Rav Hayim Yaacov Schlammé
La célèbre rencontre des deux frères jumeaux, Yaacov et Essav, s’est amorcée dans un inquiétant climat de conflit armé,
mais finalement, elle s’est déroulée dans une atmosphère apparemment fraternelle…
En fait, les préparatifs de Yaacov, faits dans
l’attente angoissée de cette rencontre,
sont par la suite devenus un véritable
« Choul’han Arou’h », sorte de code gérant ce
que seront les relations entre les descendants
de ces deux fils de notre patriarche Its’hak tout
au long des siècles.
En effet, comme l’explique le Ramban (1194
– 1270), tout ce qui est arrivé à Yaacov avec
Essav constitue une allusion prémonitoire de
ce qui arrivera par la suite à notre peuple face
aux descendants d’Essav, c’est-à-dire toutes
nos tribulations et souffrances endurées tout
au long du difficile exil d’Edom (celui de Rome
et donc, par extension, celui de l’Occident). Il
faudra que nous nous inspirions toujours de
l’exemple donné par Yaacov dans sa relation
conflictuelle avec son frère pour orienter chaque
fois notre attitude envers les descendants
d’Essav.
À
ce propos, Rachi (Bér. 32, 9) précise que Yaacov
s’est dûment préparé à rencontrer – et s’il
le fallait à affronter – Essav en ayant recours
à trois types d’opérations… Premièrement, lui
offrir des cadeaux, le fondement même d’une
diplomatie en règle afin de lui montrer à quel
point il recherchait son amitié.
Ensuite, la prière… Et enfin un plan militaire
de bataille puisque Yaacov divise son campement
en deux parties afin que si l’une d’elles
venait à être attaquée, l’autre pourrait prendre
la fuite et assurer sa survie !
La prière très spéciale de Yaacov
avant cette rencontre décisive…
Il nous incombe particulièrement d’étudier la
prière adressée à D.ieu par Yaacov lorsqu’il
était sur le point de rencontrer Essav, d’autant
qu’il craignait sérieusement qu’Essav ne décime
toute sa famille…
Mais avant tout, pourquoi cette peur de Yaacov,
alors que D.ieu lui avait explicitement
promis, lors de la vision prophétique du rêve
de l’échelle, de le protéger et de le ramener
sain et sauf de chez Lavan. Or, malgré cela,
Yaacov n’est guère rassuré : il est même fortement
angoissé (voir les Traités talmudiques
Bera’hot, page 4/a et Sanhédrin, page 98/b).
En vrai, l’explication de cette peur réside
dans la profonde modestie de Yaacov : malgré
sa longue vie remplie de mérites extraordinnaires,
pleine de Torah (puisqu’il avait déjà étudié 14 années durant à la yéchiva de Chem
et Ever), mais aussi de mitsvot et de bonnes
middot, il n’hésite pas à commencer sa prière
en disant : « Katoneti ! » à savoir qu’il ne méritait
même pas tous les bienfaits dont D.ieu
l’avait comblé jusque-là !
Yaacov possédait une confiance totale en
D.ieu, sans la moindre fissure. Toutefois,
était-il digne de cette promesse, faite vingt
ans plus tôt ? Il sortait alors de la yéchiva de
Chem et Ever, plein de pureté et de sainteté.
Entre-temps, vingt ans ont passé dans l’envvironement
sursaturé de l’idolâtrie et des
tromperies invétérées de la maison de Lavan.
A-t-il pu préserver ses qualités et son niveau
de mérites dans une telle ambiance ? S’il est
vrai qu’il a accompli toutes les mitsvot, ainsi
que le rapporte Rachi (32/5), Essav a toutefois
accompli la mitsva d’honorer ses parents,
chose qui n’était pas réalisable de la même
manière pour Yaacov, qui se trouvait au loin.
Le fondement même de notre
adresse à D.ieu !
Cette extraordinaire humilité constitue la
base même de la prière de Yaacov. Or, lorsque
nos Sages ont rédigé le texte actuel de nos
prières – expression la plus intime de notre
relation avec Hachem -, ils se sont inspirés de
cette modestie de Yaacov. En effet, ils nous
invitent à dire chaque matin, dès le commencement
de notre adresse à D.ieu : « Maître du
monde, Souverain des souverains, ce n’est pas
au titre de nos mérites que nous T’adressons
nos prières, mais dans l’espoir de Ta miséricorde infinie ! (…) Car que sommes-nous ?
Que valent nos vies ? Que pouvons-nous dire
devant Toi ?»
Le Sfat Emet explique que notre prière n’est
pas du tout une « formule » que l’on réciterait
afin de demander ce qui nous revient. Car
Hachem nous octroie toujours infiniment
plus que ce que nous méritons et toute exigence
supplémentaire serait irrespectueuse
et dangereuse ! Si nous exigions quoi que
ce soit au nom de nos prétendus « mérites »,
notre conduite devrait alors subir un examen
tellement approfondi (donc selon la « midat
ha-din ») que ses résultats auraient de grandes
chances d’être à notre désavantage… De
plus, toute forme d’« exigences » envers Hachem
exprimerait un orgueil de notre part, or
D.ieu n’aime pas les orgueilleux !
Notre vie se doit d’être vouée au service divin.
Par notre prière, nous sollicitons de D.ieu
qu’Il nous octroie ce qui nous manque afin de
Le servir de notre mieux. Si bien qu’en quelque
sorte, nous demandons humblement pour
Lui, et certainement pas pour nous.
Et ce, à l’instar de Yaacov qui s’est exclamé « Katoneti » – je ne mérite pas ce que Tu m’as
déjà accordé. Voilà pourquoi la paracha Vayichla’h
est à même de nous inspirer afin de
pouvoir étoffer et purifier notre manière de
prier, et tenter de nous rapprocher de ce que
Hachem attend vraiment de nous…
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