La bénédiction des jeunes mariés

C’est lors du récit de la Création du monde, que nous assistons à la toute
première bénédiction divine, celle que le Tout-puissant réserva au dernier
couple de l’univers à avoir vu le jour : celui de l’homme et de la femme.
L’occasion donc de revenir sur ce que l’on a la coutume d’appeler « la
bénédiction des jeunes mariés » (Birkat ‘Hatanim)…

C’est en effet en référence au
célèbre verset : « D.ieu les
[l’homme et la femme] a bénis,
et D.ieu leur a dit : ‘Fructifiez
et multipliez-vous, et remplissez la
terre…’ » (Béréchit 1, 28) que nous
apprenons l’origine du commandement
de la bénédiction des mariés
(Birkat ‘Hatanim). Puisque, comme
l’enseigne rabbi Abahou, c’est
à cette occasion que « le Saint béni
soit-Il prit un verre de bénédiction
(Koss chel Berakha) et les bénit.
Rabbi Yehouda bérabbi Chimone
ayant ajouté que les anges Mikhaël
et Gavriel étaient eux-mêmes les
garçons d’honneur (Chochvinin)
d’Adam haRichone. Ainsi, conclut
rabbi Samlaï, nous apprenons que
le Saint béni soit-Il accorda sa bénédiction
aux jeunes mariés » (Béréchit
Rabba, 8, 13).


7 bénédictions

Cette bénédiction, détaillée dans le
Traité talmudique Ketouvot, p.8/a,
se compose elle-même de 6 formes
particulières de célébrations qu’accompagne
la bénédiction sur le
vin : « Boré Péri haGuéfen – Source
de bénédictions, Tu es l’Eternel
qui a créé le fruit de la vigne »,
conformément au Midrach précité
qui enseigne que D.ieu leva Sa
coupe et bénit les jeunes mariés en
disant : « Fructifiez et multipliezvous,
et remplissez la terre… ».
Or, les 6 bénédictions restantes
se divisent elles-mêmes en deux
groupes de 3 bénédictions, mettant
ainsi en lumière deux dimensions
distinctes à travers lesquelles se
constituent et s’accomplissent les
liens du mariage.

Le premier groupe, constitué des
bénédictions : 1. « ChéhaKol Bara
LiKhvodo – Source de bénédictions,
Tu es l’Eternel qui a tout créé
pour Sa gloire »/ 2. « Yotser haAdam
– Source de bénédictions, Tu
es l’Eternel qui a créé l’homme » et
3. « Acher Yatsar èt haAdam BéTsalmo
béTsélem Dmout Tavnito…
– Source de bénédictions, Tu es
l’Eternel qui a façonné l’homme
dans Son moule, dans le moule du
modèle de Son empreinte », souligne
en effet l’idée que cette rencontre
entre l’homme et la femme
que nous célébrons à travers leur
mariage est toujours placée sous
le signe de la création originelle
et universelle du premier homme,
c’est-à-dire de l’humanité tout entière.
De ce point de vue, les liens
qui unissent l’homme et la femme
ont un caractère permanent qui
échappe à leur propre détermination
singulière (Néélam), puisque
– qu’ils le veuillent ou non – ces
liens se poursuivent même lorsque
le couple est séparé, c’est-à-dire
malgré la période de « Nida », cette
impureté périodique qui touche
la femme et l’interdit à son mari.
Car même durant cette période, le
couple n’est pas concerné par l’interdit
de Yi’houd (cette situation
d’isolement entre un homme et
une femme qui ne sont pas liés par
des liens de parenté directs comme
une femme avec son père, son
grand père, et éventuellement son
frère, et qui apparaît chaque fois
que ceux-ci se trouvent dans un
lieu qui permettrait un rapprochement
sans être vu par une tierce
personne) ; il vit conformément au
projet divin qui décréta cette unité
imprescriptible qui fut la sienne
lors de l’apparition du premier
homme…

Quant au second groupe, il comprend
les 3 bénédictions suivantes
: 5. « Soss Tassis… MéSaméa’h
Tsion béBanéha – Elle se réjouira…
Source de bénédictions, Tu es
l’Eternel qui réjouit Tsion et ses
enfants »/ 6. « Saméa’h TéSama’h…
MéSaméa’h ‘Hatan véKala – Dans
une joie durable… Source de bénédictions,
Tu es l’Eternel qui réjouit
le fiancé et la fiancée ». Et enfin :
7. « Bara Sassone véSim’ha… Guila,
Rina, Ditsa vé’Hedva, Ahava
véA’hva, Chalom véRéout… MéSaméa’h
‘Hatan Im haKala – Qui a
créé la gaîté et la joie… l’allégresse,
le chant joyeux, la danse joviale et
le bonheur, l’amour et la fraternité,
la paix et l’amitié… Source de bénédictions,
Tu es l’Eternel qui réjouit
le fiancé avec la fiancée ». Or, parce
qu’il concerne plus directement le
couple dans sa singularité propre,
ce second groupe révèle qu’en s’exprimant
par ailleurs sous la forme
d’une union directe bien qu’intermittente
susceptible de renouveler
la vie intime du couple, les liens
qui unissent l’homme et la femme
ont la capacité d’engager leur
existence vers l’accomplissement
parfait de leur réalité. Au point où
la septième bénédiction, qui comporte
elle-même les 10 expressions
de joie que nos Sages ont retenues
pour clôturer les bénédictions du
mariage, vient précisément rappeler
et dévoiler que chacune des
bénédictions précédentes exprime
l’une des modalités nécessaires
à l’unité du couple et à sa plénitude.
Déploiement de la sainteté et
de l’accomplissement des 6 bénédictions
précédentes, à travers le
chiffre 10 qu’elle transmet, la septième
bénédiction invite en effet
à élever le couple à l’accomplissement
de soi. Puisque, comme l’enseigne
le Zohar (paracha Terouma,
169), la bénédiction divine nous
parvient directement du « Mékor
ha’Haïm », c’est-à-dire de la source
même de la vie. Or, partout dans
notre tradition où il est question
du chiffre 7, c’est toujours en référence
avec l’abondance divine, et à
cette formidable possibilité offerte
à la créature de se rattacher à une
dimension qui la dépasse et qui lui
assure son intégrité. Comme cela
ressort de son étymologie même,
puisque le chiffre 7 se dit en hébreu
« Cheva », en référence au radical
« Savéa », l’assouvissement.

En résumé, les 7 bénédictions
du mariage telles qu’elles ont été
fixées par nos Sages expriment
donc bien cette double dimension à
travers laquelle s’engagent les jeunes
mariés, à savoir d’une part la
perpétuité de la figure universelle
et inaltérable du premier homme,
et d’autre part la réalisation effective
de leur existence commune
singulière. Or, ce destin qui attend
le nouveau couple est lui-même le
lieu où s’exprime la bénédiction
divine, puisqu’au travers de l’injonction
de fructifier et de se multiplier,
c’est la plénitude de l’être
même qui se dévoile.

Une semaine
de bénédictions

On ne saurait toutefois aborder le
thème de la bénédiction des jeunes
mariés, si l’on ne rappelait pas par
ailleurs que celle-ci doit impérativement
être célébrée à l’occasion
d’un repas de fêtes (Michté) 7 jours
durant. C’est en effet ce que déduisent
les « Pirké déRabbi Eliézer »
(chapitre 16) d’un passage du livre
des Juges (Choftim 14, 11) où il est
dit qu’à l’occasion de son mariage
avec Timna, « Chimchone donna
un festin, selon les usages des
jeunes gens – Ki ken Yaassou ha-
Ba’hourim ». Par extension, ajoute
le texte, il existe une analogie de
droit entre le jeune marié (‘Hatan)
et le roi (Mélekh), puisque, dit-il :
« De la même manière qu’un Mélekh
porte des vêtements éclatants
(Bigdé Kavod), ainsi le ‘Hatan sera
vêtu de somptueux habits pendant
les sept jours de fêtes. Et de même
que tous chantent la louange du
Mélekh, ainsi tous célèbreront le
‘Hatan pendant les sept jours de
festin. Enfin, de même que le visage
du Mélekh resplendit comme
la lumière du soleil, ainsi en est-il
du visage du ‘Hatan, comme il est
dit : ‘Il est comme un jeune marié
sortant de-dessous le dais nuptial’
(Téhilim 19, 6) ».

Au bout de cette semaine de réjouissances,
ce sont donc en tout
et pour tout 49 (7×7) bénédictions
qui accompagneront la création
du nouveau couple. Un chiffre que
l’on retrouve à nombreuses reprises
dans la Torah et qui exprime
toujours l’idée même de totalité et
de plénitude… Et pour cause : car
si nos Sages ont estimé nécessaire
que cette consécration des jeunes
mariés se déroule tout au long
d’une semaine, c’est bien parce
qu’ils ont vu que, pour atteindre à
sa plénitude authentique, cette bénédiction
divine qui accompagne
l’union de l’homme et de la femme
devait nécessairement passer par
les différentes formes d’existence
propres à chacun des jours formant
le cycle plein d’une semaine,
c’est-à-dire par cette durée propre
à l’essence même de la temporalité
de l’OEuvre de la Création, soit
6 jours et un Chabbat. Pourtant,
parce que le déroulement effectif
des 7 jours de bénédictions ne
correspond pas forcément à l’ordre
de la temporalité telle qu’elle apparut
lors de la Création du monde
(à savoir dimanche, lundi, mardi…
Chabbat), force nous est de reconnaître
que ce qui se joue dans
cette semaine de réjouissances a
pour but de nous inviter à mettre
en relation ces deux dimensions
distinctes mais complémentaires
de l’existence humaine que nous
avons déjà mentionnées. L’apparition
d’un nouveau couple à l’image
du premier homme ne saurait en
effet être assurée dans sa perfection
si elle ne comprenait pas ellemême
une référence directe à cette
temporalité qui fut celle de l’OEuvre
de la Création. Certes, la singularité
propre à la créature humaine est synonyme
d’une autonomie relative,
mais son expression authentique
ne saurait être assurée tant qu’elle
ne se rapporte au modèle auquel
elle doit précisément son existence
d’être libre. Tel nous semble le sens
de l’analogie établie par le passage
des « Pirké déRabbi Eliézer » précité
entre le ‘Hatan et le Mélekh, dans la
mesure où celui-ci n’accède à cette
qualité qu’en vertu du fait où il se
fait le digne réceptacle d’une surdétermination
métaphysique, source
de prospérité.
De même, le but des bénédictions
« Yotser haAdam » et « Acher Yatsar
èt haAdam BéTsalmo béTsélem
Dmout Tavnito… » est, nous l’avons
vu, de rappeler – au lieu même de la
constitution du nouveau couple –, la
dimension universelle de l’homme
créé par D.ieu, garant de son accomplissement
singulier. Ainsi en
est-il des 7 jours de festin exigés par
nos Sages. Ils jouent le même rôle
de renvoi à l’universel. Puisqu’en
se référant de la sorte à cette temporalité
qui revient pour ainsi dire
sur elle-même pendant 7 jours, les
7 bénédictions des mariés installent
dès ses premiers instants la vie du
couple dans une temporalité pour
ainsi dire absolue, celle de la Création,
qui comprend en elle-même
le déroulement total de l’Histoire
humaine. Mieux, elles offrent de la
sorte un fondement métaphysique à
tout ce que le couple sera susceptible
de dévoiler par la suite, inscrivant
son existence sous le régime de
l’éternité.

L’homme universel

Il nous reste encore à expliquer la
signification d’une troisième et dernière
condition qui valide la bénédiction
des jeunes mariés, à savoir
le fait que ces réjouissances doivent
nécessairement avoir lieu en la présence
de 10 hommes. Le Traité talmudique
Ketouvot, p.7/b enseigne
en effet – soit en référence à l’histoire
de Boaz et Ruth, plus particulièrement
du verset : « Puis Boaz
prit dix hommes d’entre les anciens
de la ville… » (Ruth 4, 2) ; soit que
nous l’apprenions du verset qui stipule
: « En groupes, bénissez D.ieu !
Bénissez D.ieu, source d’Israël ! »
(Téhilim 68, 27) – que la bénédiction
des jeunes mariés doit être prononcée
en présence d’une assemblée
d’au moins 10 personnes.
Or, comme nous l’avons vu, l’apparition
d’un nouveau couple homme/
femme n’est jamais l’élaboration
d’une entité singulière fermée sur
elle-même. Puisqu’au contraire,
à l’image du couple formé par le
Tout-puissant lors de la création
de l’humanité et qui, rappelons-le,
a d’abord été créé unitaire avant
d’être séparé (Néssira) – ainsi que
l’enseigne Rachi au nom de la Guémara
sur le verset : « Mâle et femelle,
Il les créa » (Béréchit 1, 27), « D.
ieu ayant d’abord créé l’homme avec
deux faces (Chné Partsoufim) lors
d’une première création, avant de les
séparer » –, les époux n’accèdent à
l’unité authentique de leur nouvelle
réalité que pour autant où ils sont
eux-mêmes porteurs d’une référence
à l’Assemblée d’Israël (Klal Israël)
comprise en essence dans la réalité
adamique ; comme il est dit : « ‘C’est
vous l’Homme – Atem Krouim Adam’
(Yé’hézkiel 34 ; 31), c’est vous qui
portez le nom de l’homme, non les
nations » (Traité talmudique Yévamot,
p.61/a).

Ainsi, lorsque nos maîtres ont
exigé que les bénédictions des jeunes
mariés soient prononcées en
la présence de 10 hommes, ils ont
voulu rendre visible l’idée que le
lien entre l’aspect masculin et féminin
de la création ne peut être
compris sans une référence à la
totalité unifiée qu’il suppose. C’est
pourquoi, l’une des conséquences
directes de cette exigence oblige à
ce que chaque jour, apparaissent
des « Panim ‘Hadachot » – littéralement
des « nouveaux visages »
qui n’ont pas encore pris part aux
réjouissances des jeunes mariés et
qui, par leur présence (même celle
d’un inconnu !), permettront l’élaboration
accomplie de ce modèle de
l’humanité que représente un minyane
de 10 personnes. Unification
de cette figure propre à l’Assemblée
d’Israël (Klal Israël) à celle du
couple singulier, ce n’est pas pour
rien si les versets d’où la Guémara
a extrait la référence à cette prescription
rabbinique traitent respectivement
de la naissance du Messie
et de la royauté d’Israël. Car, en
rendant possible la récitation des 7
bénédictions, cette mise en miroir
du couple singulier fraîchement
constitué et de la figure universelle
de l’homme a précisément pour but
d’inaugurer l’établissement pour la
Présence divine (Chékhina) d’un
lieu de résidence encore inexploré
et qui s’éveille pourtant à l’occasion
de toute cérémonie nuptiale, comme
il est dit : « C’est aujourd’hui
que j’arrive (…) Si vous écoutez Ma
voix, aujourd’hui» (Psaumes 95, 7) »
(Traité Sanhédrin, p.98/a)…

YEHUDA RÜCK


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