Les plus hautes autorités rabbiniques de France, toutes sensibilités confondues, se sont rassemblées jeudi 24 juin, devant la synagogue Ha’hida, dans le XVIe arrondissement, pour participer à l’exceptionnelle » lévaya » des sept Sifré Torah brûlés dans l’incendie accidentel de la synagogue, une semaine plus tôt. Dans leurs interventions, les rabbanim ont tenté d’expliquer la signification spirituelle de ce drame. On vient de poser les sept sifré Torah enveloppés de draps blancs semblables à des linceuls sur les tréteaux dressés devant la synagogue incendiée. Tout autour, une foule compacte de plus de 300 personnes récite des téhilim. Dans un instant, choqués et émus, ces fidèles vont entendre les douloureux divré Torah prononcés par certains des plus grands rabbanim français venus participer à cet événement à la fois triste et hors norme : la lévaya des sept sifré torah brûlés, le jeudi 17 juin dans le aron Hakodech de la synagogue Ha’hida, dans le 16e arrondissement de Paris. Le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, son prédécesseur, le rav Yossef ‘Haïm Sitruk, le grand rabbin de Paris, David Messas ainsi que le président des Consistoires, Joël Mergui sont présents. Mais on reconnaît également plusieurs chefs de file du monde orthodoxe parisien comme le rav Mordé’haï Rottenberg, le rav Its’hak Katz, le rav Yossef David Frankfurter et le rav Mendy Azimov, tous réunis dans cette circonstance exceptionnelle et malheureuse. La cérémonie, très poignante a été marquée par la récitation du Kabalat Ol Mal’hout; des treize midot, et par la sonnerie du Chofar réalisée par le rav Katz, chlita, roch yéchivat Yad Mordé’haï. Prenant la parole au nom du rav Katz, le rav Éliahou Uzan a rappelé l’autodafé du Talmud à Paris en 1242 qui est intervenu…à la veille du chabbat ‘Houkat et il a appelé au développement de l’étude de la » Torah orale » en France. Dans l’assistance, qui dans sa très grande majorité avait respecté la consigne de jeûne décrété par les rabbanim, beaucoup ne purent alors retenir leurs larmes. Une émotion dont le grand rabbin Bernheim s’est fait l’écho dans son discours. « Pour nous, ces Sifré Torah sont comme des corps d’enfants recouverts de draps. C’est un peu nos enfants qu’on enterre aujourd’hui ». Dans son intervention le grand rabbin Sitruk a lui aussi rappelé l’autodafé du Talmud à Paris. Quant à Joël Mergui, il a voulu insister sur la présence de sommités rabbiniques venues de tous horizons pour se recueillir ensemble devant ces Sifré Torah détruits. Il a profité de l’occasion pour lancer un message d’unité en direction des diverses composantes de la communauté juive. Puis, les Sifré Torah ont été introduits dans un véhicule qui les transporta jusqu’au cimetière juif de Versailles où ils ont été mis en terre devant quelques dizaines de personnes, pour la plupart des membres de la synagogue, dans une » gueniza « , préparée grâce au dévouement du rav Betsalel Lévy. Le rav Mordé’haï Rottenberg, chlita, grand rabbin de la communauté orthodoxe de la rue Pavée, qui mène un combat de longue haleine pour imposer des normes hala’hiques strictes concernant les sépultures juives et la gueniza, avait tenu à assister à la mise en terre des Séfarim. Trois jours plus tard, le rav Shlomo Azran, rabbin de la communauté Ha’hida en était encore bouleversé : « Il ne s’agit pas de moi évidemment, ni même de ma communauté, mais de tous les Juifs de France, de tout le klal Israël », confiait-il, très marqué. « Les pertes financières, les dégâts, tout ça n’est pas important. À l’approche du 17 Tamouz et du début des trois semaines de deuil de ben hametzarim, le message qui nous est adressé, à travers cette catastrophe, n’est pas matériel mais spirituel ». Et de conclure : « Ce ne sont pas seulement sept Sifré Torah qui ont été ravagés par les flammes : ce sont nos âmes qui ont brûlé ! Ce qui s’est passé ce jour là… Il est un peu après 18h00, ce jeudi 17 juin, lorsque le téléphone du rabbin Bétsalel Lévy sonne à son domicile de Sarcelles. À l’autre bout du fil, le centre de commandement de la Brigade des Sapeurs Pompiers de Paris (BSPP) dont il est aumônier, lui annonce qu’un incendie est en train de ravager la synagogue Ha’hida située au 188 avenue Victor Hugo, dans le 16e arrondissement de Paris. Lorsqu’il arrive sur les lieux, le rav de la synagogue, rav Shlomo Azran a déjà tenté d’éteindre le feu qui s’est déclenché près du aron Hakodech. En vain. Equipé de son casque et de sa tenue d’intervention, le rav Lévy est autorisé à franchir les barrières installées pour éloigner la foule du lieu du sinistre : « Prévenus par le rav Azran et des membres de la communauté, les sapeurs pompiers avaient regroupé les Sifré Torah avec précaution. Dans ce chaos, j’ai très vite vu qu’ils avaient énormément soufferts », témoigne-t-il après avoir constaté qu’outre le aron entièrement détruit, le reste de la synagogue avait été relativement épargné. Un sinistre dont l’origine semble accidentelle, probablement un court-circuit électrique, comme devra le déterminer l’enquête menée par la police judiciaire. Devant l’ampleur des dégâts, le rabbin Lévy appelle alors en renfort le rabbin Pierre-Yves Bauer, aumônier général de l’armée de Terre, dont dépendent les pompiers parisiens. Dans l’obscurité et les émanations de gaz carboniques, les deux hommes fouillent alors les décombres à la lueur de leurs lampes de poches pour récupérer ce qui peut l’être des objets de culte. Durant plus de trois heures, ils ratissent les cendres pour en extraire des lambeaux de Sifré Torah et de livres de prières brûlés dont ils remplissent plusieurs sacs en plastique. Un travail identique à celui de ces volontaires qui après un attentat s’assurent que tous les restes des victimes juives soient enterrés. « Quelle tristesse un Sefer qui brûle… », témoigne le rav Bauer qui raconte que la vue d’une braise encore ardente dans le he’hal de la synagogue lui a fait penser « à la destruction du Bet Hamikdach ».
Serge Golan
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