Onze des 15 juges de la Cour, ce qui représente en soi un forum d’exception, ont en effet statué sur la légalité de la loi sur « la citoyenneté et l’entrée en Israël ».

Après de longues délibérations, une majorité de 6 juges contre 5 a décrété que cette loi sur la citoyenneté était conforme à la législation israélienne et par là même elle a rejeté les recours déposés par 4 ONG de défense des droits de l’Homme qui contestaient justement la légalité de cette loi et proposaient de lui rajouter un amendement. La loi sur la citoyenneté stipule que tout Palestinien résidant en Judée et Samarie, dans la bande de Gaza et même dans un pays ennemi, ne pourra obtenir la nationalité israélienne en se mariant avec un citoyen israélien. Les quatre ONG qui sont spécialisées dans la défense des droits des Palestiniens avaient contesté la légalité de cette loi en faisant valoir qu’elle ne concernait que les citoyens arabes israéliens. Mais donc elles n’ont pas obtenu gain de cause. Parmi les 5 juges qui ont voté contre cette loi sur la citoyenneté, on recense ni plus ni moins que la présidente sortante de la Cour Suprême Dorit Beinisch tandis que parmi les 6 juges qui ont voté en faveur de cette législation, on trouve le juge Asher Grounis qui justement lui succèdera dans quelques jours à la présidence de la Cour et qui dans la rédaction de ce verdict écrit très clairement : « Les droits de l’homme ne peuvent être une ordonnance pour un suicide national ». En d’autres termes : Oui aux droits de l’homme et du citoyen, y compris les citoyens arabes israéliens, mais pas sur le compte de la sécurité de l’État d’Israël qui selon le juge Grounis et ses quatre compagnons de vote, risquerait d’être affectée par l’entrée libre en Israël de milliers de Palestiniens des Territoires.

Quant à Dorit Beinisch elle a estimé au contraire que la loi dans sa version d’origine portait durement atteinte au droit constitutionnel des citoyens arabes israéliens. En consultant les argumentaires des 11 juges pour ou contre cette loi, on retrouve posé le dilemme d’une justice dans un État de droit, mais aussi un État en guerre. Pour résumer, la plupart des juges qui ont confirmé la légalité de cette loi prétendent que la sécurité de l’ensemble de la population israélienne doit être prioritaire sur une atteinte aux droits démocratiques d’une infime minorité. Tandis que les juges qui ont voté contre pensent qu’il ne peut y avoir dans un État démocratique la moindre atteinte aux droits du citoyen. Il convient de rappeler que cette loi avait été votée en 2003 au cœur de l’Intifada, alors que l’on recensait chaque année plus d’un millier de Palestiniens des territoires qui obtenaient automatiquement la nationalité israélienne en se mariant avec des Arabes israéliens et surtout alors que l’on avait constaté une augmentation sensible du nombre d’Arabes israéliens impliqués dans des attentats terroristes. À noter également que certains commentateurs israéliens, mal intentionnés se sont servis du verdict des onze juges de la semaine dernière pour sous-entendre qu’il laissait présager des changements d’orientation de la Haute Cour de Justice sous la houlette du futur président Asher Grounis. En effet, Grounis est considéré comme un conservateur qui se démarque de l’activisme juridique et du libéralisme à outrance prônés tant par la juge Dorit Beinisch que par son prédécesseur et maître le professeur Aaron Barak. Ces observateurs ont exprimé des craintes de voir la Cour abandonner cette approche, au demeurant très controversée, au profit d’une voix plus « traditionnelle » et moins militante. Ce qui est étonnant, c’est que ces commentateurs n’aient pas souligné qu’en fait les onze décisionnaires dans le cas de la loi de la souveraineté siègent tous de longue date dans la Cour Suprême et qu’aucun des quatre nouveaux venus désignés, il y a quinze jours, ne figurait dans ce forum…Par Daniel Haïk ,avec hamodia.fr