Après près de 3 000 circoncisions, le rav Goldberg est la première victime de l’offensive « allemande » contre la Brit-mila. Et désormais, le monde juif se mobilise pour obliger Berlin à protéger la liberté de culte.

Le rav David Goldberg sera-t-il un jour traduit devant un tribunal allemand ? À 64 ans, ce mohel réputé originaire de Jérusalem est en effet la première « victime » de l’offensive contre la Brit-mila déclenchée en Allemagne. Après avoir pratiqué près de 3 000 circoncisions en 40 ans d’activité, le sort du rabbin de la ville de Hof Saale, dans l’est de la Bavière, à la frontière autrichienne, est déjà devenu un symbole : celui du droit pour les minorités religieuses – juives et musulmanes – de pratiquer librement leur culte en Allemagne.

Le rav Goldberg fait en effet l’objet d’une plainte déposée au parquet de Hof par un jeune médecin allemand. Ce dernier, Sébastian Guevara Kamm, accuse le mohel d’avoir provoqué « une sérieuse et irréversible atteinte à l’intégrité physique » d’un nouveau-né récemment circoncis. Assurant n’avoir pour seule motivation le « bien-être des enfants », il récuse d’avance les accusions d’antisémitisme qui pourraient lui être adressées. « C’est le réflexe habituel », balaie-t-il.
Les adversaires de la Brit-mila n’ont en tout cas pas perdu de temps, quelques semaines à peine après le coup de semonce tiré par un tribunal de Cologne. Saisi du cas d'un garçon musulman de quatre ans victime de complications médicales après une circoncision, l'instance avait en effet déclaré que cette pratique constituait une atteinte à l'intégrité physique. S’engouffrant dans la brèche, l'Association médicale allemande – travaillée par le lobby des adversaires de la circoncision – avait alors recommandé aux médecins de cesser de pratiquer la circoncision religieuse en attendant une clarification de la loi allemande.

L’affaire avait provoqué un réel embarras dans un pays qui – plus que tout autre – ne veut être accusé de porter atteinte à la liberté de culte, à plus forte raison lorsque la communauté juive est concernée. La chancelière allemande Angela Merkel avait, elle-même, multiplié les appels en direction des membres de sa coalition pour qu’une loi protégeant la circoncision rituelle soit adoptée au Parlement. « Nous allons passer pour une nation de guignols », avait résumé crûment Angela Merkel. Quant au ministre des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, il a estimé la semaine dernière que « les traditions juives et musulmanes doivent être pratiquées sans incertitude légale », ne cachant pas son inquiétude pour la réputation de son pays.

La contre-offensive du monde juif
Sa crainte serait-elle en train de se réaliser ? L’Allemagne se retrouve en tout cas depuis quelques jours sous le feu des critiques des autorités juives de diaspora et d’Israël. L’heure n’est plus à la relative discrétion observée dans les temps, afin de laisser le temps aux autorités de Berlin le temps de mettre fin immédiatement à l’offensive contre la Brit-mila. Et pour cause : la campagne s’étend déjà à l’Autriche et à la Suisse. Tout au plus, le Conseil d’éthique allemand, qui a planché sur la question, s’est-il contenté d’apporter un soutien mesuré à la circoncision. Selon les médias allemands, il s’apprêterait en effet à recommander que l’acte soit pratiqué sous anesthésie et par du personnel formé médicalement.

La contre-offensive est donc en train de s’organiser. Pour l’instant, c’est sans doute du grand rabbin de Tel-Aviv, rav Israël Méïr Lau, qu’est parti le coup le plus dur pour les consciences d’outre-Rhin. « C’est une chose étonnante que de voir les Allemands sensibles aux cris d’un bébé… Je n’ai pas eu cette expérience dans mon enfance », a lâché le rav qui, on le sait a été le plus jeune rescapé du camp de Buchenwald, au micro de la radio israélienne Kol 'haï, avant de prévenir que les Juifs pourraient à nouveau être amenés à quitter le pays si cette situation perdurait.
Autre autorité morale internationalement respectée, le président Shimon Pérès qui s’est adressé directement à son homologue allemand, Joachim Gauk afin de lui rappeler que « la circoncision constitue un élément central de l’identité du peuple juif depuis des millénaires ». Le ministre israélien de l’Intérieur, Élie Ichaï a également appelé Berlin à prendre des mesures pour protéger la Brit-mila. Le grand rabbin ashkénaze d’Israël, Yona Metzger, a pour sa part offert une porte de sortie « honorable » aux autorités allemandes en proposant que les mohel suivent une formation médicale.

« Offense à la liberté religieuse »
Du côté du judaïsme européen, la Conférence des rabbins européens a pris l’affaire en main, annonçant avoir reçu l’engagement de plusieurs riches hommes d’affaires de prendre en charge les éventuels frais de justice du rav David Goldberg. « Ce nouveau développement est une nouvelle offense grave à la liberté religieuse et souligne qu'il est urgent que le gouvernement allemand accélère le processus visant à assurer la protection des droits fondamentaux des minorités », a accusé le président du CER, rav Pin’has Goldschmidt. Un appel auquel a répondu le ministère de la Justice allemand, dont le porte-parole assurait semaine dernière qu’un projet de loi serait présenté dans les prochains jours au Bundestag, le parlement fédéral.
En attendant, le rav David Goldberg semble bien décidé à ne pas se laisser intimider. Le mohel de Hof Saale a annoncé qu’il continuerait à pratiquer des Brit-milot, comme il le fait depuis près d’un demi-siècle. Par Serge Golan,Hamodia.fr