L’Allemagne veut tirer les leçons du scandale néonazi qui la secoue. Le gouvernement a annoncé mercredi la création d’un fichier centralisé sur les néonazis jugés dangereux. Le ministre de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, souhaite ainsi rassembler «des données sur des extrémistes de droite et sur des violences d’extrême droite», comme l’explique le quotidien bavarois Süddeutsche Zeitung. Le but : combattre plus efficacement les dangers de cette criminalité qui semblait jusqu’alors sous-estimée outre-Rhin.
Le fichier, similaire au fichier central sur les islamistes déjà existant, sera alimenté par la police et par les renseignements à partir du début de 2012 au plus tôt, a expliqué mercredi un porte-parole du ministre au cours d’une conférence de presse régulière. La chancelière Angela Merkel avait qualifié lundi de “honte pour l’Allemagne” les meurtres de neuf étrangers, dont huit Turcs, survenus dans le pays entre 2000 et 2006. Ces crimes xénophobes, qui restaient non élucidés, ont été attribués en fin de semaine dernière à une organisation néonazie “Nationalsozialistischer Untergrund” (NSU), “Clandestinité national-socialiste”.
Depuis ce week-end, le pays est révulsé par la découverte de ce groupuscule néonazi. Encore inconnu vendredi dernier, il serait responsable d’une dizaine de meurtres ciblés contre la communauté turque ainsi que de celui d’une policière, abattue d’une balle dans la tête en 2007. Le groupuscule aurait en plus commis une quinzaine de braquages. Le magazine Der Spiegel annonce par ailleurs ce mercredi qu’une liste de 88 personnalités politique à abattre avait été dressée par le NSU. Des révélations choquantes qui soulèvent de nombreuses questions outre-Rhin.
Une réunion des ministres de la Justice et de l’Intérieur au niveau fédéral et régional est prévue vendredi pour accélérer les investigations visant à comprendre comment des criminels d’extrême droite ont pu agir en toute impunité pendant plusieurs années.
Plusieurs médias allemands se sont inquiétés de l’impact de cette affaire sur l’image du pays et le gouvernement s’est engagé à en tirer les leçons.
Les renseignements intérieurs allemands étaient notamment depuis 1999 sur la trace d’Holger G., arrêté lundi et soupçonné d’avoir aidé les deux principaux membres de la cellule terroriste en leur fournissant un logement. Ils avaient cessé de surveiller cet homme classé comme un simple sympathisant, a expliqué mercredi le président des renseignements de Basse-Saxe, Hans Wargel. Trois membres de cette organisation, Beate Zschäpe, 36 ans, qui s’est livrée à la police, Uwe Mundlos, 38 ans, et Uwe Böhnhardt, 34 ans, tous deux retrouvés morts, sont soupçonnés d’avoir tué neuf personnes, des petits commerçants âgés de 21 à 50 ans, dans différentes régions d’Allemagne. Ils sont également mis en cause dans le meurtre d’une policière, abattue d’une balle dans la tête en 2007, et leur participation à un attentat à la bombe dans un quartier turc de Cologne en 2004 est également évoquée.
Parmi ces interrogations : comment cette cellule terroriste n’a jamais été mise à jour en 14 ans, dans un pays qui a particulièrement combattue l’extrême droite ? Afin d’y répondre, les journaux allemands, comme le Süddeutsche Zeitung, émettent une hypothèse : le laxisme. Depuis les attentats du 11 septembre, fomentés en partie depuis la ville d’Hambourg, les services de sécurité se seraient plutôt concentrés sur la menace islamiste.
L’affaire a relancé le débat sur une interdiction possible du parti néonazi NPD. Le gouvernement va étudier de nouveau la possibilité de faire interdire ce mouvement, après l’échec d’une première tentative en 2003, invalidée par la Cour constitutionnelle.
Mais la création d’un tel fichier est contestée, notamment par les Verts et le parti de gauche «Die Linke» qui tiennent avant tout à comprendre dans quelle mesure l’Office fédéral de protection de la Constitution est impliqué dans le scandale du NSU.
Des chiffres datant de 2009 font état de 5000 personnes liées à ce courant politique, dont 1000 seraient considérées comme potentiellement «violentes», d’après les services de renseignement intérieur. Par Antoine Chatrier [source : JSSNews]