La décision de la Cour Suprême israélienne
d’emprisonner les parents des jeunes filles de la section  » ‘hassidique  »
du Ber Yaacov d’Immanouel a suscité une très vive effervescence dans le
monde orthodoxe et dans l’ensemble de la société israélienne.


Cette affaire a posé, de manière plus aigue que jamais, le problème des
relations entre le monde orthodoxe et la Cour Suprême laïque et elle a
dévoilé un fossé d’incompréhension entre la communauté orthodoxe qui est
régie par des codes sévères et le reste de la société qui vit selon des
paramètres différents.



 
Elle a également reposé, de manière exacerbée un vieux
débat : celui de la ségrégation entre les communautés orthodoxes
ashkénazes et sépharades.


Pour comprendre les tenants et les aboutissants de ce dossier complexe
et tendu, il faut absolument éviter le dangereux piège du raccourci qui
risquerait de falsifier les faits. Il faut donc informer avec précision
et force de détails.


Car il y va non seulement du Kvod Hatorah mais surtout du Emet qui est
la colonne de feu qui nous accompagne au sein de la rédaction d’Hamodia.


En espérant que ces explications permettront une meilleure compréhension
des faits et que celle-ci contribuera à rapprocher ceux qui au sein de
notre peuple se sentent si éloignés les uns des autres. D.H.






1/ Immanouel, ou le constat d’un échec municipal



La crise actuelle a donc placé sur le devant de la scène la localité
d’Immanouel en Samarie. Fondée en 1983, Immanouel avait été programmée
pour devenir la capitale orthodoxe de la Samarie et elle devait compter
près de 100 000 habitants ! Au fil des ans, à la suite de graves
carences immobilières, ce vaste projet a sombré dans la faillite.
L’Intifada et en particulier le terrible attentat meurtrier en décembre
2001 qui a coûté la vie à dix habitants (voir encadré) ont conduit de
très nombreuses familles orthodoxes à quitter Immanouel. À leur place,
ce sont des familles de condition modeste, souvent des « Baalé Techouva
», qui se sont installés, séduits par les coûts réduits de vente ou de
location d’appartements. Ainsi, alors qu’un T4 dans la ville orthodoxe
de Betar Illit près de Jérusalem est loué environ 3 000 shekels, le même
appartement à Immanouel ne coûtera que… 800 shekels !


Aujourd’hui, Immanouel compte 3 000 habitants soit environ 600 familles
réparties ainsi : 150 familles appartenant au mouvement
‘Habad-Loubavitch (pour la plupart des familles sépharades), 150 autres
appartenant à diverses autres courants ‘hassidiques comme Slonim, Gour
et Breslev. Le reste étant réparti en une population d’environ 300
familles à majorité sépharades.





2/ Un Bet Yaacov divisé


Naturellement, en fonction de ces « mouvements », la population du Bet
Yaacov, l’école des jeunes filles (du cours préparatoire à la quatrième)
d’Immanouel, affilié au réseau indépendant orthodoxe et donc financé
par l’État, a également changé. De plus en plus de jeunes filles
sépharades ont remplacé les jeunes ashkénazes. Aujourd’hui, on recense
environ 1/4 de jeunes ashkénazes et 3/4 de jeunes sépharades dans cet
établissement scolaire. Ce changement a conduit les ‘hassidim de Slonim à
créer, au sein du Bet Yaacov, une section « hassidique » dont les
conditions d’admissions seraient bien plus rigides que celles en vigueur
dans le Bet Yaacov « général ». Non pas parce que les ‘Hassidim de
Slonim ont une haine viscérale envers le monde sépharade, comme certains
l’ont prétendu, mais plutôt parce que ces ‘hassidim ont un mode de vie
très fermé et rigoureux, qui tranche avec celui des jeunes filles de la
section « générale du Bet Yaacov


À noter que certains parents sépharades, soucieux d’offrir à leurs
enfants ce type d’éducation fermée, ont accepté de se plier à ces
exigences et ont été admis, par les ‘Hassidim de Slonim, dans leur
section. Conséquence directe : dans le Bet Yaacov d’Immanouel, il y a
toujours eu des élèves sépharades dans les deux sections : la section
générale et ancienne, et la nouvelle section ‘hassidique. Ce qui exclut
dans le cas précis toute forme de sectarisme anti-sépharade au profit
des exigences religieuses des ‘Hassidim de Slonim : « Nous ne nous
séparons pas spécialement du monde sépharade, ont expliqué deux des
‘Hassidim de Slonim qui sont aujourd’hui en prison. Nous nous démarquons
aussi d’autres ‘hassidout comme celle de Belz. Nous n’avons pas les
mêmes coutumes et ce qui est considéré comme une mitsva pour Belz est
perçu comme une transgression pour un ‘Hassid de Slonim », ont expliqué
deux des pères incarcérés.


D’ailleurs, dans un rapport préparé par un juriste israélien, Mordé’haï
Bass le confirmera par la suite.




3/ Le rapport officiel qui disculpe les ‘Hassidim



Dans le courant de l’année scolaire 2007, il a été décidé, à la demande
des parents ‘hassidiques, de procéder à des travaux visant à former une
séparation quasi-hermétique entre les élèves de la section « générale » à
majorité sépharade et les élèves de la section hassidique à majorité
ashkénaze, afin d’empêcher les contacts entre les élèves des deux
sections. Choqués par cette démarche, certains parents sépharades ont
alerté, en août 2007, le ministère de l’Éducation et ont déposé une
plainte qualifiant cette séparation de sectaire. Le ministère a alors
nommé un juriste Morde’haï Bass pour enquêter. Bass s’est rendu à
Immanouel, a rencontré la directrice de l’école et s’est entretenu avec
les parents d’élèves des deux côtés. Les conclusions de son rapport sont
sans équivoques : « Certes, le Bet Yaacov d’Immanouel a été divisé en
deux écoles et ce en violation de la loi. Cependant, en dépit de cet
acte répréhensif en lui-même, il convient d’affirmer ici que la
séparation ne s’est pas faite pour des raisons sectaires et contre les
élèves sépharades. De facto, et après avoir dialogué avec les parents
des deux branches, j’affirme qu’il n’y a pas de ségrégation
anti-sépharades, d’abord parce qu’il y a des jeunes élèves sépharades
dans les deux sections et ensuite parce que les élèves sépharades qui
étaient prêtes à se soumettre aux conditions d’admission dans la section
« ‘hassidique » y ont été admises. Cependant – et c’est là un point
important – Mordé’haï Bass (qui n’est pas lui-même orthodoxe) a
recommandé que l’Éducation Nationale œuvre contre la direction du Bet
Yaacov pour ne pas l’avoir informé des travaux de séparation entrepris.



4/ Le recours de « Noar Kahala’ha » devant la Cour Suprême


C’est en 2008, alors que Mordé’haï Bass préparait son rapport « clément »
que Yoav Laloum et son association « Noar Kahala’ha » ont déposé un
recours devant la Justice en exigeant de mettre un terme à la séparation
au sein de l’école. En juillet 2008, la Haute Cour de Justice a publié
un décret demandant au ministère de l’Éducation nationale d’expliquer
pourquoi « toutes les élèves du Bet Yaacov ne reprendraient pas leurs
cours sous une seule et même enseigne et non sous un régime de
séparation qui repose sur une ségrégation ethnique interdite ».


En août 2008, une liste de critères d’admission légèrement « allégée » a
été préparée afin de permettre à plus de jeunes filles sépharades
d’entrer dans le département « ‘hassidique ». Un compromis a été trouvé
et l’Éducation Nationale a exigé que les signes de séparation, tel que
le mur qui distinguait les deux sections, soient retirés. Mais la
direction de l’école n’a pas donné suite à cette requête. Les plaignants
de Noar Kahala’ha ont déposé un nouveau recours devant la Cour Suprême
pour ségrégation. Le président Edmond Lévy et les juges Edna Arbel et
Hanan Meltzer ont tranché. Dans son verdict, le juge Lévy a admis que
chaque établissement scolaire avait le droit de créer une section dans
laquelle les critères d’admission répondraient aux attentes d’une
communauté spécifique. Mais il a affirmé que rien ne pouvait justifier
une séparation physique des élèves d’une même école durant les heures de
récréation et que rien ne justifiait l’existence de deux salles
distinctes de professeurs, etc… « En conséquence, écrit le juge Levy en
2008, le Bet Yaacov ainsi que le coordinateur du réseau
indépendant-orthodoxe, ont porté atteinte aux droits à l’égalité des
élèves sépharades et ont brisé l’équilibre raisonnable à maintenir. Et
l’Éducation nationale a failli à son rôle en ne prenant pas les mesures
nécessaires pour empêcher cette ségrégation ». Le juge a ordonné que
tout signe de ségrégation disparaisse de l’école.


Cette fois, le ministère de l’Éducation et le réseau indépendant se sont
pliés au décret de la Cour. Mais ils se sont heurtés à l’opposition
farouche des parents d’élèves de la section « ‘hassidique ». Ceux-ci ont
alors décidé de sortir leurs filles du Bet Yaacov et ont créé des
classes pirates dans des appartements d’Immanouel, avec le concours
d’ailleurs de certains des enseignants de la section ‘hassidique. Aucun
changement physique n’est intervenu dans l’école.




5/ L’hyperactivité de la Cour Suprême



– En décembre 2009, Yoav Laloum a porté plainte pour insulte à la Cour
après que, selon lui, le ministère de l’Education, le conseil local
d’Immanouel et la direction du réseau indépendant avaient violé le
verdict.


– En mars 2010, le ministère de l’Éducation a décidé de porter plainte
contre les parents ‘hassidiques pour violation de la loi sur les études
gratuites.


– Le 7 avril 2010, la Cour Suprême a décidé d’imposer au réseau
indépendant-orthodoxe une amende de 5 000 shekels par jour pour chaque
jour passé sans application du verdict. De même, la Cour a ordonné aux
parents des jeunes filles de se présenter devant le tribunal pour
expliquer pourquoi ils étaient complices d’une violation de la loi et
d’une humiliation de la Cour.


– Le 17 mai dernier, la Cour Suprême, qui décidément a consacré beaucoup
d’énergie à ce dossier, a demandé à débattre de la requête des proches
de Laloum qui réclamaient des pressions contre les parents « rebelles »
et contre le réseau indépendant. La cour a statué que l’amende imposée
au réseau indépendant serait doublée (10 000 shekels par jour) jusqu’à
ce que le verdict initial soit respecté. Chaque parent a été sommé de
prendre l’engagement qu’il enverra sa fille dans le Bet Yaacov après que
les séparations ont été levées. S’il ne se soumettait pas, il devrait
alors payer une amende de 200 shekels par jour et par parent.


À la suite de ce verdict, le rabbi de Slonim a envisagé d’ordonner à ses
‘hassidim de quitter Immanouel.


Les parents ont proposé une solution de compromis : ils se sont dit
prêts à créer un établissement scolaire entièrement privé « Patour »
sans la moindre contribution de l’État afin de pouvoir offrir à leurs
enfants l’éducation qu’ils souhaitaient. Ils ont proposé d’envoyer leurs
enfants en dehors d’Immanouel, mais leurs requêtes ont été rejetées.


– Le 15 juin, la Cour a une nouvelle fois débattu d’une requête de Yoav
Laloum. Face au refus des ‘hassidim de Slonim de ramener leurs enfants
sur les bancs du Bet Yaacov, la Cour a décrété que tout parent qui
persisterait dans ce refus serait incarcéré sans délai en prison pour
deux semaines. Il est probable qu’en proclamant cet arrêt, le juge Levy
et ses deux acolytes n’imaginaient pas la tempête sociale et politique
qu’ils allaient provoquer….


Daniel Haïk,

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