« Moché lo Mèt ! »

Dans le Traité talmudique Méguila
(page 13/b), on peut lire : « On a
enseigné : du fait que le tirage au
sort (Pour) désigna le mois d’Adar,
[Aman] se réjouit grandement. Il se
dit : ‘Cette période est celle pendant
laquelle est décédé Moché’. Mais
ce qu’il ne savait pas, c’est que, si
Moché décéda le 7 du même mois,
cette date est aussi celle du jour
anniversaire de sa naissance ! ».

Commentant cette dernière phrase,
Rachi écrit : « KéDaï haLéda
chéTékhaper al haMita [La naissance
a la capacité d’apporter le reversement
de la mort] ». Ce qui, en
d’autres termes, signifie que bien
qu’Aman ait vu dans les astres (le
fameux Pour) que le mois d’Adar
pouvait constituer la mise en
échec du mazal d’Israël, il ne saisit
pas que cette période se révèlerait
être au contraire l’antithèse de sa
propre réalité !

Reste à comprendre pourtant en
quoi la date anniversaire de la
naissance de Moché Rabbénou a-t-
elle effectivement la capacité de
« réparer » (lékhaper) sa mort !? La
disparition d’un être n’est-elle pas
au contraire l’expression de ce qu’il
n’est plus, c’est-à-dire le terme de
ce mouvement qui a commencé
avec son apparition dans la vie de
ce monde et qui désormais s’achève
? En quoi la naissance de Moché
Rabbénou pourrait-elle donc modifier
ou – devrait-on plutôt dire –
renverser (VénaaFokh Hou), ce qui
semble au contraire irréversible ?
Or voilà : quitter ce monde signifie
nécessairement, qu’on le veuille
ou non, laisser ici sa vie. Puisque,
bien que le défunt parte, sa vie reste
! Elle se sépare pour ainsi dire
de lui et perdure après lui dans
ce monde-ci – ainsi qu’il est dit :
« Chavak ‘Haïm léKol ’Haï, Lanou
ou léKol Israël » (voir les Responsa
‘Hatam Sofer, ‘Hochen Michpat, 9).
Cette vie qui n’est plus reste pourtant
encore présente pour ceux
qui sont encore là : elle est cette
trace qui exprime la responsabilité
de chacun face au monde qui
l’entoure (sa famille, ses proches,
son oeuvre, etc.), lequel hérite de
chacune de ses actions.

Concernant Moché Rabbénou, cette
réalité propre à la disparition se
dit ainsi : « Moché lo Mèt ! – [Moché
n’est pas mort] », (Zohar, Béréchit,
p. 37/b). A l’instar de Yaacov
Avinou – au sujet duquel le Traité
talmudique Taanit (page 5/b) écrit
aussi : « Yaacov lo Mèt… Ma Zaro
bé’Haïm, af Hou bé’Haïm ! [Dès
lors que ses descendants sont vivants,
lui est aussi est vivant] » -,
la réalité de Moché Rabbénou est
double.

Tout comme le patriarche qui vécut
son existence sous deux formes
– en tant qu’être singulier
(Yaacov ben Its’hak) et en tant
qu’Assemblée (le nom d’Israël étant
le terme générique qui désigne les
douze tribus – sans Lévy, mais
avec Ephraïm et Ménaché en lieu
et place de Yossef) – Moché, le dirigeant
de notre peuple dans le désert,
vécut sa singularité d’homme
au niveau de l’Assemblée d’Israël à
laquelle il s’identifia.

Ainsi, dire que Moché quitte ce
monde le jour même de sa naissance,
cela signifie que sa mort
constitue une nouvelle naissance !
Il part certes, mais ce départ représente
une nouvelle forme de
son être même, puisque désormais
Moché survit sous la forme des
600 000 âmes du klal Israël. Telle
est cette trace ineffaçable qu’il
laissa gravée au coeur du mois
d’Adar, et que vient réveiller la paracha
Chekalim…

L’autre côté de la pièce

A la suite du passage du Traité
Méguila déjà cité, il est encore
dit : « ‘Si tel est le bon plaisir du
roi, qu’il soit rendu un ordre écrit
de les faire périr, et moi, je mettrai
10 000 kikars d’argent à la disposition
des agents royaux pour être
versés dans les trésors du roi’ (Méguilat
Esther, 3, 9). Rabbi Chimon
ben Lakich a enseigné : – Il était
déjà dévoilé devant Celui qui prononça
les mots ‘Que le monde soit’
qu’Aman ferait peser les Chekalim
contre le peuple juif. C’est pourquoi,
l’Eternel fit devancer les Chekalim
d’Israël par rapport aux siens. Tel
est le sens de l’enseignement qui
stipule : ‘Le premier Adar, on
rappelle [au peuple l’obligation
d’amener au Temple] les Chekalim’,
(Traité Chekalim, page 2/b) ».

Tossefot précisent à ce propos :
« Les 10 000 kikars d’argent correspondent
à la valeur des demi-
Chékels versés par les 600 000
membres de l’Assemblée d’Israël
lorsqu’ils sortirent d’Egypte »,
(Traité Méguila, page 16/a)…

En fait, la Guémara nous enseigne
ici que si Aman pensa pouvoir
« détruire, exterminer, et anéantir
en un seul jour tous les Juifs, jeunes
et vieux, femmes et enfants, le
13e jour du 12e mois qui est le mois
d’Adar » (Méguila Esther, 3, 13),
c’est dans la mesure où le tirage
au sort avait désigné le mois du
décès de Moché Rabbénou. Aman
pensait donc qu’il lui était donné
de mettre fin à l’Assemblée d’Israël
dont le décès de Moché était pour
lui synonyme…

Soucieux de s’appropier le peuple
juif afin – ‘Has véChalom ! – d’en
disposer à sa guise, il versa très
exactement au roi Assuérus la
somme équivalente à celle qui fut
apportée par les Enfants d’Israël
dans le désert quand ils accomplirent
la mitsva de Chekalim. Mais,
comme l’enseigne le Talmud, sa
haine envers notre peuple fut sans
effet. Et ce, parce que précisément
les Chekalim d’Israël expriment la
capacité que nous avons d’orienter
toutes nos forces et toutes nos potentialités
vers le klal – c’est-à-dire vers
la haute personnalité de Moché – et
d’élever l’existence de chacun d’entre
nous à une réalité nouvelle (le
tsibour) sur laquelle la mort n’a nulle
emprise !

Car, dès que nous vivons notre existence
sous la forme du klal – et non
plus sous la seule forme singulière de
l’ego individualiste -, nous nous rattachons
aussitôt à cette réalité inaugurée
par Moché Rabbénou dans le
désert ! C’est pourquoi, chaque année,
nos Chekalim doivent devancer
ceux d’Aman.

Ce n’est qu’à cette condition en effet
que nous pouvons espérer être sauvés
des décrets qui pèsent sur notre peuple,
car comme il est dit : « Il n’est pas
le seul à s’être levé contre nous pour
nous exterminer. Au contraire, à chaque
génération, d’autres [ennemis]
se dressent contre nous pour nous
détruire ! », (Haggada de Pessa’h)…

YEHUDA RÜCK


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