Cimetières parisiens

« Un ossuaire conforme à la Hala’ha »

L’obligation faite par la Hala’ha
d’inhumer un Juif
exclusivement au milieu
de ses congénères et le respect
absolu dû à ses ossements sont
en effets régulièrement menacés.
D’abord parce que la loi
française ne prévoit pas l’existence
de carrés confessionnels.

Dans ce domaine tout dépend
donc de la bonne volonté des
pouvoirs publics. Or, alors que
la société française se crispe
sur la laïcité, ceux-ci rechignent
à se montrer compréhensifs
face aux demandes de
la communauté juive. Il faut
donc se « débrouiller » avec les
espaces existants à Pantin et
Bagneux. Sauf que dans ces
deux cimetières, les carrés
juifs sont depuis longtemps
saturés, poussant des familles
endeuillées à se rabattre sur
des emplacements « mixtes ».

D’autre part, la direction
des services funéraires de la
Ville de Paris, a pour habitude
de « traquer » les tombes
abandonnées et celles dont
la concession est arrivée à
échéance au bout de quinze
ou trente ans. Exhumé, leur
contenu est ensuite incinéré…

Pour essentiel qu’il soit, ce dossier
fait cependant rarement la
une de l’actualité communautaire.
Il n’empêche que, dans la
coulisse, une action intensive
est menée pour faire reconnaître
les besoins propres des
défunts juifs. Rue Pavée, le rav
Morde’haï Rottenberg qui dirige
la communauté orthodoxe
en a fait l’une de ses priorités.
Quant au Consistoire de Paris,
il a confié ce sujet épineux à
Jack-Yves Bohbot, vice-président
de l’institution : « Il y a
des réels progrès en la matière
» explique-t-il à Hamodia.

Mais convaincre les législateurs
de mettre à plat la question des
carrés confessionnels semble
pour l’instant hors de portée ».
Entretien sur un dossier douloureux
et délicat

– Hamodia : Le danger de crémations
des restes mortuaires est-il
écarté ?

– Jack-Yves Bohbot : Les parlementaires
ont tranché la question
en décembre dernier. La nouvelle
loi prévoit et organise la crémation.
Mais dans le même temps,
elle la restreint en cas d’opposition.
Concrètement, aujourd’hui,
lorsqu’une tombe en déshérence
est présumée juive – c’est à dire
qu’elle se trouve dans un carré
confessionnel, qu’elle porte des
inscriptions hébraïques ou un
nom à consonance juive – les ossements
qu’elle abrite ne sont pas
incinérés. De manière dérogatoire,
et afin de ne pas heurter la sensibilité
de la communauté, ils sont
transférés dans un ossuaire.

De là est née la création d’un ossuaire
à Valenton ?

– Cette même loi prévoit en effet
que les communes doivent en
créer un dans les cinq ans. Nous
nous sommes donc tournés vers la
Ville de Paris et les départements
qui relèvent du Consistoire de Paris.
C’est ainsi qu’un premier ossuaire
a pu être créé à Valenton.
Il servira également aux autres
communes du Val de Marne.
Cet ossuaire permet l’enterrement,
conformément aux prescriptions
de la Hala’ha et géré par le Consistoire.
Le grand Rabbin de Paris et
le Bet Din ont validé sa construction.

– Mais de là à parler de « nouveauté
»… N’existait-il pas déjà des
ossuaires ?

– Effectivement, à Paris nous avions
déjà mis en place, avec les
services de la Ville, des ossuaires
provisoires. Mais c’était une solution
qui reposait sur la bonne
volonté de nos interlocuteurs et
qui n’était donc pas pérenne. Nous
avions commencé par Pantin,
puis au Père Lachaise avec une
structure plus conforme. Mais
l’ossuaire du Père Lachaise sera
plein en 2013. Un autre, beaucoup
plus grand, prendra le relais au cimetière
parisien de Thiais.

– Et concernant le problème de la
surpopulation des carrés confessionnels,
où en est-on ?

– Sur ce sujet, depuis 2008, les
relations avec la Mairie de Paris
se sont considérablement améliorées,
même si la situation n’est
pas encore pleinement satisfaisante.
La priorité, c’était d’abord
d’assurer la pérennité des carrés
confessionnels juifs. C’est fait !
Maintenant, nous travaillons à ce
que les carrés « mixtes » soient judaïsés
et qu’au fur et à mesure des
exhumations, les tombes libérées
accueillent des défunts juifs. C’est
un processus évidemment assez
long, mais à terme, cela permettra
d’améliorer la situation, notamment
à Pantin.

– En dehors de Pantin et Bagneux, les
Juifs parisiens semblent penser qu’il
n’y point de salut. Vous confirmez ?


– Et c’est bien dommage, puisque
qu’une division juive a récemment
été ouverte à Thiais. Mais peu de
familles ont l’habitude ou le reflexe
de se tourner vers cette solution.
Il y a toujours énormément de
demandes pour des inhumations à
Pantin, alors que le cimetière arrive
à saturation.

– Et créer des cimetières privés,
c’est envisageable ?

– Là aussi, la loi de 1905 l’interdit,
en dehors des départements
concordataires. C’est tout le travail
qui incombe aux responsables
communautaires : faire évoluer la
loi. L’enjeu, il est là !
Moi je rêve que l’on puisse faire
reconnaître les carrés confessionnels.
La véritable avancée, ce
serait que l’on autorise les carrés
confessionnels dans les cimetières
municipaux ou sinon, qu’il soit
possible d’acquérir des terrains réservés
aux sépultures juives.
Si l’on ne peut pas enterrer convenablement
nos défunts, on ne se
sentira pas très bien dans notre
pays.

– Quelle est la responsabilité de
la communauté dans ce cas ? Que
peuvent faire les Juifs pour limiter
les inconvénients de cette situation
?

– Quand survient un drame dans
une famille, le temps pour prendre
une décision est toujours très
court. En plus de la douleur, il y a
cette pression incroyable. Malgré
tout, il faut toujours prendre une
concession la plus longue possible.
Toujours ! Il faut également que
l’ayant-droit soit bien identifié et
que la tombe soit entretenue. Ensuite,
il faut que les documents
prouvant la concession soient
transmis au sein de la famille
comme un patrimoine à préserver,
un héritage personnel. Dans
quinze ou trente ans, cela permettra
que le renouvellement se fasse
dans de bonnes conditions au lieu
de devoir subir une exhumation
qui est toujours une douleur incroyable
pour les familles.
Par ailleurs, il faut saisir chaque
occasion pour expliquer à nos élus
que l’autorisation de cimetières
confessionnels serait une avancée
facilement réalisable qui ne nécessiterait
pas de bouleversement de
notre droit. Chacun doit participer
à cette campagne !

– Un mot sur les cimetières algériens.
Une commission consistoriale
a été créée l’an dernier sur ce sujet.
Pour quels résultats ?

– Son objectif est d’abord d’épauler
et de centraliser le travail formidable
que font sur le terrain certaines
associations. À Bône (Anaba),
les choses ont bien avancé, grâce
au travail personnel de Maurice
Haddad qui se rend sur place et,
qui, dans la plus grande discrétion
s’assure que les exhumations
se passent dans les meilleures
conditions. Mais permettez-moi
de ne pas rentrer plus dans les détails…
Un très gros travail se fait
aussi à Oran avec l’Association
des Israélites de l’Oranie ou encore
à Alger également. Il y a beaucoup
de choses à faire pour sauver ce
qui reste de la communauté juive
là-bas.
Nous sommes en contact étroit
avec le Ministère des Affaires
étrangères, l’ambassade de France
et les autorités algériennes.
Concernant ces dernières, nous
avons pu rencontrer certains maires
et membres du gouvernement.
Il faut bien comprendre que c’est
un travail de l’ombre dans lequel
il faut se méfier des effets d’annonce
: l’Algérie est un terrain
sensible. Mais beaucoup de choses
se passent. Il y a de très gros enjeux
de mémoire.

Propos recueillis
par Serge Golan


Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il