Lorsqu’un homme est profondément habité par la croyance dans le Créateur, celle-ci doit se fixer dans sa conscience comme une certitude inébranlable, plus que toute autre connaissance. Ce principe apparut comme lors de l’épisode de la ligature d’Its’hak.


Lorsqu’Avraham partit pour sacrifier son fils à D.ieu, il savait pertinemment que s’il commettait la moindre erreur de jugement, l’acte qu’il s’apprêtait à réaliser causerait des préjudices irréparables, autant pour lui que pour l’humanité entière. Pourtant, il s’investit corps et âme dans cette difficile mission, avec la conviction de faire ce qui lui incombait. A sa suite – et mue par son inspiration –, toute sa postérité suivit la même voie : à travers les siècles, les Juifs se sacrifièrent pour sanctifier le Nom divin, car jamais le doute ne les gagna.
Croire en Toi dans l’obscurité
Selon ce qui vient d’être dit, nous comprendrons certainement mieux le sens de ce verset : « Annoncer Ta bonté dès le matin, et Ta bienveillance pendant les nuits » (Téhilim 92, 3). Ce chapitre des Psaumes traite d’un thème délicat, auquel nous sommes fréquemment confrontés : « Lorsque les méchants croissent comme l’herbe, et que fleurissent tous les artisans d’iniquité… »
On entend souvent des gens souhaiter que les fauteurs soient punis sur-le-champ, et les trompeurs aussitôt mis à jour. Mais dans la réalité, les faits sont bien différents : les punitions et les récompenses divines ne sont pas toujours instantanées, et les personnes dont la foi n’est pas ferme sont souvent déstabilisées par cette situation. C’est la raison pour laquelle ce verset des Psaumes affirme que la émouna vécue pendant le jour – lorsque les conséquences de nos actes sont simultanées – diffère de celle ressentie pendant la nuit – période d’obscurité et de Hester Panim [voilement de la Face]. Alors que la première est perçue de manière claire et évidente, la seconde réclame d’être nettement plus puissante, autrement qu’une simple foi superficielle.
Les Cieux racontent
Croire en D.ieu est une vérité élémentaire. Tout homme sensé, même s’il n’est pas doté d’une intelligence particulière, peut – et donc doit – acquérir cette certitude, pour peu qu’il soit lucide et équilibré. Voici ce qu’écrit le ‘Hazon Ich à ce sujet, au début du Emouna OuBita’hon : « La disposition de la foi est une subtile oscillation de l’âme. Lorsqu’un homme de valeur, connaissant un moment de sérénité et libre des tentations dévorantes, observe les hauteurs du ciel et la profondeur de la terre, ne peut qu’être ému et ébahi en découvrant le monde comme une énigme impossible… »
A la lecture de ces lignes, on ne manquera pas de s’étonner : quel lien existe-t-il entre la émouna et le fait d’être « libre des tentations dévorantes » ? Pourquoi la croyance en D.ieu exigerait-elle que le cœur soit libre de ce genre de désirs ?
La réponse est que la foi en D.ieu est une réalité élémentaire évidente, que tout homme doté d’un minimum de facultés intellectuelles peut découvrir. Tant et si bien que le roi David clame : « Les Cieux racontent la gloire de D.ieu, le firmament proclame l’œuvre de Ses mains » (19, 2) – sans qu’aucune explication ne s’impose, chacun peut voir comment la création entière proclame l’existence du Créateur. Et nulle personne sensée ne peut concevoir qu’un monde aussi complexe et composé puisse s’être créé de lui-même. Or précisément, dans la mesure où la foi en D.ieu est si manifeste, comment se fait-il que tant de personnes au monde n’y adhère pas comme une évidence ?
La réponse apparaît dans les quelques lignes citées plus haut au nom du ‘Hazon Ich : le problème de ces gens est qu’ils ne sont pas « libres des tentations dévorantes ». Ce principe implique deux idées essentielles : tout d’abord, cela signifie que lorsqu’un homme agit mal, il est enchaîné par l’influence de ses fautes. Celles-ci créent dans son esprit une espèce de muraille, qui l’empêche de réfléchir de manière saine et équilibrée. Tant et si bien qu’en fin de compte, les conclusions les plus évidentes peuvent lui échapper.
Un exemple de ce genre de phénomènes apparaît dans la parachat Balak. La Torah relate que l’ânesse de Bilam vit apparaître un ange, tenant entre ses mains une épée aiguisée, et elle dévia donc de sa route. Quant au sinistre prophète, ignorant qu’un ange se tenait devant lui, il se mit à frapper sa bête. Lorsque plus tard, l’ange se révéla à lui, Bilam s’excusa en ces termes : « J’ai péché parce que je ne savais pas que tu étais posté devant moi » (Bamidbar 22, 34). A ce sujet, le Akédat Its’hak s’interroge : comment comprendre qu’une ânesse voie ce que le prophète ne parvint pas à percevoir ? La réponse apparaît dans les mots de Bilam lui-même : « J’ai péché… » et c’est la raison pour laquelle « je ne savais pas que tu étais là… » Autrement dit, ses fautes avaient façonnées entre son intellect et sa perception un écran infranchissable.
Le deuxième point expliquant le rapport entre les fautes et la perception du Divin est le suivant : D.ieu créa l’homme d’une manière telle que même sa vision des choses et ses conceptions intellectuelles dépendent en grande partie de ses désirs. A cet égard, la Torah interdit les pots-de-vin avec la plus grande fermeté, en expliquant que « la corruption aveugle le regard des sages » (Chémot 23, 8). C’est-à-dire que même des personnes dotées d’une grande intelligence peuvent commettre des erreurs élémentaires, si un intérêt égoïste s’immisce dans leurs réflexions. Dans les tréfonds de la psychologie humaine, résident des tendances extrêmement sensibles, qui s’efforcent d’écarter de leur chemin toute situation pouvant contredire les besoins et les intérêts de l’homme. Et lorsque l’intellect s’oppose à elles, elles n’hésitent pas à corrompre son jugement pour arriver à leurs fins.
Par Yonathan Bendennnoune, adapté à partir d’un article du rav Moché Reiss, pour Hamodia en hébreu