Cinq ans se sont écoulés depuis la seconde guerre du Liban, cette guerre qui aura laissé un goût amer dans la bouche de nombreux Israéliens et qui restera dans les mémoires collectives la guerre qu'Israël n'a pas su vraiment gagner. Au cours de ce conflit, 121 soldats sont tombés au combat avec bravoure, parmi lesquels trois issus de familles francophones. Hamodia a voulu leur rendre hommage.
Le lieutenant-colonel Emmanuel Moréno zal
Il était le meilleur soldat de la meilleure unité de Tsahal, la Sayéret Matkal. Son nom n'est devenu célèbre qu'à sa mort, mais son visage restera une énigme pour toujours : le lieutenant-colonel Emmanuel Moréno zal, le dernier soldat de Tsahal tombé au Liban, est une légende.
On ne trouve pas de photographie de lui, car la censure militaire l'interdit. Emmanuel Moreno a participé à trop de missions ultrasecrètes, s'est présenté sous trop de fausses identités au cours de dizaines d'opérations qu'il a menées en territoire ennemi pour que Tsahal et le Shin-Bet prennent le risque qu'il soit reconnu.
Emmanuel z''l était le quatrième parmi les cinq fils d'Ilan et Sylvia Moréno. Sa famille est montée en Israël alors qu'il avait un an. Il a vécu à Jérusalem puis, à 18 ans, a rejoint l'école prémilitaire de Bné David, dans la localité d'Éli. Il faisait partie des premiers élèves de cette école qui a perdu 21 de ses élèves, tombés au front, en 23 ans d'existence.
Pour le roch yéchiva d'Éli, le rav Élie Sadan, Emmanuel était à l'image des soldats du roi David, « animé d'un côté par un courage incommensurable, de l'autre par une humilité et une bonté inégalée ».
Emmanuel est tombé au combat à Baalbek au cœur du Liban, lors d'une opération de commando, le vendredi 18 août, 25 Av 5766, à la fin de la guerre. Il avait 35 ans. Ce soldat qui, par pudeur, ne portait jamais ses galons d'officier, qui aura passé sa vie à taire ses exploits, à les tenir cachés même aux oreilles de ses proches, a été enterré en pleine nuit dans le cimetière du mont Herzl exactement comme il avait vécu : dans la discrétion, loin des projecteurs et des grands discours. Fidèle à ses valeurs… (Voir également l'entretien avec Sylvia Moreno, dans notre numéro 169 du 11 mai 2011)
Le commandant Daniel Gomez zal
À l'origine, Daniel Gomez zal ne voulait pas piloter un hélicoptère. Lorsqu'il est entré à l'Armée de l'air, son rêve était de devenir pilote de chasse et c'est avec une pointe de déception qu'il a appris qu'il serait finalement aux commandes d'un Yass'our, un hélicoptère de support chargé généralement du transport des troupes.
Mais Daniel a appris à aimer cet engin, il a aussi appris à aimer les missions qui lui étaient confiées et qui lui ont permis, plus d'une fois, de porter secours à des soldats blessés.
C'est un missile du Hezbollah qui a frappé de plein fouet l'hélicoptère du commandant Daniel Gomez, le 12 août 2006, quelques secondes après qu'il a déposé au sol plusieurs soldats de Tsahal venus combattre les terroristes de l'organisation chiite : « C'est là notre consolation », nous confie le père de Daniel, le Dr Patrick Gomez, « notre fils a réussi sa dernière mission et mis à part les cinq membres de l'équipe du Yass'our, aucun des soldats qui étaient quelques minutes auparavant à bord de l'hélicoptère n'a été tué ».
Patrick Gomez est monté de Bordeaux en Israël en 1978. De retour en France, il entame des études de médecine qu'il termine finalement en Israël. C'est au kibboutz Ein Hanatsiv, dans la vallée de Beth Chéan, qui l'avait accueilli alors qu'il faisait son service militaire huit ans auparavant, que Patrick et son épouse Myriam, fille du kibboutz, s'installent.
« Daniel était un enfant plein de charme, intelligent, modeste, mais en même temps sûr de lui. Il ne se moquait jamais de personne et respectait énormément ses parents ».
Une des missions les plus importantes auxquelles Daniel ait participé a eu lieu pendant l'opération Remparts, lorsqu'un officier des parachutistes a été très grièvement blessé au beau milieu de Djénine. Malgré de très gros risques, Daniel a décidé de poser son hélicoptère pour l'évacuer vers l'hôpital Rambam de 'Haïfa : « Mon fils ne savait pas qui était cet officier et il a véritablement risqué sa vie pour lui. Ce n'est qu'après s'être posé à l'hôpital qu'il a demandé qui il était et qu'il a appris qu'il s'agissait d'un de ses meilleurs amis, Roï Bentolila. Aujourd'hui; Roï est handicapé, il s'est marié, a deux enfants et nous rappelle toujours qu'il doit sa vie à Daniel zal ».
Daniel et son épouse, Sarit, venaient de fêter leur anniversaire de mariage lorsqu'il est tombé au combat. Sarit attendait alors leur premier enfant, qui naîtra quelques mois après la mort de son père et porte le nom d'Avia Daniel : « Il nous rappelle Dany. Il sait tout sur son père et sur les hélicoptères ».
Patrick souligne que s'il a de la colère contre les dirigeants du pays et de l'armée à l'époque de la guerre, cette colère est intérieure et surtout, elle ne prend aucun individu pour cible personnellement : « Lors de la cérémonie des Chlochim, c'est notre fille qui nous a ramenés à la raison et nous a en quelque sorte ramenés à la vie. Alors que nous étions en train de plonger dans le désespoir, elle nous a dit : '' Papa, Maman, nous allons vous perdre à vous aussi ! '' Cette phrase a servi d'électrochoc. La douleur est certes toujours là, surtout lors de ces moments-clés que sont les fêtes, les anniversaires, les hazkarot, mais nous avons appris à vivre avec le deuil, pas dans le deuil… »
Le sergent chef Yohan Zerbib zal
Il existe au sein du peuple juif des âmes qui semblent trop belles, trop justes, trop parfaites pour ce monde-ci. Des êtres qui vivent tellement en adéquation avec les valeurs dans lesquelles ils croient qu'ils parviennent à marquer de leur empreinte tous ceux qui ont la chance de les croiser.
Yohan Zerbib zal faisait partie de ces êtres-là. Il est tombé sur le champ de bataille du Sud-Liban le 12 août 2006. Il avait tout juste 22 ans.
Yohan est monté seul en Israël. Faisant partie des premiers élèves de l'école Yaguel Yaacov de Montrouge fondée par le Président des Consistoires Joël Mergui, un ami très proche de la famille, il ne voulait pas se contenter d'apprendre les valeurs du sionisme et du judaïsme, il voulait les vivre. « Lorsque Yohan nous a annoncé sa décision de partir vivre en Israël, j'ai été personnellement habité de deux sentiments un peu contradictoires », nous confie Gérard Zerbib, le père de Yohan. « D'un côté, j'ai ressenti cette décision un peu comme une déchirure : mon fils aîné m'annonçait qu'il allait partir vivre loin de nous, dans un pays qui n'est pas toujours très calme. Mais d'un autre, j'ai ressenti une grande fierté : Yohan était le produit des valeurs que nous lui avions inculquées durant toute son enfance. Cet amour pour la terre d'Israël, cette volonté de partager le destin du peuple d'Israël, tout cela avait fait partie de l'éducation que nous lui avions donnée. Nous ne pouvions pas être étonnés du résultat même si Yohan est allé encore plus loin, car ce que nous avions semé s'était développé et avait pris chez lui des dimensions que nous n'aurions jamais imaginées. Il voulait franchir par lui-même toutes les étapes, même les plus dures ».
Pour Gérard, c'est une véritable métamorphose que son fils a subie en arrivant en Israël : « À 18 ans, Yohan était comme la plupart des jeunes Juifs de son âge. Il aimait s'amuser avec ses copains. Soudain, avec son départ en Israël et alors qu'il s'était éloigné de moi physiquement, nous nous sommes rapprochés parce que j'ai soudain réalisé à quel point il avait intégré les valeurs qui m'étaient chères. Désormais, tout ce qui lui semblait important à Paris lui paraissait futile. Lors de l'une de nos visites en Israël, j'ai voulu lui faire plaisir en lui apportant un cadeau. Il m'a regardé et ma dit : tu sais papa, tout ça n'a pas d'importance. Je lui ai alors demandé ce qui avait de l'importance aujourd'hui à ses yeux. Il m'a répondu : ce qui est important, c'est que je vais passer maintenant un moment avec les gens que j'aime ».
La famille Zerbib a reçu des milliers de témoignages depuis le décès de Yohan zal. Il semble que tout celui qui a croisé son chemin a été marqué par ce jeune homme au comportement hors du commun et à la volonté inébranlable : « Nous sommes allés visiter le kibboutz où le bataillon de Yohan se reposait entre deux incursions au Liban. C'est là-bas que j'ai rencontré Yoël qui a tenu à me parler. '' Vous aviez un fils hors du commun, un jeune homme qui, lorsqu'on l'écoutait, donnait l'impression qu'on était revenus 200 ans en arrière, du temps des pionniers '', m'a-t-il dit. Il croyait que ce genre de personnes n'existaient plus en Israël ». Yohan Zerbib lui a prouvé qu'il avait tort…Par Laly Derai, en partenariat avec Hamodia.fr