Par le Rav Dov Roth-Lumbroso
La ma‘haloqeth (« querelle ») reste depuis des millénaires l’un des grands fléaux de notre peuple, et l’une des plus graves menaces planant sur ses communautés. Souvent suscitée par le besoin de contrer notre prochain, elle est toujours motivée par l’envie que suscite sa position.

Dans la paracha de Qora‘h, Moché, grandissime dirigeant et parangon d’humilité, n’a pas tenu rigueur à ceux qui cherchaient à le blesser. Dathan et Aviram l’ayant insulté, il a tenté de les calmer par des paroles conciliantes (Rachi Bamidbar 16, 12). Ayant tout fait pour se rapprocher d’eux et pour refréner leurs désirs d’affrontement, il a montré que plutôt que d’entretenir la querelle, il faut s’appliquer à l’éteindre (Sanhédrin 110a).

Ses tentatives réduites à néant, et ayant vu qu’il ne pourrait ramener Qora‘h et ses adeptes à la raison, Moché a alors demandé à Hachem de les châtier d’une manière exemplaire et inédite, pour montrer la gravité de la ma‘haloqeth : « Que la terre ouvre sa bouche et les engloutisse ! » (Bamidbar 16, 30). N’ayant accepté que Moché détînt la souveraineté, Qora‘h avait voulu montrer que la hiérarchie n’avait pas de raison d’être, et que l’on n’avait pas besoin les uns des autres. « Car toute la communauté, tous sont saints ! » avait-il affirmé avec ses complices (ibid. 16, 3). Or, quand tous les membres d’une société sont pareillement considérés, le « grand » se retrouve déprécié au point que chacun est convaincu d’être important. Personne n’accepte alors de se soumettre à l’autorité – fût-elle confiée par Hachem – et la discorde et la haine gratuite font rage.

Nous ne pouvons nous maintenir ici-bas que lorsque nous montrons que l’un complète l’autre, que chaque maillon de la chaîne est indispensable pour qu’elle reste soudée et nous relie tous à Dieu. En niant la nécessité de la prêtrise, Qora‘h et ses adeptes ont voulu rejeter ce principe de complémentarité.

Si la Tora juge plus sévèrement Dathan et Aviram en les nommant (ibid. 16, 1), à la différence des 250 autres dissidents, c’est parce qu’ils n’étaient pas issus de Léwi, et que, contrairement aux autres qui ont présenté l’encens en convoitant la prêtrise, ils ne pouvaient raisonnablement aspirer à cette dignité. Ils se sont joints à Qora‘h à seule fin de participer activement à la rébellion sans en retirer de profit. En cela, ils ont été des fomenteurs de ma‘haloqeth par excellence.

Le 25e des 48 moyens d’acquisition de la Tora est le fait de « connaître sa place » (Avoth 6, 6) : Il incombe à chacun de savoir où il se situe parmi les autres qui le complètent, de reconnaître sa propre valeur afin de la traduire en actes et d’atteindre le but qui lui a été personnellement assigné, sans briguer un rôle pour lequel il n’est pas fait.

Chalom(« paix ») est l’un des Noms de Hachem (Tossefoth Sota 10a). Lorsqu’il fallait soumettre la sota (« femme soupçonnée d’adultère ») au test des eaux amères, Hachem permettait que Son Nom ineffable fût effacé, à seule fin de laver l’épouse de tout soupçon et de rétablir la paix entre elle et son mari.

Trois fois par jour, nous Le supplions, Lui « qui fait la paix dans Ses hauteurs, qu’Il fasse la paix sur nous, et sur tout Israël ». Selon le Midrach, elle est si chère, cette paix, que lorsqu’elle règne entre les enfants d’Israël – fussent-ils idolâtres ! – Il déclare : « Je ne puis sévir contre eux, car l’harmonie les unit ! » Qu’Il nous permette de l’atteindre et la maintenir entre nous tous ! Amen !
 
Rav Dov Roth-Lumbroso