Cinq ans et demi, presque 2 000 jours sans voir la lumière du jour, sans parler avec quelqu'un qui nous aime, sans savoir de quoi l'heure prochaine sera faite, sans connaître le sort qui va nous être réservé. Guilad Shalit a traversé une épreuve qui laissera des traces physiques, mais surtout mentales. Hamodia tente d'établir grâce aux témoignages d'autres soldats de Tsahal qui ont été capturés par l'ennemi et maintenu en captivité, ce qui attend le soldat libéré.

'Hézi Chaï cachait difficilement son émotion le jour du retour de Guilad Shalit parmi les siens. Comme tout le monde en Israël, il a suivi, minute par minute, le passage de Guilad de Gaza à l'Égypte, puis à la base militaire, les retrouvailles avec ses parents, le retour à la maison. Mais à cette émotion de 'Hézi Chaï s'est ajoutée une autre dimension : celle que lui confère son statut d'ancien soldat captif. Chaï a en effet été libéré dans le cadre de la transaction Djibril, en 1985, dans le cadre de laquelle plusieurs centaines de terroristes avaient été remis en liberté.
Interrogé par la seconde chaîne de télévision, Chaï a expliqué ce que va ressentir Guilad aux cours des premiers jours : « Il va être aux anges de pouvoir allumer ou éteindre la lumière quand il en a envie. Il va peu à peu comprendre qu'il peut choisir ce qu'il a envie de manger. Tout cela va le frapper et le surprendre dans un premier temps. Ensuite, il y aura les cauchemars, qui l'accompagneront longtemps. Il se réveillera à chaque fois pour prendre conscience seulement quelques instants plus tard qu'il est dans son lit, chez lui, en sécurité ».
Mais ensuite, selon Chaï, Shalit devra s'attendre à une période plus difficile, celle de la culpabilité : « Lorsqu'il entendra les débats autour du prix payé en échange de sa libération, il se sentira coupable. N'oubliez pas que cette transaction s'appellera à jamais la transaction Shalit, pas la transaction des 1 027 terroristes. Ce sentiment m'accompagne pour ma part chaque jour, alors que plus de 25 ans ont passé depuis ».
Que faut-il faire pour rendre plus doux l'atterrissage dans la '' vie normale '' ? « Le laissez-passer du temps avec sa famille et ceux qu'il aime. S'éloigner. Des paroles comme celles prononcées par le chef d'état-major lorsqu'il lui a donné l'accolade et qu'il lui a affirmé qu'il était un héros aident aussi énormément. Car nombreux sont les captifs à qui on a donné le sentiment qu'ils étaient coupables de ce qui leur était arrivé ».
Selon le Pr Avi Ouri, lui-même médecin et capturé sur le canal de Suez durant la guerre de Kippour, Tsahal a su tirer les leçons de ses erreurs. Par exemple en se gardant bien d'interroger Shalit dans les premières semaines de son retour à la maison : « Il doit d'abord passer quelques examens médicaux, ensuite rencontrer les siens, et se remettre. Après, et seulement après, il passera des examens plus complets, accompagnés par des psychiatres et psychologues. Enfin, si c'est vraiment nécessaire – et rien ne dit que cela le sera – il pourra se soumettre à un interrogatoire sécuritaire ».
Selon le Dr David Senech, psychologue clinique qui a également été capturé durant la guerre de Kippour, le fait que Shalit ait choisi de porter l'uniforme juste après sa libération est un très bon signe : « Lorsque j'ai revêtu pour la première fois après ma libération l'uniforme de Tsahal, j'ai ressenti un profond sentiment de guérison », explique-t-il. Toutefois, selon le Dr Senech, l'expérience vécue par Shalit a été beaucoup plus traumatisante que la sienne ou celle des soldats capturés durant la guerre du Liban : « Même si l'Égypte et la Syrie étaient des pays ennemis, nous étions malgré tout enfermés dans de véritables prisons. Nous avions une certaine routine, nous connaissions nos geôliers. Et puis surtout, nous étions plusieurs. Je ne sais pas où était enfermé Shalit mais il ne fait aucun doute que les choses étaient bien moins organisées ».
Senech insiste lui aussi sur la nécessité d'éloigner les médias : « Sa vie privée doit être protégée », affirme-t-il.
Enfin, le Dr Arik Avnéri, de l'unité psychologique de Tsahal, ancien captif de la guerre de Kippour, rappelle quant à lui que Guilad a passé une très longue période éloigné des siens : « Plus le temps passé en captivité est long et plus la situation s'améliore du point de vue du captif. Tu apprends à vivre en captivité, à t'y faire, à établir un contact avec tes geôliers, à passer le temps. Par contre, le retour à la vie libre devient chaque jour plus difficile. Cinq ans et demi d'incertitude totale constituent un gros traumatisme. J'espère que ce qui l'a fait tenir, c'est l'espoir. J'ai une grande confiance dans sa famille qui s'est révélée être très forte : je suis sûr qu'elle saura lui donner tout le soutien dont il a besoin ». Par Laly Derai, en partenariat avec Hamodia.fr