On pourrait résumer le cas de
la « yéfat toar » – sur lequel
débute notre paracha de
Ki-Tétsé – par ces quelques mots
de Rachi (Dévarim, chapitre 21,
11) : « La Torah ne s’est prononcée
ici que par opposition au mauvais
penchant, car si le Saint Béni soit-
Il n’avait pas permis cette femme,
l’homme la prendrait tout de même
de manière interdite ».

De fait, la Torah estime qu’à son
retour de la guerre, après avoir
affronté la mort et la tourmente
du front, lorsqu’un soldat juif voit
parmi les prisonnières une femme
de belle figure et qu’il désire la
prendre pour épouse, il lui serait
pour ainsi dire impossible de résister
à cette tentation… Il existe
ainsi des circonstances particulières
où l’homme, en proie à des
sentiments frénétiques et intenses,
se voit incapable de surmonter
l’épreuve à laquelle il est soumis.
Or, comme le fait remarquer le
« Méchekh ‘Hokhma » (dans son
commentaire sur Béréchit, 9, 7),
cette forme de « dérogation » prononcée
ici révèle à nos yeux l’humanisme
profond renfermé dans
tous les préceptes de la Torah.


Des voies conciliantes

Un principe talmudique élémentaire
que l’on retrouve souvent dans
la halakha énonce distinctement
cette notion : « Les voies [de la Torah]
sont des voies conciliantes et
tous ses sentiers aboutissent à la
concorde », (Proverbes, 3, 17). Bien
au-delà de l’intonation poétique
de ce verset, nos Sages décelèrent
à travers ces mêmes mots un principe
d’arbitrage halakhique tout à
fait fondamental : jamais la Torah
n’impose à l’homme des préceptes
qu’il est incapable d’accomplir ; au
contraire, si toutes les voies de la
Torah sont conciliantes, c’est que
jamais nous ne serons confrontés
dans notre quête spirituelle à
une exigence dépassant nos forces
tant physiques que morales.

Un exemple éloquent de cette règle
se trouve dans les circonstances
tragiques du yiboum [le lévirat].
Comme nous le savons, lorsqu’un
homme meurt sans laisser
derrière lui de descendance, la loi
du lévirat impose à sa femme de
se marier avec le frère du défunt
« afin que son nom ne périsse pas
au sein d’Israël », (voir dans notre
paracha au chapitre 25, 10).

Si l’on s’en tient rigoureusement
aux termes des versets, une situation
assez tragique pourrait naître
de ce devoir : imaginons qu’un
homme décède en laissant un fils
– ce qui dispense donc sa mère
du yiboum –, mais que quelques
années plus tard, ce fils vienne à
son tour à décéder… Logiquement,
nous serions censés déclarer à la
veuve – après le décès de son fils
– qu’elle est à nouveau tenue par
les lois du lévirat puisqu’à ce jour,
son défunt mari ne possède plus de
postérité. Or, comment concevoir
d’imposer un tel mariage à cette
femme si elle devait entre-temps
avoir déjà refait sa vie et avoir
fondé une nouvelle famille ?

Si tel devait être le cas, la halakha
ne serait assurément pas
« conciliante » ni même vivable
pour le commun des mortels !
Il fut donc déclaré que le devoir
du yiboum n’est déterminé qu’à
l’instant précis du décès du mari
et même si l’enfant devait décéder
un court instant après son
père, la veuve n’en serait pas
moins dispensée du lévirat (Traité
talmudique Yévamot, page
87/b). Par ce principe, nos Sages
purent ainsi déterminer à de
multiples reprises que certaines
lois devaient être interprétées de
manière à être « humainement
réalisables ».

Voilà pourquoi, poursuit le Méchekh
‘Hokhma, la Torah n’impose
pas à la femme la mitsva de
procréer. En effet, dans la mesure
où toute naissance suppose
un réel danger de mort pour la
mère, la Torah ne saurait exiger
de la femme une chose qui
dépasse ses capacités physiques
! Mais pour contrebalancer
et équilibrer cette situation, le
Créateur insuffla chez la femme
un instinct maternel puissant
qui la persuade – sans toutefois
l’y contraindre – de procréer.
C’est donc en vertu de ces considérations
que la Torah n’a pas
pu interdire au soldat de prendre
pour épouse à son retour de
guerre la « femme de belle figure
» qu’il apercevrait parmi les
prisonnières, dans la mesure où
jamais la Torah n’impose à l’homme
une difficulté qu’il ne pourrait
pas surmonter.

Yonathan Bendennoune


Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il