L’un des principes fondamentaux de notre foi consiste à dire que rien de ce qui se passe ici-bas n’arrive par hasard. Tout est inscrit dans les Cieux, et c’est par décret divin que la plupart des événements se déroulent.
Si ceci est vrai pour l’ensemble de l’humanité, le Ramban (dans son commentaire sur Béréchit 18, 19) souligne cependant que les Justes, qui évoluent continuellement à proximité du Créateur, bénéficient pour leur part d’une protection divine [hachga’ha pratit] encore plus particulière.
Le Ramban cite à ce sujet l’un des versets du chant de ‘Hana : « Il veille sur les pas de Ses fidèles » (Chmouel I 2, 9), dans lequel il apparaît selon lui que « les Justes jouissent d’une protection optimale de la part de D.ieu ». Même lorsque les circonstances auraient, en temps normal, condamné le sort d’un homme pieux, D.ieu l’empêche de trébucher par des moyens miraculeux.
D.ieu est ton ombre
Le Ramban ajoute que, à l’instar de nombreux domaines spirituels, la hachga’ha pratit évolue selon de nombreux critères, et connaît donc d’innombrables degrés d’intensité. Ainsi, D.ieu protège et surveille chaque homme en conformité exacte avec son propre niveau, selon ce qu’il mérite. Le Haémek Davar explique en ce sens la suite du verset de ‘Hana : « Il veille sur les pas de Ses fidèles, tandis que les impies périssent dans les ténèbres. » D’après cet auteur, « c’est grâce aux derniers mots de ce verset que l’on apprend comment D.ieu veille sur les pas de Ses fidèles. ‘Les impies périssent dans les ténèbres’ signifient qu’ils sont plongés dans une obscurité telle qu’ils ne peuvent voir l’Ombre qui les suit, et ils ne comprennent pas le sens de leurs tourments. En revanche, les fidèles jouissent d’une aide formidable en cela qu’ils parviennent à percevoir l’Ombre qui les accompagne. »
Méprises dans l’étude
Dans le contexte de la protection divine particulière dont jouissent les Justes, une place importante est accordée à l’aide divine survenant dans le cadre de l’arbitrage halakhique. D’après le Alchi’h, c’est en ce sens que la michna (Maximes des Pères 6, 2), dit de celui qui étudie la Torah de manière désintéressée qu’elle « l’éloigne de la faute ».
Nous pouvons lire à ce sujet des propos édifiants, dans le commentaire du Chilté Guiborim (Chabbat chap. 2) : « Par la mérite de l’observance minutieuse des bougies de Chabbat, le peuple d’Israël méritera de marcher à la lumière de D.ieu, comme il est écrit : ‘L’Eternel sera pour toi une lumière inextinguible’ (Ichaya 60, 20) ou encore : ‘L’Eternel mon D.ieu illumine mes ténèbres’ (Téhilim 18, 29). Et ceci s’adresse à l’égard de l’étude de la Torah, car lorsqu’un homme étudie de manière désintéressée, D.ieu l’éclaire en l’empêchant d’en venir à fauter et de trancher la Halakha de manière erronée. C’est pourquoi il est dit : ‘Tu t’y consacreras [véhaguita] nuit et jour’ (Yéhochoua 1, 8) – noga étant une expression de ‘lumière’ (…) car D.ieu éclaire sa compréhension, et l’empêche d’émettre des conclusions fautives. »
Il est raconté à ce sujet, dans l’ouvrage Erets Ha’haïm, qu’un jeune garçon avait un jour présenté au Tsadik, rav Issa’har Dov de Zlotchov un morceau de poulet sur lequel il avait un doute quant à sa cacherout. Le rav vérifia minutieusement le morceau de viande, mais n’y trouva aucune raison valable de le déclarer tréfa. Toutefois, pour une raison inconnue, il ne parvenait pas à se prononcer de façon catégorique. Ses hésitations l’amenèrent à demander au jeune homme de lui apporter la totalité du poulet, pour qu’il puisse l’examiner. Lorsque celui-ci lui fut présenté, il y trouva effectivement un défaut majeur, par lequel le poulet fut décrété tréfa…
C’est ce genre d’histoires qui inspira les commentateurs pour expliquer la prière de Rabbi Né’hounia ben Hakana, que l’on prononce avant de débuter l’étude de la Torah : « Que Ta volonté soit (…) que je ne m’égare pas dans une décision d’Halakha, que je ne dise pas d’une chose impure qu’elle est pure… » Or, de prime abord, il semble y avoir ici redondance : pourquoi préciser que « l’on ne dise pas d’une chose impure qu’elle est pure », après qu’on a déjà demandé de ne pas « s’égarer dans une décision d’Halakha » ? Mais d’après l’histoire vue plus haut, ceci s’éclaircira : même lorsqu’on ne commet aucune erreur dans notre jugement, il est encore possible que l’on déclare une chose impure pure. C’est pourquoi nous précisons dans cette prière que nous voulons être épargnés de toute forme de méprise, même si elle ne devait pas nous être imputée.
La bénédiction d’Its’hak
L’un des exemples les plus marquants, dans lequel on vient à quel point l’Assistance divine peut intervenir pour empêcher un juste de commettre une erreur, est l’épisode de la bénédiction d’Its’hak.
Sans entrer dans le détail des raisons qui motivaient Its’hak à donner sa bénédiction précisément à Essav, nous voyons néanmoins qu’une Main divine le détourna de ses intentions premières et l’amena à bénir Yaacov.
A ce sujet, le Sfat Emet remarque que bien que tout homme soit doté d’un libre-arbitre parfaitement autonome, il arrive néanmoins que D.ieu interagisse dans les décisions de certains Justes, qui vouent leur vie à leur Créateur, précisément pour les empêcher de faillir à leur vocation. Il précise à ce titre que « dans le Midrach, il apparaît que bien que les membres du corps soient sous l’empire de l’être humain, s’il en a le mérite, ceux-ci peuvent se soustraire à sa domination et être désormais dirigés par le Saint béni soit-Il. C’est ce qui se passa chez Its’hak : bien qu’il ait commis une erreur en voulant bénir Essav, il n’y parvint cependant pas grâce au mérite de son abnégation totale à D.ieu, comme lors de l’épisode de la ligature. Ce dévouement total signifie que l’homme refuse dorénavant d’être son propre maître, et D.ieu respecte sa volonté en prenant le contrôle de ses décisions… » Par Yonathan Bendennnoune,en partenariat avec Hamodia.fr
