Avec la conclusion très prochaine du livre de Béréchit, la Torah va nous décrire le huitième et dernier enterrement qui eut lieu dans la « Caverne de Makhpéla ». Petit tour d’horizon de ce que représente dans les écrits traditionnels ce lieu de sépulture plusieurs fois millénaire et rempli de « kédoucha » …
La ville de ‘Hévron compte
parmi les « Quatre Terres
de vie » puisqu’elle est la seconde des quatre plus importantes
villes d’Erets Israël, après Jérusalem et avant Safed et Tibériade. De
tous temps, les Juifs du monde entier firent preuve d’une très grande
abnégation pour se recueillir sur
les tombes des Patriarches et des
Matriarches. En fait, ce sentiment
général pourrait se résumer par
ces quelques mots de rabbi Yéhouda haLévi : « Qui me laissera errer
dans ces lieux où l’Éternel apparut
à Ses Visionnaires, (…) j’aspire à
‘Hévron, le plus éminent des lieux
de sépulture… ».
L’entrée du Gan Eden
Ce lieu revêt en effet une dimension extraordinaire dans la traditc
tion juive. Comme le rapporte un
passage du saint Zohar (Béréchit,
38), Adam haRichon – le premier
des hommes qui fut l’oeuvre des
mains du Saint Béni soit-Il – vit
une lumière extrêmement subtile
sortir du Gan Eden pour briller
dans la grotte de Makhpéla. C’est
pourquoi il désira ardemment y
être enterré tout à côté de l’entrée
du Gan Eden.
Dans son commentaire sur la paracha ‘Hayé Sarah, rabbénou Bé’hayé
suit la même voie en expliquant :
« Avraham connaissait l’importance de l’endroit car il est le couloir
d’entrée pour le Eden, (…) et c’est
pourquoi il le choisit, parce qu’il
est l’entrée du Gan Eden ».
C’est d’ailleurs pour cela que la
ville où se situe cette grotte est
appelée ‘Hévron, comme l’explique
le Alcheikh, « au nom du ‘hibour
[lien] qui relie la grotte avec le
monde d’En-Haut, conformément à
notre tradition voulant que ce lieu
soit l’entrée du Gan Eden ».
De par cette dimension extraordinaire de la Caverne de Makhpéla
– reliant le Ciel à la Terre –, ce lieu
est donc particulièrement propice pour l’acceptation des prières, comme le rapporte le Rama de
Pano dans son ouvrage « Assara
Maamarot » : « Toute prière qui
monte au Ciel emprunte la voie de
la Méarat haMakhpéla ».
Or, non seulement le domaine de
la prière est-il intiment lié à cet
endroit, mais également celui de
l’étude. On rapporte en effet au
nom du ‘Hida qu’« un Ancien rêva
un jour que celui qui étudierait de
manière désintéressée à ‘Hévron
apporterait une grande réparation
pour les fautes commises, (…) car
celui qui étudie à ‘Hévron est semblable à qui étudierait au mont Sinaï ».
Mais l’importance de la ville de
‘Hévron ne se résume pas uniquement à la présence de ce lieu
de sépulture puisqu’en de nombreuses circonstances, il apparaît
que les plus grandes figures du
peuple d’Israël attachèrent une
très grande valeur à s’installer et
à vivre entre ses murailles ! C’est
en effet à ‘Hévron que D.ieu se révéla à Avraham lors de l’Alliance
de « Ben haBétarim », c’est en cet
endroit qu’il réalisa sa propre circoncision et qu’il reçut la visite
des trois anges (voir notre article
« Vestiges du passé »). Ainsi, les
plus grands personnages de notre
peuple y vécurent, et c’est là-bas
qu’éclot le règne de David qui allait donner jour à la dynastie de la
Royauté de David.
Il semblerait d’ailleurs qu’à travers
les siècles, il y a eu de tout temps
une présence juive à ‘Hévron. On
retrouve ainsi des témoignages
datant des tout débuts du Moyen-âge
– en 614 exactement – rendant
compte du soutien qu’apportèrent
les Juifs de ‘Hévron aux Perses,
sous le régime de la dynastie des
Sassanides, dans leur conquête de
la Terre sainte contre l’Empire byzantin. Mais lorsque 14 ans plus
tard, l’empereur Héraclius – l’un
des derniers monarques de l’Empire romain d’occident – reconquit
ces terres contrôlées par les Perses, il se vengea cruellement des
Juifs qui l’avaient trahi en anéantissant toute la population juive de
‘Hévron.
Bien que très longtemps
réduite à quelques
familles isolées, la
communauté juive de
‘Hévron ne tarda pas à
renaître !
Mais avec la ténacité qui le caractérise, le peuple juif revint ensc
suite sur les traces de ses pères, et
la communauté juive de ‘Hévron,
quoique très longtemps réduite à
quelques familles isolées, ne tarda
pas à renaître.
Ce n’est seulement que quelques
décennies plus tard que l’on retrouva la trace d’une communauté
juive à ‘Hévron dans le témoignage d’un ancien manuscrit rédc
digé en arabe et retrouvé sur les
lieux. On y apprend qu’à l’époque
d’Omar Ier, le second calife musulman qui conquit la Terre sainte
des mains des chrétiens, fut entreprise la construction d’une
synagogue sur les lieux de la Caverne de Makhpéla dans les circ
constances suivantes : alors que
le calife s’approchait de ‘Hévron
et que les Chrétiens pressentaient
déjà leur déroute imminente, ils
détruisirent intégralement l’immense église qu’ils avaient érigée
sur les lieux de la sainte sépulture.
Pour ne laisser aucune trace de
ce lieu saint, ils enfouirent profondément l’entrée de la grotte
avec les décombres, de sorte qu’il
devint impossible de la localiser.
Lorsqu’Omar pénétra dans la ville,
les Juifs lui proposèrent alors un
marché : en échange de l’autorisation d’y construire une synagogc
gue, ils indiqueraient au calife le
lieu précis de l’entrée du saint lieu
de sépulture. C’est ainsi que pendant longtemps, subsistèrent une
synagogue et un cimetière juif
tout près de l’entrée de la Méarat
haMakhpéla.
Quelques siècles plus tard (en
1171), le célèbre voyageur Binyamin de Tolède relata sa visite
des lieux par un témoignage remarquablement vivant : « Etablie
jadis dans la montagne, la province de ‘Hévron est aujourd’hui
détruite. C’est dans la plaine et
dans le champ de Makhpéla que
se situent aujourd’hui la ville et la
grande place que l’on appelle ‘Sanat Abram’,qui fut une synagogue
du temps des Arabes. Les non juifs
y ont marqué six sépultures aux
noms d’Avraham et Sarah, Its’hak
et Rivka, Yaacov et Léa, et ils affirment aux pèlerins chrétiens que
ces lieux sont les tombeaux des
Patriarches. Mais lorsqu’un Juif se
présente, il tend une somme d’argent au gardien de la caverne qui
lui ouvre une porte en fer datant de
l’époque de nos ancêtres. On peut
alors descendre des escaliers, qui
mènent à un palier où il n’y a rien…
On reprend alors la descente d’un
second escalier menant à un palier
qui ne contient rien non plus. Et
c’est seulement au troisième palier
que l’on trouve six tombes, l’une en
face de l’autre (…) ».
Une dizaine d’années plus tard,
un sage originaire de l’Empire
germanique, rabbi Peta’hya de
Ranschburg, se rendit lors d’un
voyage exceptionnel sur la tombe
des Patriarches, et donna une description semblable de l’aspect de
la Caverne en ajoutant quelques
détails intéressants. Il décrit qu’à
l’entrée du troisième escalier, formant une cavité à même la roche,
des morceaux de fer particulièrement épais étaient fixés dans le
sol, d’où un vent puissant s’échappait, « et lorsqu’un homme se tenc
nait devant l’entrée de la grotte, la
puissance du souffle l’emportait en
arrière ». Aux yeux de ce Sage, il
ne faisait aucun doute que ces détails ainsi que de nombreux autres
étaient l’oeuvre de la Main divine
puisque « jamais l’homme n’aurait
pu façonner de telles choses»…
Ainsi, même si nous ne sommes plus en mesure de percevoir
la tombe des Patriarches telle
qu’elle nous est décrite dans tous
les témoignages de la tradition,
ceux-ci nous révèlent néanmoins
l’importance capitale qu’occupera à jamais ce lieu particulc
lier dans le coeur du peuple juif.
Yonathan Bendennoune
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