Durant ces trois semaines séparant le 17 Tamouz du 9 Av, nous lisons le Chabbat des « Haftarot déPouranouta », dont le thème
central – à l’instar de la paracha de Dévarim – est la « Tokha’ha », c’est-à-dire des paroles d’admonestation et de réprimandes…

Dans le Midrach Rabba (au
début du Livre de Dévarim),
nous trouvons les quelques
mots énigmatiques suivants
: « ‘Je te signifierai et te
déclinerai [Mes griefs] sous les
yeux’ (Psaumes, 50, 21) – deux
Sages [débattirent concernant ce
verset] : l’un dit – Je signifierai
tous Mes griefs sous les yeux, et
le second dit – Je t’énoncerai tous
Mes griefs ». Pour comprendre la
signification de cette étrange discussion,
le « Chem miChmouël »
nous invite à découvrir une explication
du « Alcheikh haKaddoch
» sur le verset : « Au chef
des chantres, psaume de David,
lorsque le prophète Nathan vint le
trouver, à la suite de ses relations
avec Batchéva » (Psaumes 51).


Connaître sa faute…

Ce chapitre des Psaumes fut rédigé
après que le roi David s’appropria
Batchéva de manière peu
conforme en envoyant son mari
au front. Or de prime abord, il
aurait été plus logique que le
Psalmiste se répande en plaintes
et regrets pour cet écart qui avait
attisé la colère divine, plutôt que
de composer alors un chant d’allégresse…
Le Alcheikh expliqua qu’en général,
l’homme a naturellement
tendance à se rassurer quant à
la gravité de ses actes et à tenter
de les justifier. Or malheureusement,
ce genre d’attitude
lénifiante n’aide qu’à faire taire
les relents de notre conscience
et ne nous aide en rien à nous
améliorer. Qui plus est, pour le
roi David, il s’avère que la situation
lui ouvrait de nombreuses
justifications : outre le fait que
le roi avait découvert que cette
femme lui était destinée, elle
avait de surcroît reçu un guett
(acte de divorce de la part du
mari) des mains de son époux,
lequel entrerait en vigueur rétroactivement
dès que ce dernier
viendrait à tomber au front… De
ce fait, David possédait de nombreuses
excuses derrière lesquelles
il pouvait étouffer son manquement.
Et si le prophète n’était
pas venu à lui, le roi David aurait
certainement conservé cette tache
dans son existence. Par ce
rappel à l’ordre, l’occasion lui fut
donc donnée de se repentir et,
submergé par la joie de pouvoir
ainsi s’améliorer, il fut inspiré à
composer ce « psaume au chef de
chantre »…

Ainsi, en raison de cette tendance
qu’a l’homme de vouloir toujours
minimiser ses propres fautes – une
propension comptant elle-même
comme l’une des oeuvres maîtresses
du yétser hara –, le Saint Béni
soit-Il formula la promesse : « Je
te signifierai et te déclinerai [Mes
griefs] sous les yeux » – c’est-àdire
qu’Il révélera à chaque homme
les fautes qui pèsent réellement
sur sa conscience.


Révéler et apprendre !

Dans ce contexte de la « remontrance
» qui domine tant dans
notre paracha, les deux avis évoqués
dans le Midrach font ressortir
deux dimensions bien distinctes
de cette notion, mais qui ne
sont finalement en rien contradictoires.
Il y a tout d’abord dans la remontrance
cet aspect d’éblouissante révélation
grâce à laquelle l’homme
devient en mesure de se repentir et
peut éprouver ce faisant – comme
David – une immense satisfaction.
Dans cette même mesure, nous
apprenons que le sacrifice appelé
« acham talouy », que l’on apportait
au Temple si l’on entretenait
un doute quant à une faute éventuellement
commise, était payé
en chékalim d’argent, alors que
le « ‘hatat » – qui venait expier une faute avérée
– pouvait s’élever à un simple
zouz. Or, comme l’explique Rabbénou
Yona (au début du Traité
Bérakhot), si la faute incertaine
impose un sacrifice plus onéreux,
c’est parce que le repentir n’est
pas aussi évident dans une situation
de doute. Afin que l’homme
prenne davantage conscience de
sa faute, la Torah lui impose donc
un apport personnel plus important.
Voilà pourquoi D.ieu promet de
« signifier Ses griefs » aux fauteurs,
afin de les aider et de les
encourager dans la démarche de
leur repentir.

Toutefois, la remontrance comprend
une seconde dimension,
non moindre que la première, qui
consiste à « décliner les fautes ».
De fait, un principe établi par nos
Sages veut qu’« une faute entraîne
une seconde faute » et par conséquent,
un repentir réel exige de
l’homme non seulement qu’il cesse
ses agissements répréhensibles,
mais de surcroît qu’il s’examine
en profondeur jusqu’à découvrir
les causes premières de tous ses
écarts. C’est en ce sens que l’on
apprend de nos Sages : « Celui
qui veut supprimer l’idolâtrie devra
la déraciner profondément »,
(Traité talmudique Avoda Zara,
page 45/b).

En effet, un repentir qui ne s’en
prendrait au problème que superficiellement
ne garantirait pas assurément
que la faute ne se reproduise
pas… C’est donc cet autre
aspect de la « remontrance » que
nous promet D.ieu en déclarant
qu’Il « déclinera les griefs sous les
yeux ».

On le sait, les trois Chabbatot
précédant le jeûne du 9 Av sont
consacrés à la remontrance. La
première haftara – que nous avons
lue le Chabbat Pin’has – était celle
des « Divré Yirmiyahou » [Les paroles
de Jérémie] » annonçant en
prélude les catastrophes futures
se profilant sur Jérusalem.
La seconde haftara est également
extraite des prophéties de Jérémie
(2e chapitre) où il annonce :
« Chimou Dvar Hachem » [Écoutez
la parole de l’Éternel] ! ».
Avec cette haftara, c’est une très
nette remontrance qui est adressée
au peuple d’Israël : « Je vous
avais amenés dans un pays de
vergers pour jouir de ses fruits,
(…) mais une fois arrivés, vous
avez souillé Mon pays. (…) Les
prêtres ne se sont pas demandés
où est D.ieu, les dépositaires
de la Loi ne M’ont plus connu
(…) ».

Et cette remontrance de fond se
précise encore davantage la troisième
semaine lorsque survient le
« ‘Hazon Ichayahou » [La vision
d’Isaïe], où le peuple se voit blâmé
en ces termes : « J’ai élevé des
enfants, Je les ai vus grandir, et
eux se sont insurgés contre Moi.
Un boeuf connaît son possesseur,
un âne la crèche de son maître :
Israël ne connaît rien, Mon peuple
n’a pas de discernement », (1, 2).
Ces trois prophéties s’avèrent en
fait être trois expressions différentes
de la remontrance : par la
« parole », l’« ouïe » et la « vision »,
elles ont pour objet de pénétrer
plus profondément dans nos
coeurs, jusqu’à ce que nous prenions
pleinement conscience de
leur exactitude.

Et c’est en nous imprégnant de ces
remontrances, en prenant pleinement
conscience de cette situation
même qui fut à l’origine de
la destruction de Jérusalem, que
pourront naître au coeur même de
Ticha béAv les premiers frémissements
de la consolation !

Yonathan Bendennoune


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