Président de la plus grande organisation anti-avortement existant dans le pays et appelée « Efrat-CRIB » – Comité pour la Sauvegarde des Bébés d'Israël -, Le Dr Eli Schussheim nous parle ici de son association, de sa carrière médicale et aussi de sa relation particulière avec les guedolei Israël.

– Hamodia : Dr Schussheim, qu'est-ce qui vous a amené à la médecine ?
– Dr Eli Schussheim : Je me souviens de la première fois où j'ai entendu la phrase : « Sauver un Juif, c'est comme sauver tout un monde ! ». En fait, j'ai toujours été très impressionné par cette approche du judaïsme par rapport à l'importance qu’il donne sans cesse à la vie humaine, et j'ai donc décidé d'étudier la médecine afin d'être capable de sauver le plus de vies possible. Je ne savais pas encore que toute ma vie allait changer et que j'allais diriger un organisme entièrement dédié au sauvetage de la vie des bébés juifs !
Il faut savoir que cette notion – développée dans le Talmud – de « pikoua'h nefech » [la nécessité de sauvegarder la vie des personnes-Ndlr] est tout à fait unique et spécifique à la religion juive pour qui son principe de base est “la vie avant tout”. Lorsque D.ieu a créé le monde, Il a créé de nombreuses espèces végétales, animales et plusieurs galaxies, mais il a créé un seul homme, puis après une femme, afin de souligner l'importance de la vie humaine.
Tout cela a eu une grande influence sur moi, et j'ai décidé de consacrer ma vie à préserver celle des autres. J'ai donc choisi la médecine, et plus particulièrement la chirurgie où l'on peut sauver le plus de vies.
– Où avez-vous pratiqué la médecine ?
– Je suis né et j'ai grandi en Argentine, où j'ai également fait mes études de médecine. Après avoir obtenu mon diplôme à Buenos Aires en 1963, je suis monté en Israël où j'ai été nommé chirurgien en chef des hôpitaux de Hadassah et de Chaaré Tsédek à Jérusalem. J'étais également le médecin officiel de la Knesset.
Malheureusement, c'est pendant la guerre des Six-Jours que j'ai acquis beaucoup d'expérience. C'était une période dramatique lors de laquelle j'ai pu sauver de nombreuses vies…
– Quand avez-vous décidé de fonder l'association Efrat ?
– Ce projet a débuté pour plusieurs raisons qui m'ont fait prendre conscience de l’urgente nécessité de faire quelque chose de décisif pour sauver des vies juives !
Ce fut tout d'abord durant la guerre de Kippour d’octobre 1973, alors que j'étais sur le Canal de Suez en tant que médecin militaire. Je m'en souviens comme si c'était hier… Le soir de Souccot, je soignais un soldat blessé dans un hôpital de campagne, lorsqu'un autre hurla soudain : « Les Migs arrivent ! [les avions de combat de l'armée égyptienne-Ndlr]. Nous nous sommes alors tous jetés à terre quand les avions ont commencé à déverser leurs bombes sur nous… Il ne nous restait donc plus qu'à réciter le Chéma Israël… À la fin de l'attaque, j'étais le seul qui n'avait pas été blessé ou tué. Ma vie avait été miraculeusement sauvée, et je sentais que je devais ce cadeau de la vie à D.ieu ! Je sentais que ma vie avait été ainsi sauvegardée miraculeusement pour que je puisse en sauver à mon tour… Je décidais donc de consacrer ma vie à celle des autres. Mais je ne savais pas encore comment.
C'est plusieurs années plus tard, en 1977, que j’ai fondé l’association Efrat, notamment après qu'une femme est arrivée à ma consultation avec un bébé dans les bras en me remerciant pour un conseil que je lui avais donné un an auparavant et qui avait sauvé la vie de son enfant. Son histoire m'a bouleversé et elle a littéralement changé ma vie.
Or cette même année, la Knesset a voté une loi sur l'avortement. La voie était donc ouverte pour la création d'Efrat. Et je suis fier que le premier bébé que nous ayons sauvé soit aujourd'hui père d'une famille nombreuse !
– Comment fonctionne Efrat ?
– Nous nous sommes inspirés des associations anti-avortement américaines qui organisent des manifestations contre l'interruption volontaire de grossesse (IGV). Mais il me semble que leur méthode n'était pas la bonne… Nous ne disons pas aux mères qu'elles n'ont pas le « droit » d'interrompre leur grossesse, nous leur expliquons qu'il existe d'autres moyens pour résoudre les problèmes qui apparaissent avec la naissance d'un enfant. Car c'est souvent une question d'argent ; et donc en proposant de venir en aide aux mamans, nous sauvons ainsi des milliers de vies chaque année !
Comme il est dit dans la Torah : « Et tu as choisi la vie ! » ; nous avons le choix et il faut juste donner les bonnes informations à chacun pour aider les personnes concernées à prendre la bonne décision.
Ainsi, depuis la création d'Efrat, nous avons sauvé plus de 30 000 bébés, et chacun d’eux constitue tout un monde à lui seul !
– Les guedolei Israël soutiennent-ils votre travail ?
– Ils sont la force motrice d'Efrat ! Et véritablement sans leur aide et leur soutien, Efrat n'aurait pas vu le jour… Notamment le Gerrer Rebbe, le Lev Sim'ha, zatsal, qui a apporté la première pierre à cet édifice ; ainsi que son frère, Le Pnei Mena'hem, zatsal.
J'ai aussi la chance d'être moi-même le médecin personnel de plusieurs grands rabbanim. En tant que médecin orthodoxe, je sers également de référence pour tout ce qui touche à certains problèmes de Hala’ha au plan médical. Ainsi, par exemple, de nombreuses personnes s'adressent à moi à la veille de Kippour parce qu'elles ont des questions médicales à poser sur le jeûne.
J'éprouve également beaucoup de joie à prier et à chanter, et je me rends à Belz – en Ukraine – pour les fêtes de Roch Hachana. Là-bas, on m'offre une place face à l'Arche sainte. Certes, je ne pense pas mériter tous les honneurs que je reçois : je ne fais que mon devoir et je poursuis le but central que je me suis fixé…
De même, lorsque je soigne un grand rav, je sens que je remplis une mission du ciel. Je pense que tout le respect qu'ils me prodiguent est en fait leur façon à eux de montrer combien la santé et la vie humaine sont importantes. Il faut dire aussi que je soigne de la même façon les guedolei Israël et les autres patients. Mais je dois avouer qu'il y a avec les Sages de notre peuple plusieurs différences et spécificités dans le fait de les traiter qui ne s'expliquent pas médicalement…
– Je suppose que diriger une association aussi active qu’Efrat constitue un travail à plein temps… ?
– Ce n'est pas pour moi un « travail » : c'est entièrement du volontariat ! Je reçois toujours mes patients deux heures chaque soir, entre 19 h 30 et 21 h 30, et je fais de petites opérations qui ne nécessitent pas d'hospitalisation. Bien sûr, je dois un peu continuer à gagner ma vie, mais le reste du temps, je suis au siège d'Efrat pour sauver la vie des bébés.
Depuis que je travaille à la tête de cette association, pas une seule mère n'a regretté d'avoir gardé son bébé ! Et chacun d'entre eux a pu être sauvé avec une somme assez modique tournant autour de 1 200 shekels seulement, en aide matérielle ou autre…
En fait, ma vraie récompense est de voir ces mamans heureuses venir nous remercier du fond du cœur pour la joie que leur procure leur enfant. Si bien que la profonde satisfaction et la sérénité que je tire de mes activités à Efrat ne sont comparables avec aucune autre !
Propos recueillis par Yehuda Marks.
En partenariat avec le journal Hamodia. Il est interdit de reproduire cet article sans accord écrit.
