Ancien conseiller en politique étrangère auprès d'Its’hak Rabin et colonel (rés.) au sein des Renseignements militaires, le Dr. Jacques Nériah fait le point sur les perspectives qui pourraient s’ouvrir pour Israël avec l’indépendance tout récemment proclamée du Sud-Soudan.
– Richard Darmon : Pourquoi parle-t-on tant de « points de convergence » entre Israël et le Sud-Soudan ?
– Jacques Neriah : Il faut se rappeler que cette proximité entre Israël et le Sud-Soudan ne date pas d’hier ! Ainsi, dès les années 1970, en pleine guerre civile soudanaise, Israël était déjà engagé dans le sud en armant et en entraînant les forces du leader sécessionniste chrétien, Joseph Garang. Et ce, afin d’aider la population chrétienne à combattre contre la mainmise musulmane alors en pleine expansion sur ce pays. Or de cela, les Sud-Soudanais se souviennent très bien !
– La grande majorité des Sud-Soudanais sont justement des Chrétiens. En quoi cela a-t-il de l’importance pour Israël dans cette partie de l’Afrique ?
– Au plan géopolitique, dans l’immense espace compris entre l’État hébreu et la région de Djibouti au sein de cette partie de la Corne de l’Afrique, seuls l’Erythrée et le Sud-Soudan sont des côtes amies non soumises à la domination et à l’influence musulmanes. Israël a donc tout intérêt à développer de bonnes relations avec le Sud-Soudan : c’est là une aubaine extraordinaire dont il pourra tirer certains avantages géopolitiques. D’ailleurs, la preuve, c’est que la plupart des États arabes de cette région redoutent sérieusement une telle évolution…
– Mais ne risque-t-on pas justement d’assister – pour cette raison précise – à la formation d’une coalition musulmane régionale afin de déstabiliser ce nouvel État chrétien considéré déjà comme « trop pro-israélien » ?
– Ne soyons pas trop inquiets pour cela : la Lybie et l’Arabie Saoudite ont en ce moment bien d’autres « chats à fouetter »… Quant au Tchad lui aussi voisin, il tient à entretenir de bonnes relations avec Israël. Le véritable fomentateur potentiel de troubles risquant d’aller dans ce sens pourrait bien être l’Égypte, qui a déjà une dispute « aquifère » avec le Sud-Soudan sur l’exploitation – en cours de réalisation par Juba – des sources d’eau alimentant le Nil et se trouvant précisément en territoire sud-soudanais…
– Les perspectives économiques pour Israël au Sud-Soudan tant vantées dans notre presse nationale sont-elles à ce point « astronomiques » ?
– Comme toujours, on exagère beaucoup dans un sens comme dans un autre… Il existe bien sûr de nombreuses ressources naturelles au Sud-Soudan où la quasi-totalité des infrastructures économiques reste à construire dans ce pays si longtemps ravagé par la guerre civile. Mais il faut savoir que les Chinois et les Indiens sont déjà sur place depuis un certain temps, et que très bientôt, les Américains vont aussi arriver ; avec toute leur puissance et leur argent ; en octroyant 2 milliards de dollars au nouveau gouvernement de Juba.
Certes, les hommes d’affaires israéliens pourront réussir au Sud-Soudan dans différents secteurs – où ils ne sont pas les seuls ! -, mais seulement et uniquement s’ils s’y prennent bien, et surtout s’ils apportent des investissements ».Par Richard Darmon,en partenariat avec Hamodia.fr