C’est dans la paracha de Chéla’h-Lékha qu’est énoncé l’ordre de la Torah relatif
à la « ‘hala ». Ce terme, que l’on attribue généralement aux pains du Chabbat,
désigne en réalité l’un des dons parmi beaucoup d’autres que l’on offrait à la
tribu des Cohanim.

Il existe en effet une somme remarquable
de dons que la Torah
nous enjoint d’offrir à la
tribu des Cohanim – beaucoup
d’entre eux venant sous la forme
de « prélèvements » – s’élèvant
en tout, au nombre de 24 (Traité
talmudique ‘Houlin, page 133/b).
Parmi les plus connus d’entre eux,
il y a la « térouma » – c’est-à-dire
la dîme prélevée par ordre de la
Torah sur les céréales, les raisins
et les olives de la Terre d’Israël -,
les « Bikourim » – les prémices des
fruits de la terre que l’on apportait
chaque année au Temple –, ou enfin
celle dont il est question ici : la
« ‘Hala » prélevée sur la pâte destinée
à faire du pain. Ce prélèvement
doit être d’au moins 1/24e de
la pâte pétrie quand celle-ci s’élève
à un volume total d’environ deux
litres et demi. En fait, l’obligation
de ce prélèvement reste en vigueur
encore de nos jours, bien que les
Cohanim ne soient plus en mesure
de consommer ces morceaux
de pain, et – par ordre rabbinique
– elle s’applique en tout point du
monde « afin que le principe de la
‘hala n’en vienne pas à être oublié »
(Rambam, Hilkhot Bikourim, 5, 7).
Or ces différentes offrandes, parmi
plusieurs autres, ne sont imposées
par la Torah qu’en Eretz-Israël
seulement dans la mesure où,
semble-t-il a priori, ce devoir ne
s’applique que sur les produits de
la Terre sainte. C’est en effet en ces
termes que Maïmonide mentionne
le principe de ces dons : « 8 de ces
24 dons, les Cohanim ne pouvaient
les consommer qu’à l’intérieur du
Temple : (…) 5 dons à Jérusalem,
(…) 5 autres dons auxquels ils
n’avaient droit par prescription de
la Torah qu’en Eretz-Israël uniquement
– (…) la térouma, la téroumat
maasser, la ‘hala etc. », (ibid. 1, 3-
6).

Si le rapport entre ces différents
prélèvements et la sainteté de la
Terre semble donc incontestable, il
apparaît cependant qu’une légère
nuance distingue la ‘hala de ces
autres formes de dîmes.

Des fruits « de la terre » ou
« dans la terre »… ?

C’est à travers les diverses lois relatives
à ce prélèvement qu’émerge
en effet son caractère particulier.
Dans le second chapitre du traité
de Michna « ‘Hala », nous pouvons
découvrir la loi suivante : « Des
fruits de ‘houtz laArets’ [terme
englobant toute terre extérieure à
celle d’Israël] que l’on aurait amenés
en Eretz-Israël sont concernés
par le devoir de ‘hala. Inversement,
des fruits d’ici [Eretz-Israël] qui
seraient sortis à l’étranger : rabbi
Eliézer impose [ce prélèvement] et
rabbi Akiva les en dispense ».

Comme l’explique le Barténoura
sur place, l’obligation des fruits
provenant de l’extérieur de la terre
est formellement imposée par la
Torah, comme le déduisent nos Sages
de ce verset de notre paracha :
« A votre arrivée dans le pays où
Je vous conduirai là-bas », (Bamidbar,
15, 18) ; ce mot superflu laisse
en effet entendre que l’origine des
céréales importe peu, l’essentiel du
devoir résidant dans le lieu précis
où la pâte est confectionnée.

Par ailleurs, c’est bien l’avis de
rabbi Akiva qui est retenu dans la
halakha, notamment par Maïmonide
dans ses décisions (Bikourim
5, 6), et par conséquent, une récolte
ayant pourtant poussé et mûri
en Eretz-Israël sera néanmoins
dispensée du prélèvement de la
‘hala – du strict point de vue de la
Torah – si sa farine devait avoir été
sortie des frontières du pays.

En conclusion, il apparaît clairement
que le facteur de la Terre
d’Israël est nettement plus nuancé
concernant le devoir de ‘hala,
puisqu’il n’entre en jeu que pour
déterminer l’emplacement géographique
des céréales au moment où
la pâte est confectionnée.

A propos du prélèvement
de pâte

De fait, il convient de remarquer
que l’obligation de prélever la ‘hala
n’entre en jeu qu’à partir du moment
où la farine est mélangée à
l’eau et où la pâte se forme.

En réalité, ce devoir réside très
exactement dans l’appellation de
« pain » donnée à cette pâte. Un
pain de riz en est ainsi dispensé
dans la mesure où la Torah ne
considère comme pain que celui
confectionné avec les cinq céréales
d’Eretz-Israël. De même, si la
cuisson devait avoir été réalisée
à la chaleur du soleil, une telle
pâte serait dispensée de prélèvement
dans la mesure où « l’action
du soleil ne produit pas un ‘pain’,
(…) car seulement la pâte dont la
cuisson aboutit à la formation d’un
pain véritable est soumise [au prélèvement
de] la ‘hala », (ibid. 6,
12).

Ces différentes lois spécifiques
nous conduisent à une conclusion a
priori assez claire : la ‘hala n’est
aucunement un prélèvement sur le
fruit de la Terre, mais précisément
sur le « pain de l’homme », autrement
dit sur l’élément fondamental
de sa subsistance. C’est donc sur
cet assemblage de farine et d’eau,
produit de la main de l’homme,
que la Torah impose ce nouveau
prélèvement. Par conséquent, peu
importe quelles seraient les origines
des céréales, car ce n’est pas
la sainteté propre à ces fruits qui
intervient ici, mais au contraire,
c’est le fruit du travail de l’homme
qui en constitue le principe !
Le pain est en effet l’élément de base
de la subsistance de l’être humain :
« L’homme ne vit pas seulement de
pain, mais de tout ce que produit
la parole de l’Éternel », (Dévarim,
8, 3). Le pain se révèle ainsi comme
le plus élémentaire produit de
l’homme qui se présente comme le
fondement de sa subsistance. Outre
les fruits de nos récoltes, outre les
bêtes de nos élevages ou même les
premiers-nés de l’homme, la Torah
nous enjoint ici de prélever une
part de notre « énergie » fondamentale
afin de la consacrer à D.ieu en
l’offrant au Cohen. C’est donc bien
là une part du produit de nos mains
et une parcelle de notre activité en
qualité d’êtres humains que nous
concentrons dans ce bout de pâte
offert au Cohen !

Dans le 5e chapitre des Pirké Avot
(Maximes des Pères), une michna
rapporte l’enseignement suivant :
« Sept catégories de catastrophes
surviennent au monde en raison
de sept sortes de fautes : lorsque
certains prélèvent le maasser et
d’autres non, une famine due à la
disette s’abat sur le monde pendant
laquelle certaines personnes sont
affamées et d’autres restent rassasiées.
Si tous décident de ne plus
prélever le maasser, c’est une famine
de consternation et de disette qui
s’abat sur le monde. Et s’ils décident
de ne plus prélever la ‘hala, c’est
une famine dévastatrice qui s’abat
sur le monde ! », (michna 7).
Comme nous l’avons vu, si la
‘hala se distingue ainsi de tous
les autres formes de prélèvements
– que la michna précitée désigne
par le terme générique de « maasser
» – au point où sa transgression
conduit à une punition nettement
plus rigoureuse, c’est parce
que contrairement à ces différents
autres dons, la ‘hala constitue l’offrande
du « souffle humain » et de
cette force même qui nous permet
de subsister.

Voilà pourquoi un éventuel manquement
à ce devoir est à même
de provoquer légitimement une
« famine dévastatrice » susceptible
de gommer totalement la
vie de la surface de la terre !

Yonathan Bendennoune


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