De nombreux écrits du Rambam ont été retrouvés dans les documents de la Guénizah du Caire : des responsas inédits mais aussi des lettres à caractère personnel. Ces textes nous permettent aujourd’hui de mieux connaître la vie de grand maître de la Torah et de mieux suivre les péripéties de son existence.
 

C'’est en 1896 que la Bibliothèque de l’Université de Cambridge a acheté le contenu de la guénizah de la synagogue Ben Ezra du Caire : cent quatre-vingt-dix mille documents manuscrits dont les plus anciens remontent au Xe siècle de l’ère chrétienne. Parmi ces textes, on a retrouvé de nombreux contrats commerciaux ou financiers dressés par des hommes d’affaires juifs du Moyen-Age : des écrits à la portée apparemment modeste ou triviale, mais riches en détails concrets. En les étudiant, des historiens tels que Shlomo Dov Goitein, professeur à l’Université hébraïque de Jérusalem puis à Princeton, ont pu reconstituer des pans entiers de la vie quotidienne des communautés juives d’Egypte, de l'ensemble du bassin méditerranéen et de l’Orient. 

L'une des lettres retrouvées dans la Gueniza du Caire va permettre d'éclairer les chercheurs sur l'étroite relation entre le célèbre Rambam(Maïmonide) et son frère David Ben Maïmon qui fut un riche commerçant. 
Située à la croisée de l’Occident et de l’Orient, l’Egypte constitue en effet, à cette époque, une sorte de « sas » entre ces régions du monde. Alexandrie et Le Caire, sont l’une et l’autre des ports importants, la première sur le bassin méditerranéen, la seconde sur le Nil. Les Juifs égyptiens se spécialisent dans le commerce en général . Ils vendent et achètent des épices, des étoffes, des grains, des peaux, et de nombreux autres produits. Ils vont acquérir ces denrées rares en Orient, du Yémen à l’Inde, pour les revendre en Europe et vice versa. 
C'est le cas de David Ben Maïmon qui a fuit avec son père et son frère Cordoue , à la suite des persécutions almohades. Après avoir séjourné au Maroc et en Erets Israël, ils se sont fixés en Egypte , à Fostat, un des plus anciens quartiers du Caire, où se trouve l’antique synagogue Ben Ezra. Maïmonide devient rapidement la plus haute autorité religieuse du pays et le « Ras al Yahud » : le représentant officiel de la communauté juive auprès du gouvernement.


Les deux frères sont très proches et unis. David est tout à fait conscient des qualités intellectuelles exceptionnelles de son aîné. Quand leur père meurt à Tibériade, il lui propose d’appliquer la formule des tribus Yissa’har et Zévoulon. David procurera la subsistance matérielle tandis que son illustre frère étudiera la Torah. Mais après de nombreuses années de voyage à travers le monde, David Ben Maïmon périt dans le naufrage d'un bateau qui devait le conduire en Inde. 
Les biographes du Rambam connaissaient l’histoire de son frère et de leur accord. Ils savaient aussi que c’est à la mort de David que Maimonide, ne voulant pas être rémunéré pour ses fonctions communautaires, commença à exercer la profession de médecin pour gagner sa vie et celle de sa famille. Mais on a retrouvé dans la guénizah du Caire une lettre manuscrite du Rambam dans laquelle la dimension humaine de ce drame apparaît dans toute sa force :
« Le plus grand malheur qui m'est arrivé au cours de toute ma vie, pire que toute autre chose-a été la disparition du saint, que sa mère soit bénie, qui s'est noyé dans la mer des Indes, portant beaucoup d'argent appartenant à moi, lui, et à d'autres, et m'a laissé une petite fille et une veuve. Le jour où j'ai reçu cette terrible nouvelle je suis tombé malade et je suis resté au lit pendant environ un an, souffrant d'un ulcère malin, de fièvre, et de dépression. J’en ai presque été abandonné. Presque huit ans ont passé, mais je suis encore en deuil et je n’arrive pas à trouver de consolation. Et comment pourrai-je m’apaiser? Il a grandi sur mes genoux, il était mon frère, [et] il a été mon élève. »
A la lecture de ces quelques phrases, on peut entrevoir ce qu’a dû éprouver le Rambam en perdant son jeune frère et admirer, d’autant plus, la fermeté et le dévouement avec lesquels il a continué à diriger la communauté égyptienne, pendant plus de trente ans. Sans cette lettre retrouvée plus de six siècles plus tard, personne ne saurait aujourd’hui par quel traumatisme l’auteur du Mishné Torah et du Guide des Egarés est passé. Et personne n’aurait reçu de sa part une leçon supplémentaire d’éthique et d’émounah. 
Par Eliana Gurfinke en partenariat avec Hamodia.fr