Derrière un imposant mur de pierres, il y a ces allées ombragées et ces tombes éparpillées, parfois à peine visibles. Jo Amar, le président de l'association cultuelle israélite pousse le lourd portail latéral du cimetière israélite dans un brouhaha dominical insolite devant pareil lieu de recueillement. Hier, plus d'une trentaine de personnes se sont pressées à la première visite du cimetière juif organisée par la Communauté d'agglomération Ventoux-Comtat-Venaissin.

Jamais les lieux n'avaient encore accueilli le public. Jusqu'alors, seules les familles appartenant à la communauté juive pouvaient pénétrer dans l'enceinte. Un peu avant le début de cette visite exceptionnelle, Isabelle Martres, la guide-conférencière, a dû refuser du monde et donner ses ultimes conseils aux invités : "Restez groupés, ni film vidéo, ni enregistrement!"

À l'abri de l'immense pinède, le groupe découvre le parc étendu sur près de trois hectares dans une atmosphère pleine de quiétude, tout juste perturbée par le grincement des branches. "Le cimetière a toujours appartenu à la communauté, explique la guide. En 1996, un acte effectué chez un notaire lui a permis de le posséder officiellement".

Au fil de son parcours, Isabelle Martres cite les dates les plus importantes de l'histoire de la communauté: 1343, l'évêque Hugues accorde aux juifs d'avoir un cimetière hors de la ville; 1367: la communauté obtient l'autorisation de bâtir une synagogue; 1625, un édit d'Urbain V stipule que les tombes ne doivent mentionner aucune inscription. …Les visiteurs remontent le temps jusqu'en 2007, date à laquelle le cimetière juif a été classé aux Monuments historiques.

Dans l'allée centrale, le dépositoire se dresse face aux visiteurs. La guide en profite pour donner des explications sur les rites funéraires, avant de conduire le groupe devant les deux ghezina. Datant du XIXe siècle, ces tombeaux renferment des objets de culte. La découverte se poursuit au nord du cimetière avec les tombes dont certains portent des noms illustres: Henriette Dreyfus, la soeur du capitaine Dreyfus. Des noms languedociens : Carcassonne, Valabrègue, Lunel. Et d'autres, simplement apposés sur des stèles, en mémoire des martyres de la barbarie nazie.

Des colonnes aussi tronquées pour les personnes disparues en bas âge… Pas de fleurs, mais ces cailloux posés sur les tombes témoignant du souvenir perpétuel. La partie du cimetière la plus au sud, nous ne la verrons pas. Sous l'herbe pourraient se cacher des sépultures remontant au XVIII e siècle qui n'ont pas été mises au jour.

"On ne marche pas sur les tombes, précise Jo Amar. Maintenant que les lieux sont classés, nous allons, peut-être, réaliser des fouilles. Mais tout va dépendre de la Drac". À l'issue de cette visite très encadrée, le président de l'association cultuelle israélite était satisfait d'avoir ouvert ses portes pour la première fois aux visiteurs afin de donner des clés d'analyse sur la communauté juive et redonner, vingt ans après sa profanation, toute sa place, au cimetière dans la cité. 

Mélanie FERHALLAD  
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