La prière Av ha-ra?hamim , que l’on récite le samedi matin dans certaines communautés pour commémorer le souvenir de ceux de nos frères qui sont morts pour la sanctification du Nom divin, a connu à travers l’histoire divers avatars.
Inconnue de Rambam /Maïmonide et de Aboudraham , qui ne l’ont pas fait figurer dans leurs siddourim , elle est ignorée dans les communautés de rite séfarade.
La raison en est qu’elle a constitué, lors de sa rédaction, le triste rappel de la première (1096) et de la deuxième croisades (1146).
Ces croisades ont consisté, à travers l’Allemagne et l’Europe centrale, en des rapines, des massacres et des conversions forcées. Les Croisés, tenus en émoi par de longs sermons et des rumeurs fantaisistes, se précipitèrent à l’assaut des villes qu’ils mirent à sac.
Les Juifs en furent presque partout leurs victimes. Les exactions auxquelles se livrèrent les Croisés causèrent la disparition de nombreuses communautés achkenazes de Rhénanie, dont celles de Worms, Spire, Mayence, Metz.
La rédaction même de cette prière a varié selon les époques. Tandis qu’elle sollicitait jadis que Hachem « venge ?de nos jours et sous nos yeux? ( בימינו לעינינו ) le sang de Ses serviteurs qui a été répandu », ces deux mots ont été ensuite supprimés, soit par la censure, soit par une autocensure des rabbins.
Dans la plupart des communautés, et notamment celles issues des traditions de l’Europe de l’est, on récite Av ha-ra?hamim chaque Chabbath , à l’exception de ceux où l’on annonce Roch ?hodèch , sauf ceux des mois de iyar , de siwan et d’ av , ainsi que ceux où se trouve dans le synagogue un fiancé, un mohèl (« circonciseur ») ou un sandèq (« ?parrain? d’un nourrisson en instance de circoncision »).
Dans celles qui ont conservé les usages en honneur dans la vallée du Rhin (notamment en Alsace), on ne le dit que deux fois par an, le Chabbath qui précède la fête de Chavou?oth et celui qui précède le jeûne du 9 av .
La raison en est que la deuxième croisade a commencé par des pogroms fomentés d’abord en France au printemps de l’année 1046, puis en Grande-Bretagne et en Allemagne rhénane.
Jacques KOHN.

