L’histoire débute à l’automne 2007, non loin de la colonie juive de Kiryat Arba. Des militants anarchistes israéliens découvrent que des colons ont installé une tente sur un terrain appartenant à une importante famille arabe de la ville, les Jabari. Il s’agit en fait d’une synagogue de toile dans laquelle se réunissent pour prier une poignée de juifs de Hévron et de Kyriat Arba.

Les anarchistes proposent au propriétaire du terrain, le Cheikh Abou-Khader Jabari, une personnalité unanimement respectée par les Palestiniens, de raser cet oratoire de fortune au moyen d’un bulldozer. La réponse du dignitaire musulman ne se fait pas attendre : pas question de toucher à la synagogue.
« Je n’ai pas beaucoup hésité avant de prendre cette décision, confie le Cheikh Jabari. D’abord parce qu’une synagogue est un lieu sacré, une maison de D.ieu. L’Islam nous oblige à respecter tous les lieux de cultes, qu’ils soient musulmans, chrétiens ou juifs. Ensuite, j’ai immédiatement compris que si on touchait à cette synagogue cela déclencherait la colère des Juifs qui pourraient être tentés de se venger sur une mosquée, peut-être même sur Al-Aksa, qui sait ? Alors j’ai ordonné aux anarchistes de laisser cette synagogue en paix ».
L’histoire n’a pas tardé à arriver aux oreilles des colons de Hévron et de Kyriat Arba. Réunis en conseil municipal, les Juifs ont fait parvenir un message au Cheikh Jabari. Après l’avoir chaleureusement salué sa générosité et sa tolérance, ils lui ont demandé comment ils pouvaient le remercier de ce geste inattendu.
« Je n’ai pas préservé la synagogue dans le but d’obtenir les faveurs des colons, assure le Cheikh Jabari. Mais puisqu’ils venaient vers moi, je leur ai répondu que le plus beau cadeau qu’ils puissent me faire, c’est de faciliter la vie des Palestiniens habitant autour du quartier juif. Les restrictions de circulation qui leur sont imposées sont insupportables ».
[…] « Nous ne vous considérons pas comme des colons mais comme des résidants. Hévron est votre ville tout comme elle est notre ville », dit aux Juifs le cheikh Jabari. « Mieux vaut un bon voisin qu’un frère lointain », lance un colon, faisant allusion avec cette citation du Talmud aux anarchistes.  Par Laly Derai, avec la participation de Hamodia.fr
(Extrait du livre de Stéphane Amar, Les meilleurs ennemis du monde, publié aux éditions Denoël)