Extrait 4 : Les solutions (Fin)

«Si vous étiez Dieu»

IV. LES SOLUTIONS

Maintenant que nous avons compris les limitations fondamentales que s’est imposées Hachem, essayons de « nous mettre à Sa place ».

La règle la plus importante est celle qui nous interdit de révéler notre présence.

Celle-ci étant prise en compte, revenons à notre problème de départ et imaginons un microcosme où nous serions en situation de « jouer à Hachem ».

Cette simulation a été discutée au sein de plusieurs groupes et ce que l’on va lire ci-après constitue pour une large part les conclusions auxquelles ils ont abouti. Vous pouvez cependant, avant de poursuivre, relire le problème et tenter de tirer vos propres enseignements.

Parmi les solutions envisagées, beaucoup ressemblaient à une sorte d’immense partie d’échecs dont l’île aurait été le théâtre. A coups de mouvements et de parades, une stratégie serait mise au point, destinée à faire progresser les indigènes dans la direction désirée. A l’instar d’un grand Maître, il s’agirait de dominer en permanence l’échiquier, l’objectif étant d’aboutir au résultat voulu.

On peut évidemment disposer des ressources nécessaires pour gagner, mais certains problèmes vont bientôt apparaître. Une de ces difficultés, et non des moindres, est que chaque mouvement peut prendre des décennies, voire des siècles. On peut arriver à des résultats, mais au prix d’un bien long, d’un interminable processus. On peut avoir tout le temps devant soi, mais chaque année qui passe apporte d’autres lots de souffrances.

Un autre problème, encore plus ardu, va se poser. Il faut exercer une influence sur les événements, mais le but ultime est l’amélioration des valeurs des indigènes. Or, même si on a réussi à inculquer une leçon à une génération donnée, elle risque d’être oubliée par la suivante. La tâche la plus difficile est donc de parvenir à faire des valeurs positives une part intégrante de la culture insulaire.

Une des suggestions les plus fréquemment proposées au cours des discussions consistait à essayer d’exercer une influence sur l’île en utilisant des infiltrés. Du moment que le procédé ne serait pas apparent, il serait dans les règles.

 

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L’infiltration servirait à un double titre : les « clandestins » pourraient d’abord servir d’exemples. Ils construiraient une société modèle qui, à condition de durer assez longtemps, inciterait les indigènes à l’imiter ou du moins à s’en inspirer.

Ils pourraient ensuite servir à apporter un enseignement direct aux autochtones. Une partie de leur culture parviendrait ainsi à les imprégner progressivement et elle élèverait leur niveau moral. On accélérerait de cette manière la conclusion de la partie.

Les infiltrés se trouveraient constamment en situation de grand péril. Opérant selon un système de valeurs différent, ils seraient toujours considérés comme des étrangers. Plus leur message différerait de celui de la majorité, plus ils seraient rejetés. Eparpillés sur tout le territoire de l’île pour y répandre leur message, ils y deviendraient une minorité persécutée. Selon les règles du jeu, on ne pourrait pas grand-chose pour les aider. Tout au plus faudrait-il conduire la partie de telle manière à les protéger au maximum.

Afin d’éviter de se manifester, les communications avec les infiltrés devraient être maintenues au niveau minimum. Il leur faudrait vivre dans l’île pendant de nombreuses générations, dispersés parmi les indigènes, et des sauvegardes devraient être instituées afin d’empêcher leur assimilation aux valeurs locales corrompues. D’une certaine manière, leur situation de minorité persécutée constituerait en soi une barrière à une telle intégration. Mais il faudrait, pour l’essentiel, qu’ils jouent leur rôle dans l’ignorance de la stratégie globale.

Les autochtones deviendraient progressivement conscients de votre présence. Vous pourrez même, la partie terminée, vous révéler à eux. Le rôle des infiltrés serait lui aussi alors révélé. Comme membres de votre organisation, ils deviendraient tout naturellement les guides et les enseignants de l’île.

 

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CONCLUSION

L’examen de ce microcosme permet, vous l’aurez deviné, de se rendre largement compte de la manière dont Hachem agit avec le monde. Il s’attache à l’amener à un état de perfection, représenté selon notre Tradition par la promesse messianique. Hachem dirige à cette fin, en permanence, les forces de l’Histoire, mais le processus de cette évolution est lent. Cette « partie » est essentiellement constituée de tout ce qui compose l’épopée humaine.

Vous aurez également reconnu les infiltrés. Il s’agit du peuple juif, qui a reçu par les enseignements de la Tora les bases d’une civilisation parfaite. Une collectivité qui vit en accord avec ces principes donnés par Hachem peut se poser en exemple de société saine, exempte de tous les maux de la culture avoisinante.

Lorsque Hachem a donné la Tora, Il a déclaré au peuple juif[1] : « Soyez saints pour Moi, car Je suis saint, Moi Hachem, et Je vous ai séparés d’avec les nations pour que vous soyez à Moi. »[2]. La mission d’Israël consiste à donner un tel exemple, comme il est dit[3] : « Observez (les commandements) et pratiquez-les ! Ce sera là votre sagesse et votre intelligence aux yeux des peuples, car lorsqu’ils auront connaissance de toutes ces lois, ils diront : `Elle ne peut être que sage et intelligente, cette grande nation !’ »

Nous avons pour mission de porter témoignage du plan de Hachem pour l’humanité, comme il est écrit[4] : « Vous, vous êtes Mes témoins, dit Hachem, et le serviteur choisi par Moi, pour reconnaître, pour croire en Moi. »[5] De même, Hachem dit à Son prophète[6] : « Moi, Hachem, Je t’ai appelé pour la justice… et Je t’établis pour la fédération des peuples et la lumière des nations. »[7]

On nous apprend ainsi qu’Israël est comme le cœur de l’humanité ; il bat sans arrêt et infuse dans tout le genre humain la foi en Hachem et en Ses enseignements[8].

C’est dans cet esprit que le judaïsme a donné naissance successivement au christianisme et à l’islam. Ces religions sont certes éloignées de la perfection, mais, dans la mesure où elles s’éloignent du paganisme, elles constituent un pas dans la bonne direction[9]. Cependant, le pas final est encore à franchir.

Ce qui est important, c’est que les Juifs, du moins ceux qui observent la Tora, continuent de servir d’exemple de société parfaite établie par Hachem. La Tora et ses commandements représentent en effet la sagesse la plus élevée pour l’avancement de la société humaine. Le tsaddiq (« juste intégral ») est l’être le plus proche de la perfection.

La situation unique dans laquelle se trouve Israël, du fait de son acceptation de la Tora de Hachem, aura un jour pour résultat la destruction de toutes les autres cultures. En attendant, elle lui vaut également la haine que lui vouent ces cultures. Nos Sages nous enseignent que, tout comme l’olive doit être écrasée pour donner son huile, Israël est souvent persécuté avant qu’il produise sa lumière[10]. C’est ce que Hachem a dit à Son prophète[11] : « Il ne brise pas le roseau rompu, Il n’éteint pas la mèche qui fume encore, c’est en toute vérité qu’Il proclame le droit. Il ne se lassera ni se rebutera qu’Il n’ait établi la justice sur la terre : les îles attendent Sa doctrine. »[12].

Notre époque nous incite à nous poser de nombreuses questions. La presse, la télévision transportent les horreurs du monde jusqu’à nos portes et dans nos salons. Ce qui nous était jadis dissimulé par des distances infranchissables s’étale aujourd’hui devant nos yeux. Nous sommes les spectateurs directs de la souffrance, des massacres, de la famine, et nous nous demandons comment Hachem peut tolérer un tel mal. Pour le Juif, la question de l’extermination de six millions de ses frères demeure constamment au premier plan de tout débat de cette nature.

Mais pour celui qui comprend les vraies profondeurs du judaïsme, la question ne se pose pas. Une fois évalués la vraie raison de l’existence et le but de la création, non seulement les raisons sont trouvées, mais les interrogations elles-mêmes cessent d’être à l’ordre du jour.

L’un des plus grands maîtres juifs de notre génération, le Rabbi de Klausenbourg (Klausenburger Rebbe), a perdu sa femme, ses enfants et sa famille dans les camps nazis et il a lui-même passé deux ans dans l’enfer d’Auschwitz. Il en a pourtant émergé pour ramener au judaïsme toute une génération de rescapés, pour fonder une communauté à New York, puis une autre en Israël.

J’ai souvent entendu cette éminente personnalité évoquer les camps de la mort et ceux qui y ont péri. J’ai trouvé dans ses propos des larmes et de la tristesse, mais jamais une mise en question. Car c’est bien d’un tsaddiq qu’il s’agit, dont l’esprit pénétrant voit bien au-delà de l’immédiat. Lorsque l’on considère ce qui forme l’Ultime, alors vraiment il n’y a pas d’interrogations.

Le plus important est de nous rappeler que Hachem est le Bien ultime et que, par conséquent, même le pire sera un jour transformé en bien[13]. L’homme peut faire le mal, mais ce mal qu’il fait sera lui aussi racheté par Hachem pour être transformé en bien. Le Talmud nous enseigne que nous devons dans ce monde bénir Hachem tant pour le bien que pour le mal, mais que, dans le monde à venir, nous nous rendrons compte qu’il n’existe rien d’autre que le Bien[14].

 

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[1] Lévitique 20, 26.

[2] Voir Rachi ad loc. Cf. Lévitique 19, 2.

[3] Deutéronome 4, 6.

[4] Isaïe 43, 10.

[5] Mahari Kara ad loc, ‘Iqarim 1, 2. Cf. Isaïe 43, 21; 44, 8.

[6] Ibid. 42, 6.

[7] Ce verset fait partie du célèbre passage d’Isaïe sur « le serviteur souffrant ». Selon Rachi et le Mahari Kara, il s’agit d’Israël. Voir Midrach Tehilim 2, 9. D’autres, par contre, comme le Targoum, Radak et Metsoudoth l’appliquent au Messie. Voir Midrach Tehilim 43, 1. Ibn Ezra, quant à lui, l’interprète comme se référant au prophète lui-même. Pour une discussion plus approfondie, voir Abarbanel ad loc.

[8] Zohar 2, 221b, Kouzari 3, 36 [51b], 2, 12 [13a].

[9] Kouzari 4, 23, Techouvoth Rambam 58, Techouvoth Rivach 119, ‘Aqèdath Yits‘haq 88.

[10] Chemoth rabba 36, 1.

[11] Isaïe 42, 3-4.

[12] Cf. Mena’hoth 53b.

[13] Rabbi Moché ‘Hayim Luzatto, Kla’h pit‘hei ‘hokhma, 2.

[14] Pessa‘him 50a.

Titre: SI VOUS ETIEZ DIEU

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

 

Extrait 1 : Les fondements

« La lumière infinie : A propos de Dieu »

1. Les fondements

Parler du judaïsme équivaut à parler de l’homme et de la vie en général. Celui-ci est avant tout un mode de vie, et ses principes atteignent les fondements mêmes de l’âme humaine. Comprendre véritablement le judaïsme, c’est percevoir le secret ultime de l’existence.

Ce qui est le plus important pour l’homme, c’est d’avoir un but. On demande, dans une vieille chanson : « Pourquoi suis-je né, pourquoi suis-je en vie ? Qu’ai-je à recevoir, et qu’ai-je à donner ? » Ces interrogations, l’être humain n’a jamais cessé de se les poser depuis qu’il fait fonctionner son cerveau.

Vous êtes-vous jamais posé ce genre de questions :

Pourquoi suis-je né ?

Quel sens a ma vie ?

Pourquoi suis-je moi ?

Comment dois-je mener mon existence ?

Qu’ai-je à offrir à la vie ?

Ces questions sont de celles qui nous angoissent souvent dans nos premières années. Nous essayons, pendant notre adolescence, de nous inspirer d’une philosophie de la vie. Par la suite cependant, l’exercice d’une profession, les soins à apporter à l’éducation de nos enfants font passer cette préoccupation au second plan. Mais il arrive parfois que notre réveil soit douloureux. Lorsque la tragédie nous frappe, ces interrogations nous fouettent comme des douches glacées. Parvenus à l’âge mur, nous nous tournons vers nos jeunes années pour nous demander : « A quoi ma vie a-t-elle servi ? »

Nous disposons d’une seule destinée, dont il nous incombe de tirer le maximum. Nous cherchons tous, afin de lui donner un sens, à faire ce qui est « vrai ». Rares sont ceux qui affirment : « Je sais que c’est faux, mais je le fais quand même. »

Pressentant confusément que certaines choses sont vraies, et que d’autres sont fausses, nous devinons tous que la vie a un sens. Mais beaucoup d’entre nous ne vont pas plus loin. Même s’ils se posent des questions, ils ne déploient pas d’efforts considérables pour trouver les réponses.

Un homme d’une grande sagesse a dit un jour : « Une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue. »

On peut consacrer toute une existence à la recherche de plaisirs, de célébrité ou de richesses, sans se demander, ne serait-ce qu’une seule fois, si tout cela est vraiment important. Si l’on n’y réfléchit pas sérieusement, on ne saura jamais si l’on a fait ou non ce qu’il fallait faire, et l’on aura gaspillé une vie entière à la poursuite d’objectifs futiles, voire dangereux.

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Le principe essentiel du judaïsme, c’est la conscience d’un but à l’univers et d’un objectif à la vie de l’homme.1

Nos maîtres enseignent : « Il faut avoir le discernement […] de savoir pourquoi on est là et pourquoi on existe. Il faut revoir son passé et considérer où l’on va. »2

L’homme et la nature sont dotés l’un et l’autre d’un but parce qu’ils ont été créés par un Etre qui en a un. Cet Etre, nous l’appelons Dieu.3

Il est impossible d’imaginer un monde qui aurait un dessein et qui n’aurait pas de Créateur. Sans Dieu, l’univers serait sans but et la destinée humaine inutile. Aucune vie n’aurait plus de sens ni d’espérance.

Pour appuyer notre propos, considérons plus attentivement le point de vue opposé et examinons le monde comme le ferait un athée accompli : le monde n’a pas eu de Créateur agissant selon une finalité. La vie en est donc également dépourvue. Le genre humain n’existe par conséquent que par accident, sans plus d’importance qu’une bactérie ou un minéral, de sorte que l’homme apparaît à la manière d’une vile infection ou d’une maladie déposée sur la surface de notre planète.

Si la vie n’a pas de sens, tous nos espoirs, nos désirs, nos aspirations ne forment rien d’autre que la résultante du mouvement des molécules et des cellules de notre cerveau, et nous n’aurons donc plus qu’à adhérer aux propos de ce cynique célèbre qui affirmait : « L’homme n’est qu’une mouche impotente qui vole, comme prise de vertige, sur une immense sphère. »

Dans un monde privé de but, il ne peut exister ni bien ni mal, puisque ces deux concepts présupposent qu’il en a un. Faute de croire en quelque fin ultime, les valeurs deviennent, dans leur totalité, purement aléatoires. La moralité serait alors affaire de convenance, à rejeter toutes les fois qu’elle ne sert pas des objectifs immédiats. Et il n’est pas d’autre philosophie de la vie que celle qui consiste à se dire : « Fais-le, du moment que tu ne peux pas agir autrement ! »

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Si l’existence n’a ni sens, ni dessein, ni contenu, notre attitude envers le monde, envers autrui et envers la société en général ne saurait être définie autrement que par un « Bof ! » désabusé.

Si Dieu n’existe pas, il n’y a pas de but et, par voie de conséquence, tout ce que peut entreprendre l’homme est inutile. C’est ce qu’a voulu dire le Psalmiste : « Si Dieu ne bâtit pas une maison, c’est en vain que peinent ceux qui la construisent ; si Dieu ne garde pas la ville, c’est en vain que la sentinelle veille avec soin » (Psaumes 127, 1).

Mais nous pouvons également envisager le problème dans sa perspective opposée et considérer le monde avec les yeux du croyant. Si nous avons foi en Dieu en tant qu’Auteur de l’univers, la Création comporte alors un but considérable et la vie acquiert une profondeur infinie. L’homme, s’il admet que l’existence a un sens, doit chercher quel a pu être le dessein de Dieu lorsqu’Il a élaboré le monde et s’efforcer de consacrer la sienne à la réalisation de cette fin. Sa vie, dès lors qu’il est apte à lui donner un sens, cesse d’être un simple accident, pour devenir le phénomène le plus riche de signification de toute la Création. Les concepts de bien et de mal acquièrent des dimensions considérables, puisque le bien se définit désormais comme étant ce qui est en harmonie avec le projet divin, et le mal comme étant ce qui lui est contraire. Nous ne sommes rien moins que les associés de Dieu dans l’accomplissement de Son dessein.

Il n’existe personne qui puisse penser, au plus profond de lui-même, que rien n’a de sens. Mais il en est beaucoup qui, se dissimulant derrière une façade de clichés et d’erreurs, perdent de vue la véritable racine de cette finalité. Nous savons tous cependant, dans les tréfonds de notre conscience, que la vie, et en dernière analyse toute la Création, en comportent une.

Le matérialiste d’antan qui restait fermement convaincu que la destinée humaine n’a ni sens ni fin et que l’homme n’est rien d’autre qu’une particule irresponsable ballottée dans un maelström de forces aveugles, était un homme dépourvu de sagesse. Un grand philosophe a un jour ainsi résumé ce genre d’attitude : « Les gens qui passent leur vie à essayer de prouver qu’elle n’a pas de sens constituent un intéressant sujet d’observation ! »

La Bible, sans s’embarrasser de nuances, traite l’incroyant d’insensé : « L’insensé dit dans son cœur : `Il n’est point de Dieu.’ » (Psaumes 14, 1)4

Ce que veut souligner ce verset, c’est à la fois l’erreur et l’égarement de l’incroyant. Il ne voit pas ce qui devrait lui sauter aux yeux. Il est non seulement frappé de cécité, mais aussi enclin à agir sans discernement. Ne reconnaissant aucun but à l’existence, il est porté à opérer à l’aveuglette. Inapte à découvrir la vérité, tout ce qu’il fait peut être erroné. Il est si obtus qu’on ne peut avoir confiance en lui. C’est parce qu’il est insensé et qu’il ne voit pas Sa présence tout autour de lui qu’il affirme que Dieu n’est pas. Ou bien parce qu’il est trop égoïste pour partager son propre monde avec Celui qui l’a créé.

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Nous ne trouvons nulle part dans la Bible un argument philosophique tendant à prouver l’existence de Dieu. Celle-ci est tout simplement présupposée. Pour les Ecritures, il est vain de vouloir convaincre l’athée de son aberration. Il est considéré comme un insensé, incapable de comprendre, ou trop impie pour vouloir le faire.

Il en est de la foi comme de la beauté : elle est dans l’œil de celui qui regarde. Pendant plus de trois mille ans, l’existence de Dieu a sauté aux yeux du Juif, qui n’avait besoin ni d’une preuve ni d’une démonstration.

Le seul fait qu’il y a un univers implique un Créateur. Comme le proclame le Psalmiste : « Les cieux racontent la gloire de Dieu, et le firmament proclame l’œuvre de Ses mains » (Psaumes 19, 2). Leur existence même constitue un hymne, chanté à la gloire de leur Auteur.5

De la même manière, le prophète a écrit :

Vous ne savez donc pas !

Vous ne comprenez donc pas !

Ne vous l’a-t-on pas appris dès l’origine ?

Ne saisissez-vous pas ce qu’enseignent

les fondements de la terre ? […]

Levez les regards vers les cieux et voyez !

Qui les a appelés à l’existence ?

Qui fait défiler leur armée en bon ordre ?

Tous, Il les appelle par leur nom…

(Isaïe 40, 21-26).

N O T E S 1. Cf. Messilath Yecharim 1. 2. Zohar ‘Hadach 70d. Cf. Avoth 3,1. 3. Yad, Yessodei Hatorah 1,1-5.

4. Voir aussi Psaumes 53,2.

5. Moré Nevoukhim 1,44.

Titre: La lumière infinie : A propos de Dieu

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

Extrait 2 : La prise de conscience

« La lumière infinie : A propos de Dieu »

2. La prise de conscience

Une anecdote particulièrement éclairante nous aidera à mieux comprendre le sujet 6:

Un philosophe affirma un jour à Rabbi Méir : « Je ne crois pas en Dieu. Pour moi, l’univers s’est créé seul, spontanément, sans intervention extérieure. » Rabbi Méir ne répondit pas. Quelques jours plus tard, il se présenta chez le philosophe, tenant à la main un magnifique poème, calligraphié avec art sur un délicat parchemin blanc. Le philosophe admira le parchemin et demanda : « De qui est ce magnifique poème ? Quel est le scribe émérite qui l’a copié ? » Rabbi Méir secoua la tête et répondit : « Erreur ! Il n’y a ni poète ni scribe. Voici ce qui est arrivé : le parchemin était posé sur ma table, à côté d’un flacon d’encre. Un chat a malencontreusement renversé le flacon et a répandu le liquide sur tout le parchemin. Ce poème n’est rien d’autre que le résultat de son geste. » Le philosophe regarda Rabbi Méir avec stupéfaction et lui dit : « Mais c’est impossible ! Un si beau poème ! Une si parfaite écriture ! De telles choses ne peuvent pas s’être créées d’elles-mêmes. Il faut qu’il y ait eu un poète ! Il faut qu’il y ait eu un scribe ! » Rabbi Méir, avec un large sourire, lui répondit alors : « Vous vous êtes vous-même donné une réponse ! Comment l’univers, qui est bien plus beau qu’un poème, a-t-il pu se créer lui-même ? Il faut qu’il y ait eu un Auteur ! Il faut qu’il y ait eu un Créateur ! »

Ce que, bien évidemment, Rabbi Méir voulait mettre en évidence, c’est l’argument tiré de l’existence d’un plan. Le monde où nous vivons apparaît bien planifié et doté d’un but. Tout ce qui compose la nature est bien à sa place. On y trouve des créatures, comme l’être humain, extraordinairement complexes. Comment un homme normalement constitué peut-il véritablement croire que tout cela n’a pas eu d’Auteur ?

Selon le Midrach, c’est de cette manière qu’Abraham a pris conscience de l’existence de Dieu. Il s’est dit : « Est-il possible qu’un château brillamment illuminé n’ait pas de propriétaire ? Peut-on dire que ce monde existe sans qu’il y ait eu un Créateur ? »7

En définitive, ne pas voir Dieu représente une certaine forme de cécité. C’est ce qu’a voulu dire le prophète :

O perversité ! Le potier mis sur le même plan que l’argile ! L’œuvre disant de l’ouvrier : « Il ne m’a pas fabriquée ! » Le vase disant de celui qui l’a créé : « Il n’y entend rien ! » (Isaïe 29, 16).

Notre tâche, c’est de savoir poser les bonnes questions. Sur le verset : « Levez les regards vers les cieux et voyez ! Qui a créé cela ? » (Isaïe 40, 26), le Zohar explique8 : le monde que nous percevons est cela, en hébreu : Eléh. Regarde cela, et demande : Qui (en hébreu : Mi). La combinaison des lettres des deux mots Eléh et Mi (cela et qui) forme Elohim, l’un des noms de Dieu. En d’autres termes, sachons poser les bonnes questions, et Dieu apparaÎtra dans les réponses.

Il suffit de se regarder soi-même pour voir l’ouvrage du Créateur. Le fait de pouvoir penser, de pouvoir bouger la main, c’est là le plus grand des miracles. C’est ce qu’a reconnu le Psalmiste : « Je te rends grâce de m’avoir si merveilleusement distingué » (Psaumes 139, 14).

Tout ceci est résumé dans le verset : « De ma chair, je verrai Dieu » (Job 19, 26)9. En d’autres termes, je peux voir Dieu dans le fait même qu’il existe une chose aussi miraculeuse que ma chair.

N O T E S

6. ‘Hovoth Halevavoth, fin de 1,6.

7. Beréchith Rabba 39,1.

8. Zohar 1,2a.

9. ‘Hovoth Halevavoth 2,5 ; Pardès Rimonim, 8,1 ; Chenei Lou’hoth Haberith (Cha’ar Hagadol), Jérusalem 5720, 1,46b. Cf. Beréchith Rabba 48,2.

Titre: La lumière infinie : A propos de Dieu

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

Extrait 3 : La preuve de l’existence

« La lumière infinie : A propos de Dieu »

3. La preuve de l’existance

On raconte que Frédéric le Grand, roi de Prusse, demanda un jour à son aumônier, un pasteur luthérien, de lui fournir la preuve visible de l’existence de Dieu. La réponse tint en deux mots : « les Juifs ».

La présence de Dieu n’est pas, pour le Juif, un sujet de réflexion philosophique. Elle est liée à notre histoire même. Nous avons assisté à la montée en puissance des Babyloniens, des Perses, des Phéniciens, des Hittites, des Philistins, des Grecs, des Romains et de toutes les nations de l’antiquité païenne, et nous avons été également les témoins de leur effondrement. Ces grandes civilisations ont toutes grandi, pour atteindre leur maturité et ensuite disparaître. C’est là le modèle de l’histoire auquel tous les peuples antiques se sont conformés. Nous sommes la seule exception, toujours là pour lire et écrire des livres.

Notre longue destinée est marquée par une survie miraculeuse et une croissance continue. Notre peuple a traversé des milliers d’années de persécutions, d’esclavages, de massacres, d’exils, de tortures, d’inquisitions, de pogroms et de camps de la mort. Nous avons été réduits en esclavage par les Egyptiens, massacrés par les Philistins, exilés par les Babyloniens, dispersés par les Romains, décimés et poursuivis partout en Europe. Et pourtant, miracle extraordinaire, nous sommes là !

On ne trouve absolument aucune explication historique qui puisse rendre compte scientifiquement de ce miracle. Des recherches ont pu établir que certains peuples détenaient des records de longévité inhabituels, mais aucune de ces performances n’est comparable à la nôtre.

L’Empereur Hadrien, raconte le Midrach10, fit remarquer un jour à Rabbi Yehochou’a : « Il doit être grand, l’agneau Israël, pour pouvoir survivre parmi soixante-dix loups. » La réaction du maître fut : « Grand est le Berger, qui le sauve et le protège. »

Nous connaissons tous ce passage de la Haggadah de Pessa’h qui reprend le même thème :11

C’est cette promesse qui nous a soutenus,

Nous et nos ancêtres.

Car ce n’est pas un seul ennemi

Qui s’est élevé contre nous pour nous exterminer ;

A chaque génération

On s’élève contre nous pour nous anéantir,

Mais le Saint, béni soit-Il, nous sauve de leurs mains.

Ce miracle extraordinaire de la survie de notre peuple, unique dans les annales de l’histoire, ne peut pas être dépourvu de signification. Pour voir un vrai miracle, il suffit de se regarder dans une glace : il n’en est pas de plus grand que l’existence, après quatre mille ans, d’un Juif.

Tel est le message que Dieu nous a fait transmettre par Son prophète : « Vous êtes Mes témoins, dit Dieu, comme Je suis votre Dieu » (Isaïe 43, 12). Le Midrach explique que Dieu est reconnu comme tel parce que notre seule existence porte témoignage sur Lui.12 Notre pérennité est destinée à faire de nous, d’une certaine manière, les témoins de Dieu.

N O T E S

10. Tan’houma, Toledoth 5.

11. Vehi Chéamdah, dans la Hagadah de Pessa’h.

12. Sifri (346) sur Deutéronome 33,5 ; Midrach Tehilim 123,2 ; Pessikta 12 (102b) ; Yalkout 1,275, 2,317 ; Abarbanel ad loc.

Titre: La lumière infinie : A propos de Dieu

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.