Elle était âgée et malade. Mais elle avait une telle vitalité, une telle envie de vivre, que ses proches ont été frappés par la nouvelle de son décès, samedi soir, juste après Chabbat.
Choulamith Catane avait fêté il y a quelques mois ses 90 ans, entourée de ses nombreux descendants. Sa famille était son centre d’intérêt, son plus grand bonheur. Elle aimait organiser régulièrement des réunions avec ses enfants, ses petits-enfants et ses arrière petits-enfants, qui ont su poursuivre avec fidélité la voie qu’elle avait tracée avec son mari, Moché Catane z’l, décédé il y a déjà 17 ans, dans l’observance scrupuleuse des Mitsvot.
Choulamith Catane impressionnait son entourage par son sourire, son optimisme permanent, et sa volonté de communiquer avec tout le monde. Elle avait un ordinateur et une adresse électronique pour pouvoir correspondre avec ses proches. Et dans la maison de retraite où elle avait décidé de vivre au cours de ces dernières années à Jérusalem, elle donnait régulièrement des conférences, faisant preuve d’une érudition, d’une aisance et d’une facilité d’élocution étonnante.
Choulamith Catane est née en 1922 à Francfort en Allemagne. Comme l’a souligné l’un de ses fils, le Rav Yoel Catane, samedi soir lors des obsèques, elle est née un jour saint, Yom Kippour, et s’est éteinte un autre jour sacré, Chabbat. Quelques années plus tard, ses parents ont quitté l’Allemagne nazie pour la France. Malheureusement, la Shoah n’a pas épargné sa famille : son père, qui s’occupait notamment de sauver des enfants juifs, a été arrêté et déporté. Il n’est jamais revenu.
Elle n’avait pas encore vingt ans lorsqu’elle a fait la connaissance de son futur époux, Moché Catane (Klein). Issu d’une vieille famille alsacienne très religieuse, Moché Catane avait dû interrompre ses études d’archiviste-paléographe à l’Ecole des Chartres de Paris à cause de la guerre. Plus tard, il est devenu bibliothécaire à l’Alliance Israélite universelle puis à la Bibliothèque nationale de Paris.
Le couple s’est marié en 1941 et leur premier enfant, Raphaël, est né en pleine tourmente, en 1942. Il est aujourd’hui professeur de médecine, chef du département d’oncologie de l’hôpital Tel Hashomer.
Le jeune couple a passé ses premières années en France, le temps pour Moché Catane de terminer ses études de bibliothécaire. En 1949, alors qu’ils avaient déjà cinq enfants, ils sont montés en Israël. A l’époque, les conditions étaient dures pour les nouveaux immigrants mais leur amour d’Israël leur a permis de surmonter toutes les difficultés d’intégration, pourtant nombreuses.
En Israël, Moché Catane, homme très érudit et d'une grande modestie, a trouvé un emploi de bibliothécaire principal à la Bibliothèque nationale et universitaire. Il a également été le correspondant de plusieurs journaux juifs paraissant en France, rédigeant pour eux de nombreux articles, et a publié des ouvrages sur des thèmes juifs. Sa spécialité était les écrits de Rachi. Il a publié en particulier un livre permettant de déchiffrer tous les « lazim ».
La situation financière de la famille était difficile et Choulamith, mère de onze enfants, a fait des études et est allée travailler. Mais cela ne l’a pas empêché de donner, avec son mari, une excellente éducation à ses enfants. Le résultat est probant : ils ont tous merveilleusement réussi, devenant des adultes accomplis menant, comme leurs parents, une vie juive religieuse stricte et étant très impliqués dans la vie communautaire. Plusieurs sont des rabbanim connus, d’autres ont opté pour la médecine ou l’enseignement.
Choulamith Catane restait en contact permanent avec ses proches. Elle parlait tous les jours au téléphone avec ses enfants et un grand nombre de ses petits-enfants, s’intéressant à tous leurs faits et gestes. Pour ne pas oublier les noms de ses descendants, il y en a plus de 200, elle avait établi des listes avec les dates anniversaires.
Chaque Chabbat, elle était invitée chez l’un d’entre eux et déclarait avec humour qu’ils se « disputaient » pour l’avoir chez eux. Elle regrettait aussi de ne pas disposer de plus de temps à leur consacrer. Son secret : l’amour qu’elle leur prodiguait à tous et qu’ils lui rendaient bien. Ils venaient souvent chez elle pour lui demander son avis ou tout simplement une bénédiction, lorsqu’ils franchissaient une étape importante de leur vie.
C’est une femme exemplaire qui nous a quittés. Une femme dont on peut prendre exemple, de par son optimisme, son amour du prochain, sa dévotion pour sa famille. Une femme qui a su transmettre à ses descendants un judaïsme fidèle aux traditions, avec une pratique religieuse sans faille.
Elle a été inhumée samedi soir au cimetière du Har Hamenouhot, à Jérusalem, en présence d’une foule extrêmement nombreuse. L’un de ses enfants, le Rav Yoel Catane, a prononcé quelques mots, indiquant qu’il ne pouvait dire de Hesped au mois de Nissan. Il a rendu hommage à sa mère, soulignant qu’il ne fallait pas être triste de sa disparition mais au contraire, exprimer sa joie pour toutes les années de bonheur qu’elle a partagées avec ses descendants.
Elle laissera un souvenir inoubliable. Yehi Zih’ra Barouh’.