour un grand sage, qui prenne la peine et le temps de bien approfondir ce sujet jusqu’à en découvrir le secret. Alors qu’en fait, c’est le contraire qui se passa : c’est au travers de sa recherche minutieuse et approfondie que le roi Chlomo arriva à la conclusion que les préceptes de la Torah sont totalement impénétrables pour l’esprit humain.
La Chlah souligne également cette idée : « C’est précisément celui qui scrute et examine un thème et qui, en comprenant la profondeur des idées, arrive à la conclusion qu’il lui est impossible de percer davantage le sens des choses, c’est lui qui mérite d’être appelé un sage. Comme le disent les Sages de la pensée : ‘L’ultime connaissance consiste à savoir que nous ne Te comprendrons jamais’ – exprimant que la plus profonde sagesse est précisément la conscience de notre ignorance face à Sa réalité. »
Presque l’égal des êtres divins
Il est propice de citer, dans ce contexte, les explications du Admour de Tchernobyl, relatives à l’adage talmudique : « Cinquante portes de sagesse ont été créées dans le monde, toutes furent offertes à Moché sauf la dernière comme il est écrit : ‘Tu le fis presque l’égal des êtres divins’ » (Roch Hachana 21/b). Or, s’interroge ce maître, cette formulation semble pour le moins singulière : pourquoi ne pas affirmer directement que 49 portes de sagesse furent offertes à Moché ? Que suggère : « Toutes sauf la dernière » ?
La réponse, écrit-il dans le Maor Enaïm, réside dans l’idée suivante : « Le but ultime de la connaissance est précisément d’admettre que l’on ne sait pas (…) Car même si nous pouvons accéder aux quarante-neuf portes de sagesse, la cinquantième restera dans l’ordre de ce verset : ‘Un chemin que l’oiseau de proie ne connaît pas’ – qui consiste dans la connaissance Son Essence même, que nul ne pourra jamais saisir car cela est impossible. C’est donc en découvrant que cette porte renferme la connaissance de Son Essence – qu’aucun créature dans les Cieux ni sur terre ne pourra jamais saisir –, qu’on atteint alors l’ultime savoir, c'est-à-dire en cela même que l’on découvre ce que l’on ne connaîtra jamais… »
Ma Face ne peut être vue
Par conséquent, plus l’homme perçoit davantage le fait qu’il ne connaîtra jamais Son Essence, plus il s’élève dans la sagesse. Le Arvé Na’hal expliquait en ce sens le verset de Kohélet : « Je voudrais me rendre maître de la sagesse ! Mais elle s'est tenue loin de moi » Autrement dit, c’est précisément le maître de la sagesse qui est à même de découvrir que cette connaissance – la découverte de Son Essence – se tiendra à jamais « loin de moi ».
Dans le même ordre d’idées, le Tiféret Chlomo rapporte une contradiction apparente entre deux versets. D’une part, la Torah témoigne que « L’Eternel S’entretenait avec Moché face à face » (Chémot 33, 11) ; mais il est pourtant dit en peu plus loin : « Tu Me verras par derrière, mais Ma Face ne peut être vue » (verset 23). D’après cet auteur, la réponse réside dans le fait que « le Saint béni soit-il est infini. Par conséquent, tous les jours de sa vie, l’homme peut s’élever pour découvrir toujours un peu plus de Sa Sainteté. Chaque nouvel aspect qu’il découvre donc est appelé ‘Ma Face’, et ce qu’il a déjà découvert la veille est considéré comme ‘l’arrière’ de la Présence divine. Et ce, car le Saint béni soit-Il est infini, et qu’il sera à jamais impossible de Le saisir… »
La Torah est « intacte »
On raconte que lorsque l’auteur du Avné Nézer était encore enfant, il entra un jour chez celui qui devait devenir par la suite son beau-père, le Rabbi de Kotsk. Le maître lui avait demandé en cette occasion : « Dis-moi, mon enfant, que connais-tu dans la Torah ? » ; l’enfant avait répondu : « Je connais quelques petites choses » Le Rabbi s’était alors exclamé en souriant : « Est-il possible de connaître dans la Torah plus que ‘quelques petites choses’ ? »
On rapporte au nom du Baal Chem Tov une lecture originale du verset : « La Torah de D.ieu est parfaite [ou encore : intacte] » (Psaumes 19,8). Depuis de longs siècles, de milliers de sages et d’érudits commentent la Torah et le Talmud, écrivant une somme innombrable d’ouvrages et de recueils de lois, de commentaires et d’exégèses. Mais pourtant, en dépit de toute cette activité, la Torah de D.ieu reste « intacte », comme si nul n’était jamais parvenu à y toucher un tant soit peu.
Adapté par Y. Bendennoune à partir d’un article du rav Moché Reiss, pour Hamodia en hébreu