La paracha Be’houkotaï (Vayikra, 27, 32-33) nous enseigne l’obligation de
prélever chaque année la dîme des animaux nés de l’année. Ces animaux
étaient présentés au Temple de Jérusalem en tant que sacrifices au titre de
« maasser behéma » – la dîme des animaux.
La viande de ces animaux offerts était
consommée par celui qui offrait cesacrifice
(« korban »), ainsi que par sa
famille et ses invités : étrangers, veuves, orphelins,
Léviim et gens nécessiteux.
Or, le Traité talmudique Be’horot (page 58/b)
décrit comment chaque berger devait procéder
pour désigner et marquer cette « dîme
des animaux » : après avoir rassemblé toutes
ses bêtes nées de l’année dans un enclos, il
les faisait circuler vers un deuxième enclos,
relié au premier par un étroit passage laissant
la place que pour une bête à la fois. Le
berger les comptait donc de un à neuf, puis,
au passage de la dixième bête, il marquait
sur son dos un signe à la peinture rouge.
Ainsi, elle était désignée pour être sacrifiée
au titre de la dîme des animaux. Quant aux
neuf bêtes qui avaient été comptées avant
elle, elles restaient en vie et continuaient à
paître paisiblement tous les jours. Le compte
recommençait ensuite pour les bêtes suivantes,
de un à neuf, et à nouveau, la dixième
bête était marquée de rouge sur son dos. Et
ainsi de suite, pour toutes les bêtes nées dans
l’année !
Rav Na’hman David Landynski zatsal, Roch
Yéchiva et fondateur de la célèbre yéchiva de
Gateshead (en Angleterre) posa à ce propos
la question suivante : pourquoi cette dixième
bête (ainsi que la vingtième et la trentième,
etc.) portant donc la marque rouge sur
son dos, n’allait-elle pas vite se tremper dans
le ruisseau voisin pour faire ainsi disparaître
cette marque distinctive qui la condamnait
à être sacrifiée ? Ne serait-ce pas là sa seule
chance de survie ? Or, le rav Landynski expliqua
qu’aucune bête ne voit pas la marque
qu’elle porte sur son dos : l’ignorant, elle
continue donc à paître paisiblement sans se
préoccuper de son sort – a priori peu enviable…
De la même manière
au Jugement
de Roch Hachana…
Or, la ressemblance entre la situation de cette
bête et la nôtre lorsque nous sommes jugés
à Roch Hachana est flagrante et saute aux
yeux ! Ainsi, passons-nous un par un devant
Hachem, comme ces moutons – ainsi que nous
le rappelons dans la célèbre prière « Ountané
tokef « rédigée par rabbi Amnon de Mayence.
Et nous aussi ignorons totalement ce qui nous
attend dans le courant de la nouvelle année !
Si nous savions que nous avons été jugés au
Ciel et marqués de rouge, il est évident que
nous nous plongerions rapidement dans un
grand bain de téchouva, espérant ainsi effacer
la marque de cet arrêt fatal. Mais à l’instar de
l’animal, nous ne connaissons pas du tout le
verdict qui pèse sur notre dos !!!
C’est toutefois notre propre instinct de survie
qui devrait nous faire découvrir l’urgence vitale
de faire téchouva !
Un jugement individuel… qui ne
saurait être superficiel !
Lorsqu’un jugement concerne une conduite
collective, l’enquête préalable au verdict
ne peut pas porter sur tous les détails des
faits à juger, et elle ne peut qu’aboutir à des
considérations globales qui se révèlent souvent
assez « atténuantes » pour chacun. Or,
rav Chimchon David Pinkus zatsal insiste
sur le fait qu’à Roch Hachana, notre jugement
est individuel et donc plus sévère !
Hachem veut que Son jugement soit précis
et complet, enrichi de tous les approfondissements
nécessaires et ne laissant évidemment
aucun détail dans l’ombre. Pour cela,
c’est donc de manière pleinement individuelle
que chacun comparaît devant Lui en
ce jour solennel.
De plus, dans le cas d’un procès individuel,
on ne peut guère se cacher derrière le dos
de quelqu’un… Chaque détail prend une dimension
qui focalise toutes les attentions
sur la personne en question. Et l’on découvre
ainsi toute l’importance de la responsabilité
personnelle ! Voilà pourquoi, ainsi dûment
prévenus, nous avons tout intérêt à prendre
notre élan vers une téchouva sincère… Rav
Pinkus zatsal illustre cette réflexion à l’aide
d’une parabole.
Un père se rend à la yéchiva où il a inscrit
son fils. Une fois sur place, il scrute en vain
de son regard tous les rangs du Bet Hamidrach
à la recherche de son fils, censé y
étudier avec vigueur et application… Mais
ne le voyant pas, il se renseigne et apprend
avec une profonde déception que son rejeton
n’aime pas beaucoup l’étude et qu’il est
allé… se promener ! Quelqu’un essaie alors
de le consoler en alléguant qu’il y a tout de
même un nombre impressionnant d’élèves
qui étudient sérieusement, et si un seul
élève manque, ce n’est finalement pas si
catastrophique. Or, cet argument allume la
colère du père, car on essaie là de l’apaiser
en lui racontant que son autre fils étudie
très bien…
Ainsi, comprend-on beaucoup mieux l’importance
que prend le jugement de Roch
Hachana par le fait qu’il est individuel. Et
cet aspect contribue également à ce que
nous ne considérions pas notre jugement de
manière trop rapide ou superficielle !
Coupable léthargie…
De manière générale, nos habitudes nous
anesthésient et notre moralité est souvent
en plein sommeil ! Evidemment, nous ne
sommes pas des malfaiteurs, ni des criminels,
et nous sommes tous animés des
meilleures intentions. Néanmoins, le sommeil
de notre moralité nous empêche souvent
de considérer l’importance des choix
que nous devrions normalement et volontairement
assumer. C’est vrai dans notre
vie personnelle, dans notre couple, dans
notre rôle de parents et aussi dans la vie
communautaire. Et lorsque nous nous réveillons,
il est souvent très tard… Or, ces
enseignements de nos Maîtres nous incitent
à réveiller à temps nos propres consciences.
Ainsi, nos prophètes expriment-ils
très souvent leurs interpellations et leurs
messages comme de puissants réveils de la
conscience. Exemple : dans le fameux texte
de « Le’ha Dodi » – chanté à l’entrée de
chaque Chabbat, – les appels explicites au
réveil sont répétés à quatre reprises dans
une seule strophe ! Sinon – quelle honte ! -,
nous ne ressentirions pas vraiment la kédoucha
du Chabbat…
Toutefois, en intériorisant le message véhiculé
par certaines mitsvot – à l’instar de
celle régissant le décompte des animaux
pour le maasser behéma – et grâce à une
approche approfondie de ce qu’est réellement
le jugement de Roch Hachana, notre
réflexion et le réveil de nos consciences
sont activés…
À utiliser sans mesure !
Rav Hayim Yaacov Schlammé
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