« Mais comment un simple Juif peut-il montrer son amour pour D.ieu ? » Par trois fois, Avraham (Abe) Zelmanowitz, simple juif new-yorkais de 55 ans, avait posé cette question à son rav, lors du cours (sanctification du nom divin). Un cours donné durant le Chabbat Ki Tavo, le 8 septembre 2001.
Trois jours plus tard, mardi 11 septembre, Abe Zelmanowitz avait débuté la journée dans sa synagogue de Brooklyn où il avait prié à côté de son frère, Yankel. Mais au moment de se séparer, au lieu de lui serrer la main comme il en avait l’habitude, il lui avait donné une longue accolade.
Il était ensuite parti travailler. Informaticien, Abraham Zelmanowitz était employé depuis douze ans dans une société dont les bureaux étaient situés au 27e étage de la tour numéro 1 du World Trade Center. Comme tous les jours, il s’était assis dans son box, voisin de celui d’Ed Beyea, son collègue et ami. Tétraplégique depuis un accident de plongée, ce dernier se déplaçait à l’aide d’un lourd fauteuil électrique qu’il dirigeait du menton et était assisté en permanence par une infirmière. Entre les deux hommes, le Juif orthodoxe et le Chrétien, une solide relation s’était établie : ils aimaient discuter et jouer aux échecs. Et lorsque Ed était hospitalisé, ce qui arrivait régulièrement, Abe lui rendait systématiquement visite.
À 9h30, Yankel Zelmanowitz était fou d’inquiétude. Tout New York savait déjà qu’un avion venait de s’écraser « accidentellement » dans l’une des tours jumelles. Son téléphone avait alors sonné : à l’autre bout du fil, son frère l’avait rassuré. « Ne t’en fais pas, je suis avec Ed. Nous attendons de l’aide et nous pourrons évacuer la tour », avait expliqué Abe. Un peu rassuré, Yankel avait alors appelé sa femme pour lui annoncer la bonne nouvelle : « Il est vivant, il va s’en sortir ». Après tout, la première tour ne s’était pas encore écroulée et personne n’aurait pu imaginer la suite…
Le destin de Abraham Zelmanowitz avait pourtant été scellé quelques minutes plut tôt, lorsqu’il s’était porté volontaire pour rester avec Ed Beyea jusqu’à l’arrivée des pompiers. Faute de pouvoir utiliser les ascenseurs, il semblait en effet impossible de faire descendre son ami handicapé et tout son appareillage les 27 étages de l’immeuble. Tous leurs collègues avaient donc pris la fuite, y compris l’infirmière personnelle de Ed à laquelle Abraham venait d’expliquer qu’elle ferait mieux de rejoindre ses enfants. « Il était très calme. Il m’a dit que l’air était respirable et que tout irait bien », se souvient l’infirmière qui sera la dernière personne à l’avoir vu vivant. « Il ne voulait pas mourir, il voulait seulement aider ». Mais les secours n'arriveront pas et Avraham Zelmanowitz et son ami tétraplégique seront engloutis dans l'effondrement de la tour…
En sacrifiant sa vie plutôt que d’abandonner un collègue handicapé pris au piège dans l’une des tours du World Trade Center, Abe Zelmanowitz avait prouvé son amour pour l'Éternel et pour ses créatures. Il est ainsi entré au Panthéon des héros américains; en réalisant un Kiddouch Hachem d'exception.
Dans les jours qui ont suivi la catastrophe, l’histoire du sacrifice d’Abraham Zelmanowitz s'était répandue comme une trainée de poudre au sein de l’immense communauté juive new-yorkaise. C’est ainsi qu’elle a fini par arriver aux oreilles des conseillers de Georges Bush. En visite à Ground Zero, le président américain a publiquement salué « le courage » de ce Juif « qui a fait la fierté de l’Amérique » : « Abe n’était ni pompier, ni policier. C’était un type normal qui a choisi de ne pas abandonner son ami durant l’évacuation et qui a passé avec lui ses derniers moments. Son magnifique sacrifice est une source d’inspiration pour sa famille et sa communauté », avait-il déclaré.
Près d’un an après le drame, la police a indiqué qu'elle avait retrouvé le corps d’Abraham Zelmanowitz dans les décombres. En août 2002, il était finalement enterré à côté de ses parents à Jérusalem, au cimetière du mont des Oliviers. Une rue de Brooklyn porte depuis son nom…Par Serge Golan,en partenariat avec Hamodia.fr