1. De l’expression du verset ‘Lorsque vous mangerez du pain du pays’, nous déduisons que le produit doit nécessairement être qualifiable de pain pour être imposé de Hala. Soit, 2 paramètres à considérer : sa qualité – liquide ou solide – et sa cuisson – au four ou bouillie / frite.

2. Remarquons au passage que ces paramètres sont semblables à ceux des lois du Birkat Hamazon, que nous approfondissions l’année dernière. Succinctement, la Torah n’enjoint de dire le Birkat haMazon que si l’on mange du pain spécifiquement. Si l’on se rassasie par d’autres aliments, on ne récitera que les Berakhot de Al haMi’hia ou Boreh Nefashot. Soit, autant que l’on ne dit pas haMotsi sur un plat de pâtes à la sauce, bien qu’elles soient produites à partir de farine de blé pétri, on ne prélèvera pas non plus de Hala lorsque l’on pétrit une pâte que l’on prévoit de frire ou de faire cuire dans une sauce.

Certains se demandent probablement: sommes-nous dans ce cas dispensés de prélever la Hala sur une pâte à croissant ou à brioche –puisque la Berakha de ces produits est Boré Minei Mezonot, puis Al haMi’hya après consommation ?! Mais nos lecteurs de longue date connaissent sans aucun doute LA réponse: même sur un croissant ou une brioche, la Berakha est parfois HaMotsi et Birkat haMazon – si l’on en consomme plus de 220g en moins de 1h12 !


3. La définition du pain – imposé de Hala ou de Birkat haMazon – dépend de 2 paramètres : sa qualité –liquide ou solide– et sa cuisson – au four ou bouillie / frite. Soit, 4 instructions :
a. une pâte épaisse que l’on cuit au four est sans équivoque imposable de Hala.
b. à l’opposé, une pâte liquide que l’on cuit en casserole ou que l’on frit, est dispensée de Hala.
c. Et si une seule des 2 conditions est vérifiée, ça se complique. Si la pâte est liquide, mais qu’on la cuit au four, elle sera imposée de Hala après cuisson, à condition de former un biscuit épais.
d. Et si la pâte est solide, mais bouillie ou frite, cela fait l’objet d’une discussion. L’instruction sera en général de prélever ce produit sans Berakha. Mais les situations à considérer sont relativement complexes. Nous préciserons ces cas de figure plus tard.
Commençons par poser quelques principes généraux.

4. Quel facteur différencie la cuisson au four de la cuisson à la casserole? Il ne s’agit évidemment pas d’ustensile utilisé, mais de la façon dont le feu cuit l’aliment. La cuisson au four caractérise toute action directe du feu sur l’aliment, tandis que la cuisson à la casserole implique toute cuisson par un liquide chaud – c.-à-d. que le feu chauffe un liquide qui agit ensuite sur l’aliment.
De fait, il est possible de 'cuire au four' dans une casserole – si on ne met dans la casserole aucun liquide, même si on la graisse auparavant par une petite goutte d’huile. C’est le cas notamment de la tortilla mexicaine, dont les Berakhot sont Hamotsi et Birkat haMazon, et qui nécessite prélèvement de la Hala si on mélange à la farine de maïs la quantité de farine de blé requise.
Inversement, il est possible de 'cuire en casserole' dans un four – si l’aliment cuit par l’intermédiaire d’un liquide chauffé par le four.

5. Qu’appelle-t-on une pâte liquide ? Toute pâte qui s’étale d’elle-même lorsqu’on la pose sur une surface plate est considérée comme liquide. Ainsi, une pâte à beignet liquide –tel un Sfenj oriental– que l’on frit dans une huile profonde, est exemptée de la Mitsva de Hala.

6. La pâte liquide cuite au four. Tant que cette pâte est crue, c.-à-d. à l’état liquide, elle est dispensée de Hala. Mais lorsqu’elle cuit au four et se durcit, elle peut devenir imposable. [A condition bien sûr d’avoir la quantité requise ; ce cas est cependant relativement rare, comme nous l’expliquerons.]
Rappelons qu’il ne sera pas possible de prélever la Hala tant que le gâteau est à l’état liquide, car ‘avant l’heure, ce n’est pas l’heure!’

7. Apprenons à présent qu’une pâte liquide n’est pas toujours imposée de Hala. Le Choul’han Aroukh **[ch.329 §5] enseigne : Une Trita –ou pâte liquide que l’on verse sur une plaque de four et qui s’étend d’elle-même– est exemptée de Hala. Mais si la plaque est profonde, un tel gâteau prend une allure de pain et doit être prélevé.
Quelle différence entre les 2 cas de figure provoque l’obligation de prélever la Hala? 2 distinguos sont proposés:
— Certains mettent l’accent sur l’épaisseur – qu’ils établissent à 8mm. Si le gâteau obtenu a une épaisseur inférieure, il est exempté de Hala. Si elle est supérieure, le gâteau est imposable.
— D’autres insistent plutôt sur la différence du temps de cuisson. Une pâte qui cuit immédiatement après avoir été versée est exemptée. Et celle qui requiert un certain temps de cuisson doit être prélevée.
Rav O. Yossef zatsal préconise de s’acquitter des 2 avis. On ne sera exempté de Hala que si la pâte cuit immédiatement et reste fine. Si aucune des 2 conditions n'est remplie, on prélèvera avec Berakha. Et si une seule est remplie, par ex. que le gâteau est fin (moins de 8mm), mais ne cuit pas immédiatement, on prélèvera sans Berakha.
Nous rapporterons demain quelques applications.

8. Nous rapportions que la cuisson de pâte dans une poêle est parfois considérée comme une cuisson au four, si la quantité d’huile introduite est très petite, et ne sert qu’à éviter que la pâte ne colle à la poêle. Or, nous apprenions aussi qu’une pâte liquide se fait imposer de Hala après cuisson au four, puisqu’elle se durcit.
D’où la question: faut-il prélever la Hala sur des crêpes ?
Réponse : Bien que leur cuisson soit considérée comme une cuisson au four, elles sont exemptées.
Explication: Comme nous l’apprenions hier, une pâte liquide n'est imposée de Hala que si le produit obtenu a une épaisseur de 8mm au moins, et ne cuit pas immédiatement après avoir été versé dans la poêle. Or, les 2 conditions ne sont pas vérifiées.

9. Si par contre on fait des blinis ou pancake épais, ces gâteaux sont imposés de Hala, si on les fait avec 1,2Kg [ou 1,6Kg] de farine. Idem pour les brownies. Leur pâte est certes liquide, mais leur cuisson nécessite plusieurs minutes, et l’usage est de les faire assez épais.

10. Mais attention: pour ces derniers cas, la situation où l’on se fait imposer de prélever la Hala est plutôt rare.
En effet, la quantité minimale de farine pétrie imposable est 1,2 Kg [ou 1,6 pour dire la Berakha]. Or, dans ces pâtes liquides, le devoir de prélever ne débute qu’après la cuisson, et c’est après cuisson qu’il faut réunir en une unité cette quantité de farine. Remarquez que ce cas est peu commun – sauf si l’on relève le défi Guinness du plus gros brownies du monde !
Il existe néanmoins une situation assez fréquente, face à laquelle on redoublera de vigilance : le Tsirouf Sal – l’association de gâteaux par panier. Soit, si on rassemble tous les 1,2 Kg de brownies ou de cake dans une même boîte ou un même sac. Nous reviendrons sur cela lorsque nous aborderons les lois du Tsirouf Sal en détails.

11. Abordons à présent le statut de la pâte épaisse cuite à la casserole [ou à la poêle dans un bain d’huile profond]. Cette Halakha définira l’obligation de prélever la Hala sur un fricassée ou la Soufgania – beignet israélien fabriqué avec une pâte épaisse. Elle nous permettra aussi d’établir la Berakha à réciter dessus – Hamotsi puis Birkat haMazon après consommation¸ ou plutôt, Mezonot et Al haMi’hyia ?
Ce sujet fait l’objet d’une grande discussion, qui dépend en fait de 2 manières d’interpréter une Mishna **[Hala 1:5]. Un avis pense qu’une pâte épaisse pétrie dans l’intention d'être frite est imposée de Hala. Un autre avis l’en dispense. Sauf si on l’a pétrie dans l’intention de la cuire au four, et qu'on l’a frite finalement. Ou bien, si même une petite partie de cette pâte est cuite au four.

Quel avis fait-il loi? Le Choul’han Aroukh semble se contredire. Dans les lois de Hala **[Yoré Déa ch. 329 §3], il exempte cette pâte de Hala. Tandis que dans les lois de haMotsi **[Ora’h Haïm ch.168 §13], il rapporte les 2 avis, tranche certes comme l’avis qui ne le considère pas comme du pain, mais conseille aussi vivement de contourner le problème, en ne consommant un tel pain frit qu’en récitant auparavant la Berakha de haMotsi sur du pain.

Concrètement :
a. Pour le prélèvement de la Hala, si lorsque l’on pétrit cette la pâte, on prévoit de la cuire au four – intégralement ou même partiellement – il faudra prélever la Hala avec Berakha, même si on décide finalement de la frire entièrement. Donc, si on pétrit 2Kg de farine pour faire de cette même pâte 1Kg de fricassées et 1Kg de Halot du Shabbat, il faudra prélever la Hala avec Berakha.
b. Et si on a l’intention de frire toute cette pâte, son statut fait l’objet d’une discussion. Bien que le Choul’han Aroukh semble l’en exempter, les décisionnaires préconisent de prélever la Hala sans Berakha.
c. Quant à la question de la Berakha, il faut distinguer 2 cas de figure: si sa composition est celle d’une pâte à pain, quelle Berakha prononcer lorsque le fricassée pèse 27g? Et si on mélange à sa pâte beaucoup de sucre ou jus d’orange, quelle Berakha prononcer lorsque l’on consomme 220g? Selon la loi stricte, le Choul’han Aroukh prescrit de réciter la Berakha de Mezonot, et de dire Al haMi’hyia après consommation. Toutefois, il conseille de contourner cette discussion.
Soit, si l’on veut manger un fricassée pétri avec une pâte à pain, la Berakha est, selon la loi stricte, Mezonot et Al haMi’hya ; mais on fera mieux de contourner le problème, en ne le mangeant qu’après avoir dit haMotsi sur du pain.
Et si on mélange à sa pâte du sucre ou jus de fruit, et que l’on consomme moins de 220g de pâte, on pourra sans équivoque prononcer Mezonot et Al haMi’hyia sur ce fricassée – autant que pour toute brioche que l’on cuit au four.

Par Rav Harry Dahan du 5 Minutes eternelles