Dans la nuit du 9 au 10 novembre 1938 – voici exactement soixante-dix ans –, le régime nazi déclenche le plus grand pogrom
de tous les temps… Les faits sont connus. Il convient pourtant de les rappeler – une fois de plus ! Le devoir de mémoire passe par
l’exactitude. Ne rien ajouter ni soustraire. Mais tout dire.

 

Le 6 novembre, un Juif né et élevé en
Allemagne, mais de nationalité
polonaise, Herszel Grynshpan, asassine Ernst Vom Rath, un conseiller de
l’ambassade allemande à Paris. Agé de
17 ans, Grynshpan, affirme qu’il entend
venger sa famille qui vient d’être expulsée d’Allemagne et que la Pologne refuse
d’accueillir. Selon une autre hypothèse,
le jeune homme a peut-être été manipulé par les services secrets allemands.
Toujours est-il que cet assassinat provoque
immédiatement diverses violences antijuives au sein du Grand Reich en Allemagne proprement dite, qui compte toujours
300 000 à 400 000 Juifs, et en Autriche
– un pays annexé au mois de mars précédent – 350 000 Juifs, et chez les Sudètes
(c’est-à-dire les régions germanophones
de Tchécoslovaquie incorporées trois semaines plus tôt au IIIe Reich en vertu des
Accords de Munich), quelque 100 000
Juifs.

Le 9 novembre, les dirigeants nazis donnent le feu vert à des violences planifiées
à l’échelle nationale : tout au long de la nuit, des foules encadrées par les militants
nazis incendient les synagogues d’Allemagne, pillent des commerces juifs et se livrent à des voies de fait contre des femmes
et des hommes Juifs de tous âges sortis de
leur lit.

La police ou les pompiers reçoivent l’ordre
de ne pas s’opposer « à la colère du peuple »
et de ne protéger que les Aryens ou leurs
biens ; les SS entrent enfin en lice et jettent
plusieurs dizaines de milliers de Juifs dans
des camps de concentration sous prétexte
d’ « atteinte à l’ordre public ». Les jours
suivants, les institutions communautaires
juives sont démantelées et la communauté
juive allemande est soumise à une amende
collective d’un milliard de Reichsmarks !
Au total, on comptera près de cent morts
et des milliers de blessés ou d’estropiés…
Les Juifs allemands, déjà relégués comme
citoyens de « seconde zone » depuis 1933,
sont désormais des apatrides sans nom ni
identité, spoliés de leurs derniers biens,
et condamnés à l’errance ou à la mort !
En définitive, la Nuit de Cristal apparaît
comme une véritable « répétition générale » de la Shoah. Les nazis y ont en fait
procédé à deux expérimentations in vivo :
ils ont voulu savoir jusqu’où pouvaient aller la passivité ou la complicité du peuple
allemand, et celles du reste du monde…
Or sur les deux points, le résultat leur a
donné satisfaction. La plupart des Allemands ont certes désapprouvé les violences, mais surtout dans la mesure où ils
craignent des débordements pouvant toucher les non-Juifs. Une minorité substantielle soutint les violences et les pillages, y
participant même avec jubilation.

Quant aux réactions internationales, elles
ont été presque inexistantes. Dans les pays
démocratiques occidentaux, on s’est indigné pendant quelques jours. Mais on s’est
refusé ensuite à prendre la moindre mesure concrète en faveur des 750 000 Juifs
qui se trouvaient aux mains des nazis…
sans parler des sept ou huit millions de
Juifs de Pologne, de Roumanie, de Hongs
grie, d’Italie, des Balkans ou des pays baltes désormais directement menacés. Les
États-Unis ont ainsi refusé d’élargir leurs
quotas d’immigration. Quant à la Grande-
Bretagne, par la promulgation du Livre
blanc de 1939, elle a fermé le Foyer national
juif de Palestine à d’éventuels réfugiés…
Pour Hitler et ses séides, l’affaire était
donc entendue. Ils pouvaient tuer les Juifs,
jusqu’au dernier. Mais pourquoi ? Là encore, la réponse se trouve dans la Nuit de
Cristal, son déroulement et ses cibles. Les
nazis se sont attaqués en premier lieu aux
synagogues parce qu’elles représentaient
l’essentiel du judaïsme : une loi morale
universelle dont procédaient la civilisation judéo-chrétienne et la civilisation
européenne moderne. Tuer les Juifs, ce
n’était pas seulement, pour eux, s’en prendre à une minorité et à une « différence » :
c’était tuer le commandement de ne pas tuer
que les Juifs avaient transmis au monde.
N’oublions pas le 9 novembre 1938. Une date
cruciale pour le peuple juif. Et pour tous les
hommes.

© Michel Gurfinkiel, 2008

Avec l’accord exceptionnel d’Hamodia-Edition Française

Il est interdit de reproduire les textes publiés dans Chiourim.com sans l’accord préalable par écrit de Hamodia.
Si vous souhaitez vous abonner au journal Hamodia Edition Francaise ou publier vos annonces publicitaires, écrivez nous au :
fr@hamodia.co.il