LE DÉPLACEMENT des enfants
d’Israël dans le désert
semble contredire l’ordre
du monde ! En effet, nous plaçant
devant la rose des vents,
nous avons pris le réflexe de
penser que le nord est toujours
ce qui nous fait face… Pourtant,
lors du déplacement du peuple
juif vers la terre d’Israël – le
Nord (tsafon) – se trouve toujours
sur sa gauche, avec, face à
lui, l’Est (mizra’h).

Cette singularité appelle une
réflexion qui devrait nous permettre
de déconstruire quelque
peu certaines habitudes culturelles
étrangères à notre être
juif. En effet, si c’est l’Est qui
nous fait face, c’est bien parce
que le terme mizra’h indique
l’idée même d’apparition : le lieu
d’où l’être, à savoir la lumière du
soleil qui rend possible les phénomènes,
jaillit.

Pour cette même raison, que ce
soit en français ou en anglais,
l’Est désigne le lieu de l’être. Inversement,
l’Ouest se dit dans
notre tradition : maarav. Il est
ce point où la lumière du soleil
se dissipe, où toutes les couleurs
se mélangent (Irouv) et se
confondent, c’est-à-dire le lieu
de la déperdition de l’être. En
bon français le « où-est ? » – le
« Where is it ? (West) de l’anglais
-, cette question qui interroge
la disparition de l’être.

Ainsi, dans l’histoire des origines
de notre peuple, l’Ouest c’est
la sortie d’Egypte, c’est-à-dire
la naissance : ce lieu d’où l’on
s’arrache perpétuellement pour
devenir qui l’on est vraiment.
Tandis que l’Est, c’est Jérusalem,
le mur Ouest qui nous fait
face (!), le Temple, le Saint des
Saints, la terre avec laquelle le
premier homme fut conçu et la
Torah qui précéda l’univers…
Pourtant, nous ne comprendrions
pas encore ce qui distingue
l’Est de l’Ouest si nous
ne nous rappelons pas que,
jusqu’à la Renaissance, les nations
de l’universel civilisateur
ont toujours cherché – à leur
manière, c’est-à-dire par l’effet
d’une domination matérielle et
spirituelle – à conquérir l’Est
et à dominer le grand Orient.
Que même leur découverte des
Amériques devait être, au préalable,
la découverte des Indes…
Et qu’inversement, la conquête
de l’Ouest – symptôme du début
de la modernité – a radicalement
brouillé les cartes de la répartition
des peuples, c’est-à-dire de
l’identité humaine !

Tant et si bien que la plus
grande puissance mondiale
d’aujourd’hui – celle du « melting
pot », du mélange ou,
devrait-on plutôt dire, de la
confusion – est celle que nous
pensons être la plus à l’Ouest…
alors que si nous décalons notre
regard sur la planisphère en disposant
la vieille Europe tout à
fait à gauche, nous constaterons
que le Nouveau continent tire en
réalité ses racines des terres les
plus à l’Est…

C’est peut-être pour cette raison,
à cause de ce retournement
radical des pôles, que l’unité de
Jérusalem est rendue caduque,
comme cela ressort de cette
translittération usuelle : Jér-
USA-lem…

YEHUDA RÜCK


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