COMME CHAQUE matin, David
Goldberger, à la tête
d’une exploitation de
3 000 dounams à Mévo ‘Horon,
va vérifier les plantations de blé.
À bord de son 4×4, il constate
combien les collines et les vallées
manquent désespérément
d’eau. Au-delà de la barrière de
sécurité, le long des limites du
mochav, quelques villages arabes
sont visibles. Dans la région,
la barrière ressemble plus
à une grande clôture qu’à un
mur, ce qui permet de voir les
ouvriers arabes travailler dans
les champs. Eux aussi font un signe
vers le ciel, implorant pour
que la pluie tombe. « La terre a le
même aspect qu’en plein été » crie
l’un des ouvriers en arabe. David
acquiesce en levant la tête, indiquant
ainsi que le seul recours
est dans la prière.
Il me montre
alors deux champs de
blé : sur le premier,
des pousses d’une
trentaine de centimètres,
et sur
le second, de
toutes petites
pousses vertes
sortent du sol.
Il essuie une
larme et m’explique
que « Le
premier champ
est arrosé régulièrement
à l’aide
de rampes. Il pousse
bien, même s’il n’a pas
encore atteint une taille
suffisante. Le second champ n’a
pas été arrosé à temps. Nous espérions
qu’il soit irrigué par les
précipitations saisonnières, mais
malheureusement, il n’y a pas eu
assez de pluie et le blé n’a pas
poussé. »
L’irrigation
n’est pas la solution
Peu après, nous découvrons un
paysage affligeant : des parcelles
sèches, comme des immenses
îles au milieu des champs de blé.
« Nous irriguons les champs avec
des rampes, mais aucun système
ne peut atteindre chaque recoin.
D’où ces tâches brûlées par le
soleil » commente Goldberger.
Aucun système d’irrigation ne
remplacera jamais les pluies que
D.ieu nous accorde » continuet-
il. David, qui s’occupe de ses
champs depuis près de trente ans,
nous explique les limites de l’irrigation.
« C’est un sacré travail
de déplacer les rampes d’arrosage,
les tuyaux et tout l’équipement
à travers l’immense étendue des
champs de Mevo ‘Horon, et même
comme cela il est impossible d’atteindre
toutes les extrémités. » Il
est bien sûr également question
d’argent. Même en utilisant des
eaux usagées, les agriculteurs
sont obligés d’augm
e n t e r
l e u r s
p r i x .
« Les prix
du blé israélien
ne tiennent pas compte de coût
de l’irrigation » explique Yossef
Gutman de Komemiout. « Dès que
nous sommes obligés d’arroser, les
prix s’envolent. Quoi qu’il en soit,
il n’y a tout simplement pas assez
d’eau, traitée ou non. »
Pas de pluie à l’horizon
D’habitude, la plupart des citadins
ne se préoccupent guère des effets
de la sècheresse, tant qu’il y a
de l’eau dans les robinets, tout va
bien… ! « Je sais que nous avons
besoin de pluie, disent-ils avec
candeur, mais cela veut-il dire
pour autant que nous ne devons
pas profiter du beau temps ? »
Cette année, pourtant, tous les
Israéliens parlent de la pénurie
d’eau, de la ligne rouge du Kinnéret
et des nappes vides. Le « beau
temps » est source d’inquiétude.
De nombreuses cultures, comme
les vignes et certains fruits, dépendent
des pluies mais aussi
des basses températures. Dans
la plaine de Judée et ailleurs, les
viticulteurs se sont plaints que
« l’an dernier le froid était au
rendez-vous, ce qui a aidé les vignes.
Cette année, non seulement
il n’y a pas de pluie, mais le beau
temps est néfaste au raisin. » Les
vignes ont atteint le stade de l’élagage
et ont désespérément besoin
d’eau. S’il n’y a pas de pluie d’ici
la semaine prochaine, elles vont
toutes sécher. Même s’il y a eu
quelques gouttes de pluies, elles
sont insuffisantes pour changer
la situation.
Chaque secteur agricole est touché
par la sécheresse. Les agriculteurs
ont dû commencer à arroser
les amandiers, cela ne signifie
peut-être pas grand-chose pour
la plupart d’entre nous, mais normalement
cet arrosage a lieu en
été. Cela permet d’apprécier la
gravité de la sécheresse qui peut
s’avérer catastrophique pour toute
l’agriculture israélienne ainsi que
pour les réserves d’eau. Les mots
employés par l’un des Guedolim
de Bné-Brak expriment toute
l’étendue du désastre. Plus que la
pluie tombe, dit-il, nous voulons
que D.ieu nous éclaire de Son visage.
Chaque Juif désire que D.ieu
nous accorde la grâce sous forme
de pluie.

Les animaux
souffrent aussi
La sécheresse affecte aussi les
animaux. À Mevo ‘Horon, j’ai été
s u r –
pris de
voir un
petit troupeau
de cerfs sur l’une des
collines desséchées aux alentours
des champs de blé. Ils
étaient à la recherche de nourriture.
Un peu plus loin, j’ai aperçu
un troupeau de vaches qui, en
cette saison, aurait dû trouver
de quoi se nourrir dans les pâturages.
Yossi Kazir, responsable
du bétail de Mévo Horon, donne
des bottes de foin aux animaux.
« Vous ne pouvez pas imaginer
la gravité du problème », soupire
Kazir. « La première pluie a fait
pousser l’herbe, mais les vaches
ont rapidement tout mangé, et
il n’en reste plus rien. » Il n’a eu
d’autre choix que de puiser dans
le budget du mochav pour acheter
de la nourriture afin de pallier
le manque d’herbe. « Mais
ce n’est pas seulement une question
d’argent, » explique Kazir,
« l’herbe fraîche est plus saine et
meilleure pour les vaches. Rien
ne peut la remplacer. » L’herbe
est si rare que Kazir est obligé de
déplacer le troupeau d’un endroit
à un autre pour qu’il ne détruise
pas toutes les racines.
Tout ou rien
Les agriculteurs vous diront que
le blé, plus que toute autre culture,
subit durement le manque de
pluie. La culture du blé, à chaque
étape, dépend principalement de
larges quantités d’eau. En Israël,
le blé est récolté début novembre.
La pluie est primordiale entre le
15 et le 30 du mois. Toutefois,
ces dernières années, la pluie
n’est pas tombée à ces dates-là
et les effets du manque de précipitations
s’est ressenti sur les
champs. David explique que pour
le blé, il faut qu’il y ait des pluies
abondantes, ou pas de pluie du
tout !! De petites quantités d’eau,
comme
nous en
avons eu
cette année,
ne font que détruire
le blé. L’explication
est simple : Le
blé doit être récolté quand il est
sec, il peut tenir dans le sol assez
longtemps sans pourrir, tant
que la terre reste sèche. La précipitation
de 5 à 10 centimètres
de pluie va le faire germer. Si la
pluie s’arrête, les pousses fragiles
vont sécher et pourrir. C’est
ce qui s’est passé cette année
dans de nombreux champs. On
n’a enregistré que 110 millimètres
de pluie sur les plaines côtières.
Tombée à chaque fois en
petites quantités, elle n’a fait que
détruire le blé. « Notre situation
à Mevo ‘Horon n’est pas encore
critique » dit le rav David, mais
je connais des endroits dans le
Sud où les agriculteurs ne savent
plus quoi faire. »
Yossef Steiglitz de Kfar Gideon,
un autre grand exploitant en blé,
explique que le problème ne se
limite pas à la région Centre et
au Sud du pays, mais existe également
dans le Nord. « Certaines
régions reçoivent de grosses averses
qui durent quelques minutes,
comme au Kibboutz Nahalal, et le
blé est suffisamment arrosé, mais
ça n’arrive que dans certains
coins isolés » explique-t-il.
Future pénurie
de Matsot Chmourot ?
Même si la sécheresse affecte chacun, les agriculteurs orthodoxes doivent faire face à un
problème supplémentaire qui
pourrait avoir des conséquences pour Pessa’h prochain. Cette année, nous consommerons
des matsot fabriquées à partir
du blé des années précédentes
(avant la Chemita). Le blé de
cette année, qui doit servir à la
fabrication des matsot du Pessa’h suivant risque de manquer.
Or, importer du blé à cet effet
est impossible, parce que personne ne contrôle le blé venu de
l’extérieur. Il peut se mélanger
à d’autre cultures, subir l’humidité durant son transport, etc.
Dans le pire des scénarios, si la
sécheresse se poursuivait, le blé
pourrait être importé pour la
consommation courante, mais
en aucun cas pour la fabrication
de Matsa Chmoura qui manquerait cruellement. C’est pourquoi
les agriculteurs orthodoxes
demandent que tous les Juifs
prient pour que D.ieu nous accorde de l’eau en quantité.
Autre avantage
de la Chemita
Impossible de mentionner les
communautés agricoles orthodoxes sans s’arrêter sur les bienfd
faits liés à la Chemita. La pluie
tombée l’an dernier est encore
stockée dans les sous-sols des
terres laissées en jachère. Ce qui
représente une quantité de 87,5
m3 d’eau par acre de terre, ce qui
dans une année de sécheresse
peut réellement faire la différence entre une récolte limite et
une récolte réussie. Mais l’eau
stockée se trouve à environ 1,5
mètre sous le sol, pour qu’elle
puisse être utilisée, il faudrait
qu’il pleuve suffisamment pour
mouiller la couche supérieure du
sol afin que les deux couches se
rejoignent. Ce qui n’est pas encore le cas, mais les agriculteurs
restent confiants.
Tout le pain
dans le même panier
Aujourd’hui, le Néguev, selon
une décision gouvernementale
de 1950, se consacre principalement à la culture du blé. Il
fournit 40 % du blé israélien,
soit 800 000 tonnes. Deux énormes silos ont été construits pour
le stocker, l’un à Béer-Chéva,
et l’autre au Kibboutz Dvir. Le
blé doit être cultivé sur terrains
plats, sous des températures clémentes, sur un sol aéré et fertile, et bénéficier d’importantes
chutes de pluie. Cette dernière
condition a du mal à être respectée en Israël et particulièrement dans le Néguev. Le choix
du Néguev n’a pas été fait parce
qu’il réunissait toutes ces conditions, mais simplement parce
que la région regorgeait de terrains vides. La question se pose
aujourd’hui de la pertinence de
continuer à cultiver le blé dans
une région qui ne lui convient
pas.
L’assurance sécheresse
En 1950, Israël a créé la « Ligne
de sécheresse » qui définissait
les critères d’indemnisation des
agriculteurs en cas de sécheresse. Cette ligne s’étend du Kibboutz Michmar Hanéguev vers
l’Est à Sdot Nirim. Au sud de
cette ligne, aucune indemnisation n’est prévue en raison de la
fréquence des sécheresses. Dans
les années 60, le gouvernement
israélien a créé le Fonds pour les
catastrophes naturelles, une assurance nationale qui indemnisd
se les agriculteurs en cas de sécheresse, gel, tempête, maladies
botaniques, épidémies, etc. Les
agriculteurs qui souscrivent à
cette assurance doivent prouver,
en cas de dommages, qu’ils ont
tout fait pour s’en protéger. Pour
pouvoir toucher une indemnité,
ils doivent prouver qu’au moins
85 % de leurs biens ont été touchés. Ce fonds ne dédommagera
pas un agriculteur qui décide de
cultiver des bananes dans une
zone où les risques de gel sont
élevés. Ce genre de critères est
fixé par l’Institut météorologique de Beth Dagan.
Toujours optimistes…
Les champs de blé sont actuellemd
ment dans l’état où ils devraient
être en été, craquelés et fissurés.
Mais les agriculteurs gardent
encore l’espoir de voir la situation évoluer. Mais si la pluie ne
venait pas, David Goldberger
répond : « Tous les matins, nous
lisons le Chéma Israël. C’est là
que se trouve la solution. Quelle
question ? Nous allons nous repentir, nous rapprocher de D.ieu
et la pluie va venir ! »
Par Moché Michaël Tzoren

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