Le massacre au Beth ‘Habad de Bombay a réussi à briser la quiétude de la communauté juive locale, car pour les 4 000 résidents
juifs de la capitale économique indienne, l’antisémitisme n’avait jamais fait partie du quotidien. En effet, ils vivent à Bombay
depuis des siècles – certains affirment même que c’est le roi Salomon qui les y a envoyés – et ils se sont toujours considérés
comme un exemple d’intégration réussie. Retour sur l’histoire d’une communauté vieille de plusieurs centaines d’années et qui
espère vivement que la sérénité reviendra très vite à Bombay…

Les quelque 4 000 Juifs de
Bombay se font appeler les
« Bné Israël », tout simplement ! Si leur origine demeure incertaine, les premiers Juifs de la ville seraient arrivés – selon certaines
sources historiques – sur l’ordre du
roi Salomon. Ils ont fondé à Bombay
une communauté florissante et ont
toujours réussi à vivre en paix avec
les Hindous, les Bouddhistes et plus
tard avec les Musulmans. L’antisémitisme n’a jamais atteint cette ville,
soulignent les Bné Israël avec fierté.
Plus tard, vers le milieu du 18e siècle,
des Juifs originaires d’Irak, de Syrie
et d’autres pays du Moyen-Orient se
sont installés à Bombay, qui s’appelait Mombay, et qui faisait partie de
l’Empire britannique. Très vite, les
membres de cette communauté sont
devenus de riches hommes d’affaires
dans le textile et le commerce international. Or aujourd’hui, il ne reste
à Bombay plus que 200 Juifs ne faisant pas partie des Bné Israël, pendant que les autres ont émigré vers
Israël, l’Angleterre et les États-Unis.
Les Bné Israël constituent la majorité de la communauté juive de
Bombay.

Ce sont donc les Bné Israël qui forment la majeure partie de la communm
nauté juive de la ville. Jusqu’en 1964,
ils n’étaient pas considérés comme
des Juifs à part entière et ce n’est
qu’à cette date que le grand rabbinat
d’Israël les a reconnus comme tels.
Outre la version reliant ces Juifs au
roi Salomon, une autre thèse affirme que cette communauté tire ses
origines de sept grandes familles
qui, voilà plus de 2 000 ans, ont dû
fuir la Galilée : selon cette version,
les Bné Israël feraient donc partie
des dix tribus perdues exilées vers
722 de leur capitale Shomron par le
roi assyrien Salmanasar. Le bateau
qui les mena de la terre d’Israël en
Inde subit une forte tempête en mer
et seules sept familles survécurent.
Dans un premier temps, elles s’installèrent dans la région de Konkan
sur la côte occidentale de l’Inde et
exercèrent le métier de presseur
d’olives. C’est la raison pour laquelle les Juifs furent surnommés
« Shanawar Talis », ce qui signifie
« les presseurs d’huile du septième
jour ».

Selon la tradition, tous les livres
de Kodech avaient été perdus par
leurs ancêtres durant cette tempête.
La seule prière qui ait pu subsister
à toutes ces longues années
d’éloignement du reste du peuple
juif est le « Chéma Israël ». Toutefois,
les Bné Israël ont continué à respecter le Chabbat, à célébrer
les fêtes principales, à circoncire
leurs fils et à offrir des sacrifices,
comme l’ordonne la Torah écrite.
Or, grâce à un homme, David
Rehavi, la communauté des Bné Israël
renoua ses liens avec le peuple
juif. Les origines de Rehavi restent
inconnues, mais ce qui est certain,
c’est que vers le 10e siècle, il se
rendit dans la région de Konkan et
apprit aux Bné Israël les notions de
base du judaïsme et le respect des
commémorations juives : Chavouot,
Souccot, le jeûne de Guédalia, Tisha
Béav (qui n’était pas célébré par
cette communauté dont les ancêtres
avaient quitté la terre d’Israël avant
la destruction du Temple), mais aussi
le Ramazan (un jeûne respecté durant
tout le mois d’Eloul et qui rappelle
fortement le Ramadan musulman),
le Naviatsha Rodja (un autre
jeûne qui avait lieu durant Roch
Hashana), la fête d’Eliahou Hanavi
(qui tombait le 15 Av) et « Shabi
Rodja « (le jeûne du 17 Tammouz)…
Peu avant sa mort, Rehavi désigna
trois de ses élèves pour
lui succéder et ce rôle se transmit
de génération en génération.
Dès leur arrivée, au cours du 18e
siècle, des Juifs de Bagdad prirent
les rênes de la direction religieuse
de la communauté juive. En 1746,
une première famille issue des Bné
Israël s’installa à Bombay. Le chef
de famille, Shmouel Ye’hezkel
Diwakaar, qui avait été élevé au
grade d’officier au sein de l’armée
britannique, construisit la première
synagogue de la ville, en
1796.

La grande expansion
démographique
du 19e siècle

Renforcés par le sentiment de réussite
de la famille Diwakaar, d’autres
membres des Bné Israël déménagèrent
à Bombay et s’enrôlèrent dans
l’armée britannique. Nombreux furent
ceux qui atteignirent le grade
le plus élevé que l’armée de Sa Majesté
concédait aux natifs indiens.
Ils prouvèrent leur fidélité à l’Empire
britannique à plusieurs reprises :
durant la guerre avec le Pakistan et
la Birmanie, et lors de la révolte indienne
de 1857. Mais peu à peu, les
Juifs délaissèrent la carrière militaire
pour s’adonner à l’industrie, au
commerce ou aux professions libérales
comme le droit, la médecine,
l’architecture, le fonctionnariat et
des activités d’assistance sociale…
Le nombre des Bné Israël est allé
en augmentant durant toutes ces
années : alors qu’en 1830, la communauté
comptait 6 000 âmes,
à la fin du 19e siècle, ils étaient
déjà 10 000. En 1948, on comptait
20 000 membres des Bné Israël
en Inde mais dans les années 60,
ils n’étaient plus que 16 000 suite
à une alya massive vers Israël.
Les rapports entretenus par les Bné
Israël et le sionisme ont connu des
hauts et des bas : en 1897, la communauté
refusa de participer au
premier Congrès sioniste, arguant
du fait que la création d’un État
juif ne saurait être le fait d’individus,
mais uniquement d’une décision
divine… Néanmoins, lorsque
la première organisation sioniste
vit le jour en Inde, en 1920, les
Bné Israël changèrent d’avis et
décidèrent de soutenir le mouvement
sioniste. En 1930, une antenne
de l’Agence juive fut créée
à Bombay pour encourager les
Juifs indiens à émigrer en Israël.
Après le départ des Britanniques
d’Inde en 1947 et la création de
l’État d’Israël en 1948, les Bné Israël
commencèrent à monter en Israël.
Mais l’opposition du rabbinat
à reconnaître leur judaïcité conduisit
un certain nombre d’entre eux à
quitter l’État hébreu pour retourner
à Bombay. Ce n’est qu’en 1964,
lorsque le rabbinat d’Israël les définit
comme Juifs à part entière, que
le rythme de l’alya en provenance
d’Inde s’accrut considérablement.
Une vie juive aux rythmes inégaux…
La grande majorité des Juifs vivant
à présent en Inde font partie
des Bné Israël, même si un nombre
très important d’entre eux
émigra vers Israël ou vers des
pays anglophones comme l’Angleterre,
le Canada, les États-Unis
et l’Australie. Et aujourd’hui, la
communauté des Bné Israël vivant
en Israël compte 60 000 âmes.
Plus de 20 synagogues et lieux de
prière ont été construits en Inde :
les fidèles y respectent le rite orthodoxe
mais, seules quelques synagogues
situées à Bombay réussissent
à réunir un minyane durant
le chabbat. Aucun des rabbins oeuvrant
au sein des Bné Israël n’est
issu de la communauté locale : il
s’agit en général d’émissaires venus
d’Israël en chli’hout. Les fidèles
prient sur des sidourim séfarades.
Précisons aussi que la ville de
Bombay compte trois mohalim qui
sont souvent contraints à se rendre
dans des contrées très éloignées
du territoire indien pour procéder
à des circoncisions. De plus,
le respect de la cacherout n’est pas
toujours évident et il n’est possible
de trouver de la viande casher qu’à
certaines périodes de l’année.

« Les Musulmans ont toujours vécu
près de nous comme des frères », a
affirmé Salomon Soffer, l’un des
notables de la communauté juive,
au lendemain des derniers attentats
sanglants de Bombay. Cependant,
depuis le massacre du Beth ‘Habad,
de nombreux Juifs craignent que
la sérénité qui a régné durant des
siècles de présence juive en Inde
n’appartienne plus qu’au passé…
Selon Soffer, les autorités indiennes
devront désormais protéger
bien plus sérieusement la communauté
juive si elles ne veulent pas
que ses 4 000 membres ne quittent
Bombay pour des cieux plus cléments…
LALY DERAI

Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

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