Les quelques lignes suivantes sont extraites d’un discours du rav Aryé Leib Lopian, zatsal, ancien roch yéchiva de Gateshead, qu’il prononça au sein de sa prestigieuse institution le dernier ‘Hanouka de sa vie. Cette intervention a été récemment éditée dans un recueil intitulé « Néro Yaïr » et édité à la mémoire de rav Méïr Sebbag zatsal de Marseille.
Au sujet du miracle de la fiole d’huile de ‘Hanouka, le Bet Yossef pose une question devenue très fameuse et à laquelle de nombreuses réponses furent proposées. En voici la teneur : pour quelle raison célèbre-t-on cette fête huit jours durant, alors qu’a priori, il semblerait que ce miracle ne porta que sur les sept derniers jours ? En effet, la consumation du premier jour ne fut en rien miraculeuse puisque la quantité d’huile devait suffire précisément pour un jour de consumation ! Alors pourquoi donc ces huit jours de ‘Hanouka ?
La réponse du rav ‘Haïm de Brisk
On rapporte au nom de notre maître, rav ‘Haïm de Brisk, la réponse suivante : pour l’allumage du Candélabre ainsi que pour toutes les mitsvot de la Torah, nous devons employer exclusivement des produits de la nature. Ainsi, lorsque la Torah nous enjoint d’employer de l’huile d’olive pure pour l’allumage du Candélabre, il est indispensable que cette huile soit le produit de véritables olives ayant poussé dans la nature.
Or en supposant que lors de l’épisode de ‘Hanouka, l’huile se consumât intégralement le premier jour alors que les sept autres jours, les lumières du Temple brillèrent par l’effet d’une « huile miraculeuse », la mitsva d’allumer le Candélg labre n’aurait pas été accomplie ! En effet, comme nous l’avons vu, une mitsva ne peut être effectuée à partir des conséquences d’un miracle, mais seulement au moyen des produits de la nature ! C’est pourquoi, poursuit rav ‘Haïm, force est d’en conclure que le miracle de ‘Hanouka ne s’exprima pas dans la quantité de l’huile, qui aurait été plus abondante, mais plutôt dans la qualité de cette huile qui produisit pour la même quantité une combustion nettement supérieure. Et par conséquent, il s’avère nécessairement que le miracle se manifesta dès le premier jour, où seule une faible quantité d’huile se consuma, proportionnellement à ses nouvelles propriétés.
Néanmoins, me semble-t-il, cette réponse n’est pas entièrement convaincante. En effet, le Talmud (Traité Ména’hot, page 69/b) s’interroge en ce qui concerne les grains de blé nécessaires pour les Deux pains approchés au Temple à Chavouot : « Du blé qui serait tombé des nuages, serait-il valable pour les Deux pains ? [c’est-à-dire du blé qui viendrait de manière totalement miraculeuse, comme le suggèrent les Tossefot sur place]- Ndlr ». Or, le Rambam mentionne dans ses décisions qu’a posteriori, si l’on a fait usage de tels grains de blé, le sacrifice est tout de même validé. Par conséquent, rien ne confirme que pour la Ménora également, il soit impératif d’apportg ter de l’huile d’olive parfaitement naturelle !
Il s’avère donc que la question du Bet Yossef reste entière.
Le miracle de la nature
Mais il existe une autre réponse que beaucoup d’auteurs proposèrent.
Lorsque l’homme s’attache à méditer ce miracle et à réaliser commg ment une quantité d’huile devant brûler un seul jour suffit pour huit jours consécutifs, il en viendra à prendre conscience du fait que la nature elle-même constitue un miracle constant. En effet, fondamentalement, rien ne distingue un phénomène miraculeux des phénomènes de la nature dans la mesure où le Saint béni soit-Il créa et façonna le monde ex nihilo, à partir du néant le plus absolu, et par conséquent, tout subsiste par miracle !
Cependant, l’homme naît dans un monde où le soleil brille chaque jour sans discontinuer, où la lune éclaire ses nuits et où chaque chose trouve sa place à la perfection, et c’est pourquoi la nature ne l’impressionne plus outre mesure. Mais lorsqu’il se prête à contempler et à pénétrer le secret de la nature, il prend conscience du fait que tout n’est que miracle. Et c’est la raison pour laquelle on célèbre la fête de ‘Hanouka huit jours durant, car le premier jour aussi fut un véritable miracle, et notre devoir est précisément de le percevoir comme tel. Nous avons déjà illustré ce thème à l’aide de l’image suivante : aux États-Unis, vivait un très célèbre musicien qui connaissait un franc succès. Ce musicien soutenait cependant que la grande majorité des gens étaient totalement dénués de sens musical ! En effet, il s’était un jour livré à une expérience : s’arrêtant en plein New York au beau milieu de la rue, il s’était mis à jouer de très belles mélodies. Pourtant, nul ne lui avait prêté attentg tion et personne ne s’était arrêté pour l’écouter jouer… Á ses yeux, preuve était faite que la masse ne comprend absolument rien au charme de la musique et que ce sont seulement quelques initiés, seuls capables de déceler un talent, qui promeuvent la musique et incitent la population à acclamer une merveille qu’elle ne comprend même pas !
Mais à mon sens, cet homme faisait une grossière erreur car, de toute évidence, le monde ne fonctionne pas ainsi ! Lorsqu’un homme marche dans la rue, il ne peut prêter attention à des démonstrations qui, à cet instant, lui paraissent négligeables. En revanche, lorsqu’il appg prend qu’un prodige va se produire en public et qu’il se rend en un endroit spécialement pour l’entendre jouer, il ne fait aucun doute que tout un chacun est en mesure de percevoir la beauté d’une mélodie et le don d’un virtuose.
Ainsi en est-il de chacun d’entre nous : en temps normal, l’homme ne s’ouvre pas à méditer et à contempler la puissance du Créateur. Mais lorsqu’il s’y prête, il constate alors distinctement que chaque détail de la nature est un miracle, comme l’a dit un grand sage : « La nature n’est autre qu’un miracle perpétuel ». En effet, tout est miracle et seule l’habitude aveugle le regard des hommes !
Adapté par Y. Bendennoune
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