Hachem parla à Moché après la mort des deux fils d’Aharon. (16, 1)
Citant le Midrach, Rachi commente ainsi ces premiers mots de la section A‘harei Moth: «Que nous apprennent-ils? Rabbi El‘azar ben ‘Azarya a comparé cela à un malade au chevet duquel arrive un médecin. Celui-ci lui dit: “Ne mange rien de froid, et ne te couche pas dans un lieu humide!” Vient un autre médecin, qui lui dit: “Ne mange rien de froid, et ne te couche pas dans un endroit humide, afin que tu ne meures pas comme est mort Untel!” Le second l’a mieux mis en garde que le premier. C’est pourquoi il est écrit: “après la mort des deux fils d’Aharon”.»
Or, Moché ne semble pas avoir été chargé d’avertir son frère aussi explicitement que le suggère cette allégorie. En effet, Hachem lui enjoint de parler à Aharon et de lui donner les instructions nécessaires «pour qu’il ne meure pas» (verset suivant), et non «pour qu’il ne meure pas comme sont morts ses deux fils». Les directives qu’il devait lui transmettre ressemblent ainsi plutôt à celles du premier praticien de la métaphore relatée par Rachi.
En réalité, explique Rav Yehonathan Eybeschuetz, Moché avait lui-même l’intention de s’adresser ainsi à son frère, de le mettre vivement en garde afin que, surtout, il ne lui arrive pas la même chose qu’à ses fils. Mais Hachem ne voulait pas lui rappeler cette tragédie afin de ne pas l’affliger. C’est pourquoi la Tora énonce: «… après la mort des deux fils d’Aharon […] Hachem dit à Moché: Parle à Aharon, ton frère […] pour qu’il ne meure pas» – sans plus – à la différence du médecin de la parabole.
Ces paroles étaient suffisamment claires, car Aharon pouvait comprendre de lui-même la gravité de ces lois et en déduire de quelle manière serait punie leur transgression.
Voilà pourquoi, l’injonction (verset suivant): «et qu’il ne vienne pas en tout temps dans le Sanctuaire…» est ainsi commentée par Rachi: «Pour qu’il ne meure pas comme sont morts ses fils».
Hachem parla à Moché après la mort des deux fils d’Aharon. (16, 1)
Le Talmud Yerouchalmi (Yoma 1, 1) présente une autre raison pour laquelle la Tora insiste ici sur le décès des deux fils d’Aharon:
«Pourquoi leur mort est-elle mentionnée en rapport avec le jour de Kippour [dont il est question dans ces versets, puisqu’ils énoncent les lois régissant l’entrée dans l’enceinte sacro-sainte du Sanctuaire, réservée au grand prêtre en ce seul jour de l’année]? Pour nous apprendre que, tout comme Yom Kippour procure le pardon à Israël, de même la mort des Justes est-elle propitiatoire pour Israël. Pourquoi l’Ecriture juxtapose-t-elle la mort de Miryam au chapitre concernant la vache rousse? Pour nous enseigner que, tout comme les cendres de la vache rousse procurent expiation à Israël, de même la mort des Justes procure-t-elle expiation à Israël…»
Ce double rapprochement présenté par le Talmud – dans la mesure où l’enseignement qu’il en retire semble exactement le même – n’est-il pas répétitif?
La mort des Justes procure certes l’expiation à Israël, explique le ‘Hatham Sofèr, mais ce sous une forme collective, et non pas individuelle. En d’autres termes, quand la balance de la Justice divine menace de se déséquilibrer sous le poids des péchés d’Israël, Hachem S’empare des vies de ses membres les plus vertueux, et procure ainsi la propitiation au peuple. Mais il arrive aussi que la mort des tsaddiqim procure le pardon à chaque individu d’Israël. Tel est le cas quand tout Juif ressent personnellement la disparition de cet être d’exception comme une perte douloureuse et irremplaçable qui frappe la génération entière.
Nous savons que les enfants d’Israël n’ont pas prononcé les éloges funèbres de Miryam selon l’honneur qui lui était dû. Au lieu de lui rendre leurs derniers devoirs, ils en sont même venus à pécher – dans l’épisode des eaux de Meriva – quand le puits qui les avait accompagnés par le mérite de cette prophétesse les a quittés (Yalqout Chim‘oni sur ‘Houqath). La mort de Miryam a donc procuré le pardon à Israël considéré dans sa généralité, mais elle n’a pas été une source d’expiation pour chacun de ses membres.
Voilà pourquoi nos Sages ont expliqué la juxtaposition de la mort de Miryam au chapitre de la vache rousse: «… tout comme les cendres de cette dernière procurent expiation, de même la mort des Justes procure-t-elle expiation…» En d’autres termes, la mort de Miryam tout comme la vache rousse procurent le pardon à Israël au niveau collectif, en tant qu’entité nationale.
En revanche, dans son récit de la mort de Nadav et Avihou, la Tora relate (supra 10, 6): «… et vos frères, toute la maison d’Israël, pleureront l’embrasement allumé par Hachem». Du fait que leur décès a profondément affecté tous les enfants d’Israël, elle a été un gage de pardon individuel pour chacun d’eux. C’est pourquoi nos Maîtres ont affirmé: «…Tout comme Yom Kippour procure le pardon à Israël, de même la mort des Justes est-elle propitiatoire pour Israël.» L’expiation opérée par la mort des deux fils d’Aharon n’était donc pas seulement collective. A l’instar du jour de Kippour, elle a procuré le pardon à chacun des enfants d’Israël.