Quand tu feras monter [tu allumeras] les lumières vers le vis-à-vis de la face de la Menora. (8, 2)

Pourquoi le chapitre relatif à la Menora suit-il directement la description des offrandes apportées par les phylarques lors de l’inauguration du Tabernacle ? Rachi répond, citant le Midrach : « Aharon, ayant assisté à l’inauguration par les princes, a été affligé de n’avoir pas été alors avec eux, ni lui, ni sa tribu. Le Saint béni soit-Il lui a dit : ?Par ta vie ! Ta part est plus grande que la leur, car c’est toi qui allumeras et entretiendras les lumières !? »

Pourquoi Aharon a-t-il été ainsi affecté ? Sa dignité n’était-elle pas considérablement supérieure à celle des phylarques ? N’était-ce pas lui qui avait été choisi comme « grand prêtre », pour accomplir le service dans le Sanctuaire, et le seul autorisé à s’introduire dans le Saint des saints ? En quoi le fait de n’avoir pas apporté d’offrande inaugurale était-il pour lui une cause de souffrance ?
Rav Ye?hezqel Levinstein, le Machguia?h de Ponevezh, nous livre l’explication suivante :\r\nNos Sages affirment (Berakhoth 40a) : « Ce qui est plein peut contenir, mais ce qui est vide ne contient pas. » Plus un homme est plein et foisonnant de mitswoth, plus il s’est élevé, plus également il s’emplit du sentiment qu’il est imparfait et est en manque spirituel, et plus se renforce en lui la volonté d’acquérir encore des points positifs ? comme il est écrit Qohéleth (6, 5) : « Et l’âme ne sera pas remplie ». Par nature, elle ne sera jamais comblée, ni satisfaite.
Le Talmud affirme de surcroît : « Les Sages ne connaissent pas de repos ? Rachi : ?[Occupés qu’ils sont à se rendre] d’une yechiva à une autre, d’une étude à la suivante?? ? ni en ce monde, ni dans celui à Venir, ainsi qu’il est écrit (Tehilim 84, 8) : ?Ils marchent de succès en succès?? » L’homme ne séjourne pas ici-bas pour connaître la satiété et le repos. Plus son âme se remplit ? plus elle ressent douloureusement le moindre vide et cherche à le combler.
En revanche, l’être frivole et vide se sent « repu », précisément lui, et n’éprouve aucun besoin de combler ce qui lui fait défaut. Son âme a beau être « vacante », il ne se fatiguera pas pour autant à s’affairer à des actes édifiants et aux mitswoth. Il a même plutôt tendance à les mépriser. Pire encore : si l’occasion se présente d’accomplir une mitswa qu’il pourrait réaliser facilement, il la repousse dédaigneusement en invoquant maints prétextes.
Aharon avait acquis des qualités sublimes et s’était hissé à un niveau spirituel extraordinaire, ce qui lui avait valu d’être désigné pour exercer la grande prêtrise. Mais il n’était pas pour autant satisfait de sa personne. Bien au contraire, il ne l’a jamais été ! Car celui qui aspire à l’intégrité est toujours en quête de mieux-faire et de nouvelles acquisitions spirituelles. Voilà pourquoi Aharon a été profondément affligé par le fait que ni lui ni sa tribu n’avaient été avec les phylarques, quand ceux-ci avaient apporté leurs offrandes inaugurales. Il en a été si attristé que le Saint béni soit-Il l’a consolé : « Ta mission est plus grande que la leur ! » Tu es destiné à un honneur plus important, puisque tu allumeras et entretiendras les lampes de la Menora !\r\n

Quand tu feras monter [tu allumeras] les lumières, vers le vis-à-vis de la face de la Menora éclaireront les sept lumières. (8, 2)

Nous lisons dans le Midrach (Bamidbar Rabba 15, 6) : « Les sacrifices sont offerts aussi longtemps que le Temple est en place. Mais les lumières, à jamais elles éclaireront vers le vis-à-vis de la face de la Menora. »
Le Sefath Emeth nous explique cet enseignement à la lumière d’un passage talmudique (Chabbath 10a) : Rava remarqua un jour que Rav Hamnona prenait beaucoup de temps pour sa prière. Or, à ses yeux, la mitswa de l’étude était si primordiale qu’il fallait veiller à ne pas consacrer trop de temps aux autres activités, y compris la prière. Il déclara alors : « En voici qui s’occupent de ce qui est passager [la tefila, en l’occurrence], au détriment de ce qui est éternel [l’étude de la Tora] ! »
Les sacrifices avaient cours uniquement quand le Temple était en place. Depuis la destruction de celui-ci, nous les remplaçons par la prière qui, de ce fait, est qualifiée de « passagère ».
En contraste, la Menora, par la lumière qu’elle diffuse, symbolise la Tora ? « car la mitswa est un flambeau, et la Tora est lumière » (Michlei 6, 23) ? que nous avons reçue pour l’éternité, et que nous conservons, même sans Beith Miqdach. Car, selon l’affirmation du Midrach, « les lumières éclaireront à jamais?»