Tirant les leçons du boycott populaire de ses produits et en particulier du fromage " Cottage ", le consortium laitier Tnouva a annoncé le 29 juin qu’il réduisait de 5,20 à 4,55 shekels les prix de gros des pots de 250 g du cottage.
De facto, le prix de ce fromage qui a été au cœur d'une vague de protestation en Israël ne pourra pas dépasser 5,90 shekels à la vente aux particuliers. Tnouva s’est également engagée à ne pas augmenter ses tarifs jusqu’à la fin de l’année.
Beau joueur, le président de Tnouva a déclaré que « les consommateurs israéliens ont dit ce qu’ils avaient à dire et ont démontré leur capacité à provoquer un changement sans précédent dans le pays. Nous avons été surpris par l’effet de masse et par l’émotion collective. Mais si le " Cottage " est devenu le symbole des frustrations causées par la hausse du coût de la vie, il faut savoir que celle-ci est un phénomène mondial, qui requiert de nouveaux outils de régulation. Tout au long de la chaîne de production, il faut désormais que chacun – éleveurs, laiteries, grossistes, distributeurs et même l’État – fasse un effort pour stabiliser les coûts. »
Baisser la TVA ne suffira pas
Message reçu par le ministre de l’Industrie, du Commerce et du Travail Chalom Simhon qui a approuvé une proposition des professionnels de réduire la TVA sur les produits alimentaires en 2012. « Cette taxe devrait être réduite de 50 %, ce qui profiterait aux familles les plus défavorisées et réduirait les prix de 7 à 10 %. » Sur ce point, certains experts se montrent plutôt réservés, avançant que la cherté de la vie en Israël s’explique par des impôts indirects trop lourds : il faudrait compléter cette mesure par une hausse de la fiscalité directe (impopulaire !) ou une baisse d’autres produits indispensables, comme les télécommunications.
Tous les produits passés au scanner
Quoi qu’il en soit, la contestation des consommateurs ne s’est pas limitée à la seule remise en question des prix du cottage : grâce à des journalistes économiques israéliens entreprenant, de nombreux prix de produits et de montants de services ont été l’objet d’études comparatives.
Le résultat de ces enquêtes est éloquent. Alors que le salaire moyen israélien (environ 9 000 shekels) est de 25 à 30 % inférieur à celui constaté en Europe ou aux États-Unis, tout en Israël est plus cher, et notamment les carburants, la téléphonie mobile, les études universitaires, l’accession à la propriété. Sont jugés particulièrement exorbitants : les taxes qui frappent l’importation de véhicules neufs et le renouvellement annuel de la carte grise. D’autres pratiques douteuses ont également été révélées : ainsi la société Strauss – concurrente de Tnouva – a été épinglée pour avoir camouflé une augmentation de prix en changeant simplement le code-barres des produits ou leur emballage.
La « révolution du cottage » aura-t-elle une incidence sur le coût de la vie ? Rien n’est moins sûr. D’autres produits de grande consommation continuent à afficher des prix sans commune mesure avec leur prix de revient.
Simple sursaut de la classe moyenne ?
Par ailleurs, la mobilisation contre Tnouva n’a pas été aussi générale qu’on le croit. Certains commentateurs remarquent que les couches les plus défavorisées sont restées à l’écart du mouvement. « Il s’agit simplement d’une révolte de la classe moyenne contre les pratiques du capitalisme sauvage… » dont l’une des pratiques est de rechercher le profit à tout prix. Effectivement, obéissant à cette logique de profit, c’est la société de conseil McKinsey qui encouragea à l’origine, Tnouva à augmenter les prix du " Cottage ", avançant que « les Israéliens ne peuvent plus s’en passer. Ils l’achèteront quel qu’en soit le prix. »
D’autres se demandent « pourquoi des hausses bien plus spectaculaires, comme celle des carburants ou de l’immobilier n’ont pas provoqué une pareille mobilisation ? » Et de conclure : « On a trop tendance à réduire l’économie d’Israël à ses compétences en hautes technologies. Sociologiquement, dans le monde occidental, notre pays est – avec les États-Unis – celui où l’écart entre les revenus est le plus grand. »
Quoi qu’il en soit, alors que jusqu’à présent tous les mouvements de masse s'étaient produits à l’initiative des élus, c'est la première fois que l'on assiste à une mobilisation spontanée et collective non pas sur un problème politique, mais sur une question qui touche à la vie quotidienne. Quelque chose est donc en train de changer dans l’opinion publique israélienne.Par David Jortner,en partenariat avecc Hamodia.fr