Les mésaventures de l’industrie alimentaire mettent en lumière la rigueur de la casherout et apportent un peu de baume au cœur des producteurs de viande casher qui tirent profit de la crise.
Et si les professionnels de la casherout tenaient leur revanche ? Confrontés depuis plusieurs années à une féroce campagne au niveau européen contre les souffrances supposées infligées aux animaux durant la che’hita, ils paraissent aujourd’hui exemplaires au regard des pratiques qui ont conduit au scandale de la viande de cheval. Difficile d’imaginer dans le système de la production de viande cacher, qu’un produit soit remplacé par un autre. De l’abattage effectué par un cho’het à l’emballage scellé par un machgui’ah, la hala’ha prévoit en effet que chaque étape se fasse sous le contrôle d’un Juif pieux. Cela n’empêche pas les erreurs – comme dans l’affaire des merguez non cachers certifiées par le Beth Din de Paris en 2010 – mais cela en réduit considérablement le risque.
« Chez nous, les mésaventures de Findus et consorts n’auraient pas pu arriver », confirme le grand rabbin Fiszon, responsable de la che’hita au Consistoire. « Cela confirme ce que nous répétons à tous nos interlocuteurs : l’abattage rituel est une garantie pour le consommateur ».
En Angleterre, les boucheries casher enregistrent d’ailleurs un boom de leurs activités depuis le début de l’affaire, les clients – pas seulement Juifs – espérant trouver chez eux une viande dont l’origine est contrôlée. « Ce scandale est la meilleure chose qui soit arrivée à l’industrie de la viande casher depuis des années », a d’ailleurs confirmé à la presse britannique Jacky Lipowicz, qui préside le syndicat des professionnels de la casherout.
Le casher comme gage de qualité : le grand public américain en est depuis longtemps convaincu, poussant les industriels de l’alimentation à réclamer des principaux organismes de certification cacher qu’ils approuvent leurs produits. C’est ainsi que 55 % des aliments vendus dans les grandes surfaces américaines sont cashers !
Mais la récente polémique sur l’origine de la viande pourrait accélérer l’obligation d’étiquetage, comme vient par exemple de le réclamer le président François Hollande. Une mesure à laquelle s’opposaient jusqu’à présents les communautés juives et musulmanes, qui craignaient que la mention d’un abattage sans étourdissement préalable ne dissuade le consommateur lambda. Mais cette bataille est probablement sur le point d’être perdue, comme le reconnaît le grand rabbin Fiszon. « Cela va dans le sens de l’information du consommateur », explique-t-il. « Mais l’actualité nous montre que cette focalisation sur l’abatage rituel ne présente qu’un élément extrêmement parcellaire de la réalité de l’existence d’un animal ». Autrement dit, ce n’est pas parce qu’un bœuf a été étourdi avant d’être abattu – par un choc électrique ou par gazage – qu’il ne se transformera pas en cheval une fois dans l’assiette !
En cas d’étiquetage obligatoire, les défenseurs de la che’hita demanderont donc que soient indiqués toutes les étapes de la production : pays d’origine de la viande, mode de transport et d’abattage, transformation, etc… Vu les pratiques en cours dans les abattoirs, il n’est pas certain que les industriels de la viande aient intérêt à ce grand déballage. Les responsables communautaires recevraient alors un soutien de poids contre l’étiquetage.
L’incroyable circuit de la viande européenne
Chapô : Du cheval vendu comme du bœuf : l’affaire met en lumière les pratiques d’une industrie alimentaire qui multiplie les intermédiaires. Quitte à tromper le consommateur.
L’horreur alimentaire ! Le scandale de la viande de cheval qui agite l’Europe met en lumière les dérives d’un système basé sur l’éclatement des lieux de production, de transformation et de commercialisation des produits alimentaires. A la clé : des profits énormes mais également, pour le consommateur, l’impossibilité de savoir ce qui se trouve dans son assiette. Une dérive à laquelle le président François Hollande espère mettre fin, en demandant à l’occasion d’une visite au Salon de l’agriculture ce samedi, un « étiquetage obligatoire » sur l'origine des viandes utilisées dans les plats cuisinés.
Pas sûr que cela soit suffisant pour enrayer la polémique de la viande de cheval faussement présentée comme étant du bœuf, alors qu’on apprenait ces derniers jours que l’Italie, l’Allemagne, et même le Brésil et Hong-Kong avaient retiré de la vente des produits suspects.
L’affaire a au moins le mérite de mettre à jour un circuit complexe, où, de l’abattoir à l’assiette du consommateur, la viande joue à saute-mouton entre les différents pays de l’Union européenne. Un système qui ressemble à un schéma d’évasion fiscale, puisque la multiplication des intermédiaires permet non seulement de faire jouer la concurrence intra-européenne, mais également de compliquer la détermination de l’origine de la viande.
Le scandale avait éclaté mi-janvier, lorsqu’un contrôle sanitaire dans plusieurs chaînes de supermarchés britanniques fait apparaître que les steaks hachés de bœuf qui y sont vendus contiennent jusqu'à 29 % de viande chevaline. Leader européen des plats surgelés, le français Findus procède alors à des tests sur sa production, pour découvrir que son produit-phare – les lasagnes – est contaminé par de la viande de cheval, jusqu’à 100 % dans certains cas.
La viande en question provenait d’un abattoir roumain, via la société Spanghero, importateur basé dans le sud-ouest de la France qui l’avait revendue à une filiale de la société française Comigel. Au passage, deux traders chypriotes et néerlandais spécialisés dans le négoce de « minerais » – les bas morceaux, os et graisse animale transformés en hachis – étaient également intervenus. Et c’est finalement dans une usine basée au Luxembourg que la viande était incorporée dans des plats surgelés vendus par Findus mais également par 27 autres entreprises dans 13 pays, dont plusieurs des principaux distributeurs français tel que Picard, Carrefour, Auchan, Monoprix, etc….
Au total, selon l'agence française anti-fraudes (la DGCCRF), pas moins de 750 tonnes de viande de cheval faussement étiquetées bœuf seraient concernées, qui auraient servi à confectionner 4,5 millions de plats surgelés. Par Serge Golan, en partenarait avec Hamodia.fr