L’une des spécificités les plus marquantes de la fête de Chavouot est assurément sa durée, qui se résume à un seul jour, tout au plus deux à l’extérieur d’Israël. En outre, contrairement à Pessa’h et à Souccot qui regorgent de mitsvot, Chavouot est quant à elle une fête dépouillée de mitsva particulière.
D’après le Kéddouchat Halévi, c’est pour cette raison que nos Sages appellent couramment Chavouot du nom de « Atséret » – littéralement « l’interruption » – dans la mesure où la seule particularité de ce jour est le chômage et l’interruption de tous travaux.
Paradoxalement, les préparatifs pour cette fête sont les plus longs que l’on connaisse. Outre le fait que la Torah ait imposé trois jours de « distance » avant le Don de la Torah, nous savons que la raison essentielle de la sortie d’Egypte fut précisément d’atteindre cet objectif. C’est d’ailleurs pour cette raison que selon nos maîtres, nous devons compter les jours dès le lendemain de Pessa’h, en prévision de la venue de cette grande date.
En ce jour, ils vinrent dans le désert
En vérité, la Révélation du mont Sinaï ne constitue pas seulement un événement historique, appartenant à un lointain passé. Les grands auteurs de notre tradition notent que l’expression : « Le jour du Don de notre Torah », par laquelle on désigne Chavouot dans nos prières, signifie que chaque année, à cette même date, nous avons la capacité de recevoir à nouveau la Torah.
Cette idée apparaît notamment dans le « Avodat Israël » (sur Chavouot). Sur le verset : « En ce jour, ils vinrent dans le désert du Sinaï » (chémot 19, 1), nos Sages rapportent l’exégèse suivante : « Que les paroles de la Torah soient nouvelles à tes yeux, comme si elles avaient été données le jour-même ».
Le Maguid de Koznitz poursuivait cette pensée en ces termes : « Il me semble qu’à chaque nouvelle année de l’existence, le même événement qui se produisit alors ressurgit. Par exemple, à Pessa’h, les enfants d’Israël sortirent d’Egypte : chaque année, de nouvelles âmes du peuple juif sortent d’Egypte. Par conséquent, en ce mois de Sivan où les enfants d’Israël se rendirent au pied du mont Sinaï, ils retrouvent chaque année cette possibilité de se rapprocher du Saint béni soit-Il et de recevoir la Torah… ».
Un héritage pour l’assemblée de Yaacov
Le Sfat Emet révèle un autre aspect remarquable de cette fête. D’après lui, à chaque fête de Chavouot, on envoie depuis le Ciel un souffle de Torah pour chaque Juif, pour toute l’année à venir. A cet égard, chacun doit se préparer convenablement à recevoir cette nouvelle inspiration de sainteté. Voici ses propres mots : « A chaque Chavouot, la fête du Don de la Torah, les enfants d’Israël reçoivent toutes les idées innovantes dans l’étude, qui vont être découvertes durant l’année à venir (…) Ce renouveau dépend de la préparation que chacun aura manifestée, et c’est en ce sens que nos Sages disent : ‘Conditionne-toi pour étudier la Torah, car elle n’est pas un héritage’ ».
Ces derniers mots font référence à un enseignement des Pirké Avot (2, 12), cité au nom de Rabbi Yossi, dans lequel on apprend que l’acquisition de la Torah ne se fait pas comme tout autre bien dont on peut hériter. Un héritage ne requiert en effet aucun effort de la part du bénéficiaire, car celui-ci peut lui échoir même s’il en est inconscient. Comme la Torah n’est pas un héritage, il en résulte donc qu’elle ne peut s’acquérir qu’au prix d’efforts importants et d’une préparation adéquate.
Mais de prime abord, il semblerait qu’un verset explicite contredise cet enseignement. Il est écrit en effet : « C’est pour nous qu’Il dicta une Torah à Moché, elle restera l’héritage de la communauté de Yaacov » (Dévarim 33, 4). Cette question, relevée par les commentateurs, semble en effet pertinente : n’est-il pas souligné dans ce verset que la Torah est un héritage ?
Le Sfat Emet y répond en expliquant qu’il existe deux qualités de Torah. Il y a une Torah présente dans l’âme de chaque Juif, et c’est elle qui est un héritage pour la communauté de Yaacov. Mais l’aspiration de chacun doit être de faire jaillir cette Torah dans toutes les fibres de son être, jusqu’à ce que son entière personnalité en soit inondée. D’ailleurs, nos Sages interprètent l’expression du verset « moracha » [héritage] comme s’il était dit : « méorassa » [fiancée], pour dire que les liens qui unissent l’homme à la Torah sont semblables à ceux du mariage. Et de la même manière que dans le domaine matrimonial, la halakha stipule que « l’épouse est considérée comme le corps même de son mari », ainsi l’homme doit s’attacher à la Torah au point qu’elle devienne une part intégrante de son corps.
Dans le même ordre d’idées, le Bet Israël disait que c’est seulement en exploitant convenablement la part d’héritage de la Torah que chaque Juif porte en soi, qu’il sera ensuite en mesure de l’acquérir convenablement, de ses propres forces.Par Yonathan Bendennnoune, en partenariat avec Hamodia.fr