רַבִּי צָדוֹק אוֹמֵר, אַל תַּעֲשֵׂם עֲטָרָה לְהִתְגַּדֵּל בָּהֶם, וְלא קַרְדּם לַחְפּוֹר בָּהֶם. וְכָךְ הָיָה הִלֵּל אוֹמֵר, וּדְאִשְׁתַּמֵּשׁ בְּתַגָּא, חֳלָף. הָא לָמַדְתָּ, כָּל הַנֶּהֱנֶה מִדִּבְרֵי תוֹרָה, נוֹטֵל חַיָּיו מִן הָעוֹלָם.
«Rabbi Tsadok dit : ‘Ne fait pas de la Torah une couronne pour t’en parer, ni un outil pour en profiter !’. Et ainsi disait Hillel : ‘ Celui qui se sert de ses galons finit par les perdre !’ Tu as donc appris que quiconque tire avantage de la Torah, sa vie est retirée du monde ! », (Chapitre 4, Michna 5).
Rabbi Tsadok nous met en garde ici contre toute conduite consistant à vouloir tirer un quelconque avantage de son érudition en Torah. Car l’étude idéale est bien celle qui est motivée par la seule intention d’accomplir la Volonté divine, sans nul intérêt personnel ! Dans son fameux ouvrage « ‘Hovot Halevevot » (Les devoirs du cœur), le rav Baya Im Pékouda ajoute même ajoute que même l’occasion se présente involontairement de tirer profit de son niveau d’étude, il est préférable de le refuser.
Ainsi, raconte-t-il qu’un grand talmid ‘ha’ham ( un Sage en Torah) arriva un jour à la foire pour acheter un objet. Ayant l’ouïe très fine, il perçut de loin la phrase qu’un commerçant – qui l’avait vu de loin – lança à son collègue : « Voici une illustre personnalité qui va venir acheter chez nous… Nous nous devons de l’honorer et de lui proposer notre marchandise à un prix réduit ! ».
Le Sage s’approcha des deux compères et leur dit : « Je suis désolé, mais je suis venu acquérir un objet avec mon argent, et non pas avec ma Torah ! ». Si bien qu’il s’éloigna d’eux et se dirigea vers une autre boutique…
Rabbi Tsadok précise bien dans notre Michna qu’il est formellement prohibé d’utiliser la Torah à ses propres fins, car notre désintéressement doit être plein et entier ; et ce, aussi bien pour la vie dans le monde futur (ce à quoi fait allusion l’expression précitée « couronne pour s’en parer ») que pour la vie dans ce monde (un « outil pour en profiter »).
Hillel va quant à lui droit au but en disant que celui qui veut se servir de ses « galons »… finit toujours par les perdre !
Quant au Rambam, il élargit son commentaire sur cette même sentence en rapportant une liste de Sages qui vivaient en fait dans la plus grande simplicité, voire dans le dénuement complet, bien qu’ils auraient aisément pu améliorer leur conditions grâce aux avantages potentiels liés à leurs fonctions. De plus, il prohibe avec véhémence toute utilisation des « galons » et de son niveau de Torah, ne serait-ce même que pour sauver sa vie…Ainsi, rapporte-t-il une haggada du Traité talmudique Nedarim (page 62/a) qui relate de façon détaillée comment rabbi Tarfon fut soupçonné d’être un vulgaire voleur. Or, lorsqu’il fut sur le point d’être jeté dans le fleuve enfermé dans un sac, il dit à haute voix : « Dommage pour toi, Tarfon, de finir ainsi ! »… A ces mots, celui qui allait le précipiter dans l’eau comprit qu’il y avait erreur et que son sac renfermait l’illustre rabbi Tarfon ! Si bien qu’il déposa avec douceur le sac sur la berge et s’enfuit, tout honteux de sa méprise qui avait failli être fatale. Le Talmud raconte donc que jusqu’à la fin de ses jours, rabbi Tarfon fut rongé de remords pour avoir été ainsi sauvé de la noyade en s’étant servi de sa propre renommée…
Il est vrai que le dévouement intègre à l’étude de la Torah est toujours récompensé, comme le dit le roi Salomon : « Elle porte la longévité dans sa droite, et dans sa gauche la richesse et l'honneur », (Proverbes, 3, 16). Toutefois, ce « salaire » ne doit être en aucun cas sollicité ou même escompté par celui qui étudie. Car ce tribut ne revient finalement qu’à ceux qui étudient avec la seule et pure intention d’accomplir le commandement divin !