Dans de nombreuses circonstances, la Halakha prescrit que nous récitions des bénédictions. Mais si la grande majorité des bénédictions sont prescrites par ordre rabbinique, l’une d’elle est imposée explicitement par la Torah : le Birkat HaMazone.

Il est dit dans notre paracha : « L’Eternel te conduit dans un pays d’abondance (…) un pays qui produit le blé et l’orge, le raisin, la figue et la grenade, l’olive huileuse et le miel (…) Tu jouiras de ces biens, tu t’en rassasieras et tu rendras alors grâce à l’Eternel ton D.ieu du bon pays qu’Il t’aura donné » (Dévarim 8, 7-10).
Par ces mots, la Torah nous enjoint de rendre grâce à D.ieu après que nous nous soyons rassasiés des produits de cette terre. Par tradition, nous savons que seul le pain produit avec les deux premiers de ces aliments – le blé et l’orge – est capable de rassasier. C’est la raison pour laquelle l’obligation de rendre grâce à D.ieu ne survient qu’après une consommation de pain, dans des quantités capables de rassasier.
Le principe de la bénédiction renvoie à des notions d’une immense profondeur : « Je n’envisage pas d’être en mesure de saisir serait-ce même une goutte de l’océan de ces notions. De grands sages m’ont en effet appris que celles-ci renferment des concepts puissants et des secrets incommensurables » (Séfer ha’Hinoukh mitsva 430). Malgré tout, « le désir ardent de comprendre un petite part de sa signification me porte à en parler. Et quoique mon silence eût peut-être été préférable, l’amour de la sagesse m’incite à désobéir aux convenances »…
Nous savons que D.ieu est le Bien absolu. Or, la perfection de ce Bien implique qu’Il en fasse bénéficier autrui, sans quoi le Bien resterait incomplet, si l’on peut s’exprimer ainsi. C’est là le but élémentaire de toute existence : parce que le Bien répand forcément le bien, il fallait qu’une œuvre naisse pour être le réceptacle de cette profusion émanant du Bienfaiteur absolu. Cette profusion, ce flux de bienfaits, est ce que l’on désigne par « bénédiction ». C’est en ce sens que la Torah débute précisément avec la lettre beth – la première lettre du mot bérakha, indiquent nos Sages –, parce c’est sur ce principe élémentaire que naquit toute chose.
Ceci étant, lorsque l’homme prononce une « bénédiction », il fait référence à cet ordre des choses sur lequel le monde est bâti. Toutefois, en évoquant une bénédiction, il ne s’agit pas seulement de se remémorer ces principes, sous prétexte de renforcer notre émouna. Car en vérité, en témoignant que D.ieu est la Source du bien et en lui rendant grâce pour Sa générosité, on suscite à soi ce flux de bienfaits. Autrement dit, la formule d’une bénédiction consiste en deux étapes : reconnaître D.ieu comme l’origine de tout bienfait et Lui rendre grâce pour cela, et c’est la conscience de ces deux point qui permet d’attirer à soi les bienfaits divins.
Pour le Séfer ha’Hinoukh, c’est sur cette base que fut composée le « matbéa » – le modèle – de toutes nos bénédictions. Comme nous le savons, certaines d’entre elles débutent par le mot baroukh, d’autres se concluent par ce mot, et d’autres le portent aussi bien au début qu’à la fin.
En effet, à chaque fois que l’on sollicite ce flux céleste que l’on appelle bénédiction, il convient systématiquement de rappeler Qui en est à l’origine, et Lui rendre grâce pour Ses bienfaits. Et c’est de la sorte seulement que l’on peut espérer pouvoir recueillir ce bien. C’est la raison pour laquelle, selon les circonstances, il convient de rappeler en un premier temps que le Créateur est à l’origine de notre bien – d’où le baroukh qui introduit la plupart des bénédictions –, et souvent de conclure sur cette même expression, pour rappeler que toute demande adressée au Ciel dépend uniquement de notre capacité à en reconnaître la Source.
SOUSTITRE : Les lois
Comme nous l’avons vu, le Birkat HaMazone n’est obligatoire, par ordre de la Torah, qu’à partir du moment où l’on consomme du pain confectionné à partir des deux espèces de céréales évoquées par le verset : le blé et l’orge. A celles-ci, on associe trois autres espèces qui sont considérées comme appartenant aux deux premières : l’avoine, le seigle et l’épeautre.
Formellement, on n’est tenu de réciter le Birkat haMazone qu’à partir du moment où le repas nous a rassasiés. Selon ce critère, cette mesure dépend de l’appétit et de la constitution de chaque individu. Mais nos Sages imposèrent la récitation du Birkat haMazone dès la consommation d’un kazaït de pain, ce qui correspond à une trentaine de cm3.
Une règle bien connue énonce qu’« en cas de doute en matière de bénédiction, on s’en tient à l’attitude la moins rigoureuse ». Cela signifie que si l’on se trouve dans une situation de doute quant à la nécessité de réciter une bénédiction, on ne doit pas la prononcer. Mais là aussi, le Birkat HaMazone fait exception : dans la mesure où son devoir est imposé par la Torah elle-même, on doit le répéter même en cas de doute.
Une personne qui n’a pas dit le Birkat HaMazone pourra le réciter jusqu’à 72 minutes après la fin de son repas, laps de temps correspondant au temps estimé de digestion.
Concernant les femmes, il n’est pas certain qu’elles soient tenues de réciter le Birkat HaMazone par ordre de la Torah. En effet, le verset souligne que l’on doit rendre grâce à D.ieu pour « le bon pays qu’Il t’aura donné ». Or, les femmes n’ont pas droit par elle-même à une part dans la Terre d’Israël (hormis dans le cas exceptionnel d’un héritage où il n’y a pas d’héritier mâle). Néanmoins, il ne fait aucun doute qu’elles ont cette obligation tout au moins par ordre rabbinique.
Le Birkat HaMazone peut être récité même dans une langue autre que l’hébreu, pour peu qu’on la comprenne. Néanmoins, il reste préférable, dans la mesure du possible, de le réciter en hébreu, même si l’on ne comprend pas le sens des mots.
Les maîtres de notre tradition rapportent que celui qui récite scrupuleusement le Birkat HaMazone, notamment en le lisant à partir d’un livre et non par cœur, aura l’assurance de ne jamais manquer de pain tous les jours de sa vie. Le Séfer ‘Hassidim rapporte également à ce sujet qu’un homme défunt s’était révélé en rêve à l’un de ses proches, et lui avait appris que dans le Ciel, il était jugé chaque jour pour toutes les bénédictions qu’il n’avait pas récitées avec recueillement, et en pensant aux mots qu’il prononçait. Par Yonathan Bendennnoune,en partenariat avec Hamodia.fr