En abordant le livre de Chémot, dont nous allons entamer la lecture ce Chabbat une évidence s’impose : l’histoire juive prend une autre dimension. Ce n’est plus le récit d’une famille que la Torah nous livre, mais c’est celle d’un peuple en gestation, un peuple soumis d’emblée à la plus douloureuse des souffrances, celle de l’esclavage. Mais très vite, nous allons constater que cette histoire est aussi, et avant tout, celle du développement de ce peuple.
Malgré les persécutions les plus viles décrétées par Pharaon, ce peuple ne fait que grandir au point d’ébranler la super puissance que représentait alors l’Égypte. Et qui sont les responsables de ce prodigieux développement démographique ? Deux femmes dont la Torah nous donne les noms en guise d’hommage et qui dans tous les sens du terme étaient des « sages-femmes » : l’une s’appelait Chiffra et l’autre Pouah. Chiffra signifie en hébreu bon et vient de la racine « chipour » améliorer, et Pouah vient de la racine « péh », la bouche, qui permet à l’être humain de parler. Dans tous les sens du terme. Ces deux femmes sont dans tous les sens du terme des « sages-femmes », des « méyaledot », ce sont elles qui donnent naissance.
Lorsqu’un bébé hébreu naissait Pouah lui parlait. Et lorsque l’enfant était sorti à l’air libre, Chiffra le nettoyait et le rendait beau afin que sa maman ait envie de le garder en dépit du cruel décret de Pharaon. Or, c’est à la confluence de ces deux gestes que se trouve définie l’existence de la nation juive. En effet un Juif naît dans le « parler ». Être juif, c’est avant tout être porteur d’un message que l’on se doit d’exprimer. Mais cela n’est pas suffisant : être juif, c’est également intégrer la dimension particulière représentée par la beauté. Mais attention, il ne s’agit pas de la beauté du discours à la manière grecque. Il s’agit d’intégrer le beau dans l’ensemble des dimensions de la vie.
Être juif, c’est concilier le beau et le vrai. Trop souvent, le vrai ne prend pas le temps d’être beau et le beau est rarement vrai. En voulant réunir les deux, on pourra déterminer la ligne directrice qui permettra d’enseigner aux enfants juifs la pratique des mitsvot, mais sans négliger le message de cette beauté qui exalte l’âme et donne envie de se plonger dans le message de la Torah. Être un parent juif, c’est être capable de motiver ses enfants en leur montrant que leur goût du beau ne doit pas s’investir dans le monde extérieur, mais dans le monde de la Torah. Lorsque l’on réussit à embellir la Torah, on a réussi l’éducation de nos enfants.
Je constate que cette dimension a été trop souvent négligée. Je voudrais dire à nos lecteurs qui souhaitent transmettre dans sa plénitude le message de la Torah : ne soyez pas seulement de bons enseignants soucieux de l’authenticité du message Toranique. Expliquez aux enfants que rendre les choses belles n’est pas une option, mais une partie intégrante de ce message. La Guémara de Chabbat enseigne que lorsque l’on achète un talit, il faut qu’il soit beau et idem pour une soucca. Il faut que les mitsvot soient belles et attirantes et que notre Torah de vérité soit séduisante, car c’est ainsi que nos enfants y prendront goût. Par le Grand Rabbin Haim Sitruk,en partenariat avec Hamodia.fr