Dimitry Vasyliev, professeur
à l’Université d’Astrakhan,
affirme que les fouilles
qu’il a effectuées durant 9 ans
près de la mer Caspienne ont fin
nalement abouti à la découverte
des fondations d’une forteresse
triangulaire en briques, ainsi que
de modestes yourtes qui servaient
de logements à ceux qui furent, jadis, les habitants d’Itil, la capitale
khazar. L’endroit où se situe la ville,
sur la Route de la Soie, est confirmé
par des écrits de l’époque médiévale
aussi bien par les Arabes, les Juifs
et les Européens.
« La découverte de la capitale du
premier État féodal d’Europe de
l’Est est de première importance,
a-t-il affirmé à l’Associated Press.
Nous devons considérer cela comme
un pan de l’histoire russe ».
Kevin Brook, l’auteur américain
des « Juifs de Khazar », a écrit qu’il
avait suivi les fouilles d’Itil depuis
des années et que, bien qu’aucune
trace juive n’ait été mise à jour,
« aujourd’hui, je fais confiance
à l’équipe d’archéologues pour
avoir trouvé la cité si longtemps
perdue ».
Les Khazars étaient une tribu turque qui a parcouru les steppes du
nord de la Chine jusqu’à la mer Noire. Entre les XIIe et Xe siècles, ils ont
conquis d’immenses territoires de
ce qui constitue aujourd’hui le sud
de la Russie et l’Ukraine, les monts
du Caucase et l’Asie centrale, et jusqu’à la mer d’Aral. Itil, située à environ 1 300 kilomètres de Moscou,
possédait une population de plus de
60 000 habitants et occupait moins
de 2 km2 sur les plaines marécageuses du sud-ouest d’Astrakhan, ville
portuaire de la mer Caspienne russe, déclare Vasilyev. Elle se situe à
un carrefour important de la Route
de la Soie, voie commerciale entre
l’Europe et la Chine, qui a « aidé
les Khazars à amasser d’énormes
gains », ajoute-t-il.
L’empire Khazar constituait jadis
une grande puissance dans la région, et Vasilyev affirme que son
équipe a découvert « une collection
luxueuse de céramiques très bien
conservées qui permettent de cerner les liens culturels que l’empire
Khazar entretenait avec l’Europe,
l’Empire byzantin et même l’Afrique
du Nord ». Ils ont également découvert une armure, des ustensiles de
cuisine en bois, des lampes et des
tasses en verre, des bijoux et des
vaisseaux qui transportaient des
crèmes précieuses, objets datant du
XIIIe ou IXe siècle, selon lui.
Mais selon un universitaire israélien, qui qualifie les fouilles d’intéressantes, le véritable défi aurait
été de découvrir les inscriptions
khazars. « S’ils ont découvert quelques bâtiments, ou des ruines de
construction, c’est intéressant, mais
cela n’apporte pas grand-chose »,
affirme le Dr Simon Kraiz, spécialiste du judaïsme d’Europe de l’Est
à l’Université de ‘Haïfa. « S’ils découvraient des écritures khazars, ce
serait très important ». Vasilyev affirme n’avoir trouvé aucun témoignage juif sur le site. Jusqu’à présent, ce que l’on connaît le mieux
des Khazars provient de témoignages écrits de gens de cultures
et d’empires étrangers, quelquefois
hostiles. « Nous en savons beaucoup à leur sujet, et pourtant nous
ne savons presque rien : des Juifs
ont écrit sur les Khazars, ainsi que
les Russes, les Géorgiens, et les Arméniens, pour ne nommer qu’eux,
explique Kraiz. Mais des Khazars
eux-mêmes, nous ne possédons
pratiquement rien ».
La dynastie des Khazars et ses nobles s’étaient convertis au judaïsme
aux environs du XIIIe ou IXe siècn
cle. Vasilyev déclare que le nombre limité d’objets religieux juifs,
comme des mézouzot ou des étoiles
de David trouvées sur d’autres sites, prouve que les simples Khazars
adhéraient plutôt aux croyances
traditionnelles polythéistes, ou aux
nouvelles religions comme l’islam.
Selon Yevgeny Satanovsky, directeur de l’Institut du Moyen-Orient
de Moscou, l’élite khazar aurait
choisi le judaïsme par opportunisme politique, pour marquer leur
indépendance par rapport à leurs
États voisins chrétiens et musulmans. « Ils ont choisi le judaïsme
parce qu’ils voulaient rester neutres,
comme la Suisse contemporaine,
explique-il. Pourtant, les Khazars
s’opposaient à l’avancée des Arabes
dans les montagnes du Caucase et
ont contribué à contenir une prise
de pouvoir en Europe orientale ».
Il compare leur rôle en Europe de
l’Est à celui des chevaliers français
qui ont arrêté la progression des
Arabes en 732, lors de la bataille
de Poitiers en France. Les Khazars
sont parvenus à tenir les Arabes
éloignés, mais le jeune État russe
expansionniste a eu raison de l’empire khazar à la fin du Xe siècle. Des
poèmes épiques datant du Moyen
Âge, décrivent les guerriers russes
combattant le « Géant Juif ».
« La Russie est, en de nombreux
points, l’héritière de l’État khazar »
explique Vasilyev. Il affirme que
ses fouilles ont révélé des traces
d’un important incendie, probablement causé par les conquêtes
russes. Itil, selon lui, aurait été reconstruite après la chute de l’empn
pire khazar, alors qu’eux-mêmes se
sont peu à peu assimilés aux tribus
turques, les Tatars et les Mongols,
qui vivaient dans la ville avant que
celle-ci ne soit noyée sous les flots
de la mer Caspienne aux alentours
du XIVe siècle. L’étude de l’empire
khazar a fait l’objet de la censure
de l’Union soviétique. Le dictateur
Staline, en particulier, détestait
l’idée d’un empire juif précédant
son empire russe. Il a fait disparaître toute trace de l’histoire des
Khazars des livres d’histoire parce
qu’« ils réfutaient sa théorie de
l’État russe » explique Satanovsky.
C’est seulement aujourd’hui que les
universitaires russes ont la possibilité d’étudier la culture khazar.
Les fouilles d’Itil ont été financées
par le Congrès juif russe, une association à but non lucratif qui
soutient les projets culturels en
Russie. « L’étude des Khazars ne
fait que commencer », se réjouit
Satanovsky.
Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française
Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit de Hamodia.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il