A la suite du comportement hostile de la
Turquie, deux grandes chaînes israéliennes de supermarchés ont annoncé
qu’elles ne renouvelleraient pas leur très important stock assez
conséquent de marchandises » made in Turkey « .
Rami Lévy, le directeur de l’une de ces chaînes, à l’origine de cette
initiative, a affirmé : « Notre peuple comprend qu’on ne peut pas
laisser l’économie turque se développer sur notre propre dos ! »
Coïncidence intéressante : Rami Lévy possède une grande surface en
Samarie qui se retrouve confronté à un boycott bien plus médiatisé :
celui lancé par les Palestiniens contre les produits israéliens venant
de Judée et Samarie. En effet, parmi ses nombreux employés palestiniens
certains critiquent la décision du tandem Abbas-Fayed. Hamodia a décidé
de mener une enquête sur cette opération médiatique d’envergure menée,
depuis plusieurs mois, par l’Autorité palestinienne et qui, en fin de
compte, cause davantage de tort aux Palestiniens… qu’aux Israéliens
Le boycott anti-implantations : une arme qui se retourne
contre les Palestiniens !
Cela fait maintenant un mois que l’Autorité palestinienne a initié un
boycott des produits issus des implantations juives de Judée et de
Samarie. Hamodia a enquêté sur cette opération et a rencontré des
directeurs d’entreprises situées au delà de la ligne verte, des
entrepreneurs palestiniens qui continuent à construire dans les
localités juives, des employés menacés ouvertement, et des consommateurs
venus de Hébron ou de Naplouse qui refusent de renoncer à faire leurs
emplettes dans des supermarchés israéliens.
Le moins que l’on puisse dire et que ce boycott ne fait pas
l’unanimité chez les Palestiniens.
« Vous n’allez pas mentionner mon nom dans votre article,
n’est-ce-pas ? Parce que si vous me citez, je refuse de répondre à vos
questions » : cette phrase, je l’ai entendue une dizaine de fois durant
cette enquête consacrée au boycott palestinien et à son impact. Car s’il
est un point commun à tous les Palestiniens interrogés dans le cadre de
ce dossier, c’est la peur.
La terreur, pourrait-on dire pour certains. De l’employé de
supermarché à l’entrepreneur, en passant par le Palestinien » lambda »
qui continue à faire ses courses dans des magasins juifs situés au delà
de la ligne verte, tous ont la peur au ventre.
A., un employé palestinien du supermarché » Shivouk Hashikma-Rami
Lévy » à l’entrée de la Samarie, m’a longuement parlé des mises en garde
quotidiennes qu’il reçoit de la part des fonctionnaires de l’AP.
Lorsque je lui demande si je peux le photographier, il répond avec un
regard désabusé : « Faites-le, mais vous aurez ma mort et celle de ma
famille sur votre conscience. Au mieux, je serai emprisonné sans autre
forme de procès ».
Le supermarché » Shivouk Hashikma » de Chaar Binyamin est un
microcosme très particulier . Il reflète, à lui seul, une réalité qui
est en totale contradiction avec tout ce qu’on a l’habitude de voir ou
d’entendre dans les médias, nationaux ou internationaux.
Ici, se côtoient au quotidien, habitants des implantations portant
barbes et kippot et Palestiniens de Ramallah ou de Naplouse. Les
Palestiniennes portant le tchador et les Israéliennes portant souvent un
foulard ou une perruque. Les employés y sont juifs et arabes. Sans
distinction : à Chaar Binyamin (la porte de Binyamin) personne n’a
entendu parler d’apartheid !
Entre les boîtes de cornflakes et les bouteilles d’huile, les clients
se mélangent. Ils sont voisins. Certains vivent dans des localités
mitoyennes. Et ce supermarché est le seul endroit où ils peuvent se
rencontrer puisqu’une partie vit dans les localités juives de la région
et l’autre dans des villes et villages arabes.
M. et son épouse viennent de Naplouse pour faire leurs courses. Ils
ont bien sûr entendu parler du boycott imposé par l’AP mais ils ont
choisi de le respecter à moitié : « Nous venons acheter ici parce que
nous y trouvons des produits qu’on ne nous propose pas à Naplouse. Les
prix sont sensiblement les mêmes que chez nous mais la qualité est
supérieure. Par contre, je m’efforce de n’acheter que des articles qui
n’ont pas été fabriqués dans les colonies mais uniquement en Israël.
C’est notre manière à nous de respecter le boycott ». Alh’atif Ouad – le
seul Palestinien qui ait accepté qu’on mentionne son nom – est beaucoup
moins respectueux des nouvelles règles. Ce vendeur de voitures et de
pièces détachées vient, en famille, de la lointaine Hévron, mais l’heure
et demie de voyage jusqu’à Chaar Binyamin vaut selon lui le détour :
« Je n’ai pas d’autorisation d’aller à Tel Aviv alors je viens ici. Je
peux acheter dans cette grande surface des produits que je ne trouverai
pas ailleurs. Et même s’ils sont plus chers, cela ne me dérange pas.
Ici, tout est propre, le service est agréable, les gens sont
respectueux. J’aime Israël et les Israéliens, pourquoi pas
d’ailleurs ? ».
À la sortie du magasin, deux Palestiniens vêtus de costumes sur
mesure et conduisant une voiture de luxe acceptent de se faire
interroger et nous livrent la version officielle de la politique menée
par Mahmoud Abbas et son Premier ministre Salam Fayed. Oui, ils ont
entendu parler du boycott qui est selon eux une démarche très naturelle
et une stratégie sensée. Non, ils n’ont pas l’impression de renforcer
les ’’ colons ’’ en achetant ici : « Nous sommes passés par hasard, nous
n’avons acheté que des bières. Notre gouvernement a compris que si nous
voulions un État, il fallait que les colonies disparaissent. Nous ne
pouvons pas renforcer ceux qui viennent nous coloniser. L’occupation
doit cesser. Nous sommes des hommes d’affaires et nous faisons des
affaires avec des Israéliens. Mais il y a une différence entre les
Israéliens et les colonies. Tout ce que nous voulons, c’est vivre en
paix, et ce boycott contribue à faire avancer la paix ».
Rami Lévy, propriétaire du magasin de Chaar Binyamin et de la chaîne
de supermarchés » Shivouk Hashikma » affirme à Hamodia que le boycott ne
se fait pas ressentir, pour le moment : « Rien n’a changé jusqu’ici.
Mais pour ma part, je ne comprends pas la logique de ce boycott. Nos
clients palestiniens n’achètent pas chez nous parce que c’est israélien
mais parce que la qualité est supérieure et les prix meilleur marché.
Par ailleurs, nous employons entre 1 300 et 1 400 employés arabes. À
Chaar Binyamin, ils sont environ 80.
La question que je pose à l’Autorité Palestinienne est la suivante :
vous voulez nous boycotter ? D’accord. Mais comment allez-vous trouver
un autre job à mes employés ? Pour chaque poste que je propose, je
reçois 100 candidatures. Pourquoi selon vous ? Parce que je propose un
salaire supérieur, des conditions de travail auxquelles les Palestiniens
n’ont pas été habitués, un relationnel patron-employé fait de respect
et de soutien ». Lorsque je lui demande l’autorisation d’interviewer
quelques-uns de ses employés, Rami Lévy m’affirme que j’aurai bien du
mal à en dénicher un qui acceptera de me parler : « Ils vivent dans la
peur. On les traque. Personne dans leurs villages n’est au courant de ce
qu’ils font, sinon, ils peuvent très bien se retrouver en prison. Je
crois qu’en fait ce boycott n’a qu’un seul but : rendre les Palestiniens
aigris, sans travail, sans occupation pour qu’au bout du compte ils
choisissent de participer à des activités terroristes ».
Lévy a raison : il faut insister plusieurs minutes, avec l’aide du
gérant du magasin, qui jure que leur nom ne sera pas mentionné dans
l’article, pour que trois employés acceptent de parler. Ou presque. Le
premier, vit à Ramallah, la ville d’Abou Mazen et de Salam Fiyad. Il
affirme n’avoir jamais entendu parler du boycott : « Non, vraiment, je
vous assure. Rien du tout ». Le deuxième employé, F., est plus prolixe :
« Pour le moment, ce ne sont que des paroles en l’air. On nous promet
que si nous quittons notre emploi ici, on nous trouvera un autre boulot.
Ce sont des promesses que personne n’a l’intention de tenir. Je crois
que tout cela, c’est de la poudre aux yeux. Tout ça, c’est pour les
médias. Chaque jour, je vois des employés de l’Autorité palestinienne
faire leurs courses ici. Ils dépensent des centaines de dollars et s’en
retournent à Ramallah dans leurs Mercedes et leurs BMW. Et le boycott,
alors ? Tout ça, c’est du mensonge. Ce gouvernement est une
catastrophe ». F. est très fier d’avoir pu payer, grâce à son salaire,
les études de son fils en Égypte : « Il a déjà reçu des dizaines de
propositions de travail par l’AP. Mais je lui ai interdit de travailler
pour ces escrocs et il va bientôt partir en Arabie saoudite ».
A. a déjà reçu des menaces très claires de la part des fonctionnaires de
l’AP. « On m’a dit que si je continuais à bosser ici, on me
confisquerait mon permis de travail. Un jour que je rentrais chez moi
avec mon T-shirt portant le sigle du supermarché en hébreu, un policier
palestinien m’a arrêté et m’a dit : tu te crois à Tel Aviv ici ? Retire
ce truc tout de suite : La prochaine fois que je te surprends avec ça
sur le dos, je t’arrête ! ». Selon lui, pour le moment, les choses ne
vont pas trop mal, relativement. Mais à partir du 1er janvier 2011, les
mesures seront beaucoup plus drastiques. « À cette date, une nouvelle
loi entrera en vigueur.
Tout celui qui travaillera pour des Juifs ne pourra plus renouveler
son passeport, il ne recevra plus d’allocations et il ne pourra plus
travailler. Ils nous disent qu’ils vont nous donner un travail en
échange de celui-ci. Mais combien me proposent-ils ? 1000 shekels par
mois ? Qu’est ce que je vais acheter avec 1000 shekels par mois ? De la
farine ? Des cigarettes ? »
Laly Derai
En accord avec Hamodia