Extrait 3 (Fin) : La Révélation sinaïtique

La Révélation sinaïtique (Fin)

La Torah circule d’une génération à la suivante comme un ensemble théorique associé à des actes pratiqués régulièrement chaque jour, et à des objets accompagnant ces mêmes actes (talith, tefilines, loulav, etc.) (Dispositif de défense n°1).

Cela signifie que si le système de défense de la transmission de l’objet permet une bonne communication, à plus forte raison cela sera-t-il le cas d’un dispositif sophistiqué et combiné comme celui que nous venons de décrire. Chaque matin, nous nous attachons des tefilines identiques à celles que portèrent nos ancêtres. Le jeune garçon atteignant l’âge de la majorité (13 ans) reçoit de son père une paire de tefilines et, pour les mettre, procède de la manière dont il voit faire celui-ci. Cela ne peut être changé. Imaginons qu’un homme arrive à la synagogue et se fixe des tefilines aux lanières d’or… En réponse aux questions étonnées des présents, il s’exclame : “C’est la nouvelle mode !” Il risque tout simplement de se faire renvoyer de la synagogue ! La Michna (Souka 4, 9) rapporte qu’un jour de Soukoth, un prêtre effectua les libations d’eau (lesquelles constituent une offrande spécifique à la fête) sur ses pieds au lieu de le faire sur l’autel. La réaction ne se fit pas attendre : “Tout le peuple le lapida avec des ethroguim”…

Or, il ne s’agit pas d’une seule mitsva, d’un acte isolé, mais d’un ensemble d’actions accomplies perpétuellement, génération après génération. Comment pourrait-on introduire des modifications, mêmes minimes, dans un système dont la transmission passe par une pratique ininterrompue ?

La Torah est transmise accompagnée d’un document écrit contenant son condensé (dispositif de défense n°2).

La Torah est sans cesse étudiée et approfondie au fil de l’histoire (dispositif de défense n°3), conformément à sa propre injonction (Devarim 6, 7) : Tu les inculqueras à tes enfants et tu en parleras…, ou selon celle communiquée par le prophète Yecha’ya (59, 21) : Et Moi, celle-ci est Mon alliance avec eux, dit Hachem : Mon esprit qui est sur toi et Mes paroles que J’ai placées en ta bouche ne s’écarteront pas de ta bouche et de la bouche de ta descendance, et de la bouche de la descendance de ta descendance, dit Hachem, dès à présent et à jamais… Voilà un processus semblable à celui par lequel l’enfant déclare le mot à cinquante reprises. De fait, pas une année ne s’est écoulée dans l’histoire sans avoir été marquée par l’apparition de centaines d’œuvres toraniques ; pas un jour n’est passé sans que des milliers d’enfants aient étudié la Torah avec leurs parents ou leurs enseignants…

Les générations successives parcourues par la Torah ne forment pas une simple chaîne, mais un lacis de chaînes se déployant sur le monde entier (dispositif de défense n°4). Certaines d’entre elles se sont trouvées complètement détachées les unes des autres pendant des siècles, mais en fin de compte, elles ont toutes rejailli avec les mêmes Torah écrite et orale, les mêmes six sections de la Michna, le même Talmud babylonien, les mêmes six cent treize mitsvoth et les mêmes articles de foi. Cela ressemble aux files parallèles formées par les enfants, dans le jeu du “téléphone” : une même déformation ne peut survenir chez tous à la fois !

Les Juifs répètent quotidiennement la même prière, exécutent les mêmes commandements (dispositif de défense n°5), semaine après semaine, mois après mois, exactement comme cet exercice répétitif qui, accompli plusieurs jours durant, donne invariablement le même résultat – ce fait attestant la préservation exacte du message[1].

Ceux qui ont transmis la Torah ont considéré celle-ci avec un sérieux sans égal (dispositif de défense n°6). Rabbi Yichma’el a déclaré à son disciple Rabbi Méir, qui était scribe : “Mon fils, sois vigilant à l’ouvrage, car celui-ci est une œuvre sacrée ! Si tu omettais ou ajoutais une lettre [au Séfèr Torah que tu écris], tu te trouverais en train de détruire le monde entier !…” (‘Erouvin 13a).

Ayant saisi l’importance extrême de leur rôle, les Maîtres chargés de la transmission de la Torah n’ont économisé aucun effort pour la communiquer aussi précisément que possible, et ils y sont parvenus d’une manière exceptionnelle. La Torah est recopiée par des hommes. Or, la reproduction d’un document contenant plus de trois cent mille lettres mène forcément à certaines erreurs ; à plus forte raison en sera-t-il ainsi des transcriptions suivantes. Au terme de nombreuses années, il y a tout lieu de s’attendre à l’émergence de multiples versions, différant les unes des autres par des lettres, voire par des mots entiers.

De fait, dans les livres copiés – y compris dans ceux dont les scribes avaient tout intérêt à se préoccuper de leur parfaite exactitude – diverses altérations se sont glissées. Prenons pour exemple les Évangiles, pierre angulaire du christianisme. Il s’agit d’un livre relativement court – comprenant environ cent quarante mille lettres – âgé de quelque mille neuf cents ans. Or, il en existe actuellement de très nombreuses versions, alors que la Torah – qui ne fait pas moins du double en taille et en âge – a été conservée dans son intégralité, auprès de toutes les communautés, dans toutes les régions de la diaspora, sans aucune différence significative8 !

Plus d’une fois, nous avons entendu parler de Juifs qui se sont montrés prêts à renoncer à tous leurs biens, voire à se jeter dans les flammes pour sauver un séfèr Torah…

Chaoul : Le texte des rouleaux de la Torah est d’une grande précision, et il existe assurément un important dénominateur commun entre les Juifs pratiquants issus de toutes les communautés. Mais que fais-tu de toutes les ma‘hloqoth, les divergences d’opinions ? Comment ont-elles vu le jour ? Ne constituent-elles pas la preuve criante d’une inexactitude cybernétique ?

El‘hanan : Des désaccords existent, certes, mais considérons-les dans leur juste perspective et leur exacte proportion. En effet, malgré ces discordances, 95 % de l’ensemble demeurent dans le consensus, et cette “part du lion” inclut tous les éléments fondamentaux – les treize articles de foi9, les vingt-quatre livres du canon biblique, les six traités de la Michna, le Talmud babylonien, etc. qui sont communs à tous. Les discordances s’appliquent à des détails de la pratique, alors que les fondements de la Torah et toutes les mitsvoth sont adoptés pareillement par tous. Il n’existe aucune discussion quant à la forme ou à la configuration des tefilines, sur les lois de chabath, etc. Les divergences se limitent aux seuls domaines où il n’y a pas eu de décision formelle et où il était clair que des désaccords pourraient surgir.

Le judaïsme a développé une puissante motivation et encouragé une volonté de transmettre le message dans toute son exactitude (dispositif de défense n°7), en exaltant abondamment les qualités de ceux qui s’adonnent à l’étude de la Torah et qui la communiquent avec précision. L’abnégation et les innombrables sacrifices déployés en faveur des moindres détails des commandements ont exprimé cette motivation tout au long de l’histoire juive, dans toutes les régions de la diaspora. Combien de mères juives ont-elles élevé autour de la Torah cette fantastique muraille de protection appelée messirouth néfech – abnégation ?! Combien ont éduqué leurs enfants en leur disant : “Si des ennemis vous déclaraient : ‘Observez les commandements, étudiez la Torah et conformez-vous à toutes ses injonctions. Effacez-en seulement une lettre pour montrer que son intégralité ne vous tient pas tellement à cœur’, laissez-vous mourir plutôt que d’en changer un iota !…”

Maintes occasions, malheureusement, ont été données à notre peuple de prouver son abnégation pour la Torah et son attachement au Dieu d’Israël. Ni les Chrétiens, ni les Musulmans, ni les décrets qu’ils émirent, ni les potentats et leur violence ne réussirent à réprimer ce renoncement. Innombrables sont les descriptions de cet esprit de sacrifice qui accompagnent l’histoire juive. Prenons pour exemple ces quatre cents enfants qui se jetèrent à la mer pour ne pas devoir transgresser de graves interdictions de la Torah, à l’époque de l’exil romain, comme le rapporte le Midrach Raba sur Eikha (Lamentations). Lisons les récits sur l’époque des Croisades et des expulsions en tous genres, pendant lesquelles les sources de subsistance se réduisirent pour les Juifs à leur expression minimale, voire moins, et alors qu’ils auraient pu, d’un simple mouvement de main ou d’un seul mot, se voir offrir tous les privilèges auxquels avaient droit les apostats… Un grand nombre – il ne s’agissait pas seulement de talmidei ‘hakhamim et de grands Maîtres en Torah, mais beaucoup de “simples Juifs” – préférèrent la mort au parjure. Plus près de nous également, dans les sombres jours de la Choa, ils furent des multitudes à continuer de prier, d’étudier la Torah et d’observer les mitsvoth, bravant tous les décrets, les menaces de mort ou les dangers de souffrances plus amères encore que la mort. Rien n’y fit… Dans les plus terribles conditions, les Juifs se sont acharnés à étudier et à pratiquer la Torah10.

Ces récits d’héroïsme ne révèlent pas seulement la trempe de cette nation et sa fidélité à ses valeurs. Ils constituent une preuve de la précision dans la transmission de la Torah : si tant de Juifs n’ont pas renoncé au moindre de ses détails et à la moindre de ses lettres, comment ses commandements auraient-ils pu être mal transmis et dénaturés ? Quiconque désirerait adjoindre un élément à l’une de ses mitsvoth (ou, pire encore, voudrait carrément en générer une nouvelle), se ferait aussitôt rejeter. On ne le laisserait pas ajouter la moindre lettre !

Toutes ces caractéristiques forment ensemble un dispositif de défense inégalable, et confèrent l’assurance de l’impossibilité absolue de changement ou de dénaturation.

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Résumé de la “preuve historique”

Chaoul : Peux-tu me résumer ce qui a été dit jusque-là ?

El‘hanan :

1. La Torah a été donnée lors d’un événement public.

2. Cet événement de masse fut unique et ne s’est jamais répété (la Torah ayant assuré d’avance qu’il ne se produirait jamais plus).

3. La Torah se transmet selon une succession historique publique ininterrompue.

4. Il n’y a eu aucune possibilité d’“implanter” la Torah “quelque part au milieu”, et ce pour les raisons suivantes :

a. Le “transplanteur” aurait dû convaincre les masses d’accepter un système contenant entre autres des lois inhabituelles fort difficiles à comprendre.

b. Il aurait dû les persuader de telle manière que sa force de conviction laisse en leur cœur une empreinte durable jusqu’à leur dernier jour.

c. Comment donc le “transplanteur” a-t-il disparu de la mémoire nationale historique ? Où encore a disparu “l’événement de la greffe” pour que personne ne l’ait consigné ?

d. La Torah est rédigée de telle manière que le peuple ne l’aurait acceptée que de Moché au moment des faits, et non d’un homme qui serait arrivé plus tard.

e. Elle a été donnée comme une seule et même entité.

5. Le syndrome du “téléphone réparé” :

a. Répétition ininterrompue.

b. Chaînes de transmission parallèles.

c. Étude jour après jour.

d. Transmission exacte des commandements actifs, accompagnée d’une étude approfondie.

e. Les principes essentiels sont transmis par écrit.

f. Récompense pour les zélés, et punition pour les négligents.

g. Éveil du sentiment de responsabilité par le développement de la motivation.

h. Abnégation pour que ne soit modifié aucun détail.

6. Il est écrit dans la Torah que sa rédaction fut achevée quand les enfants d’Israël étaient encore dans le désert. Cette Torah, libellée près des événements décrits par elle, et donnée au peuple qui les vécut, constitue un argument supplémentaire selon lequel toutes les conjonctures dépeintes qui apparurent aux yeux du peuple se déroulèrent effectivement de la façon relatée. Tu ne peux en effet raconter à un peuple des événements auxquels il a assisté, à un moment où personne n’a rien vu. Et si cela n’était pas vrai et que les enfants d’Israël n’avaient pas reçu la Torah alors qu’ils étaient dans le désert, cela signifierait qu’il s’agit d’un document contrefait. Or, il n’est pas possible de falsifier une pièce si complexe et si longue sans que cette déformation ne soit découverte et rejetée.

7. Les neumes – signes de cantillation – en guise d’exemple de la précision de la Tradition : dans toutes les communautés, ils sont restés les mêmes.

8. La conformité des mois de l’année dans tous les points de la diaspora – les fêtes y ont toujours été célébrées à la même date.

9. Transmission de la Torah par le biais d’autorités ayant recueilli l’ordination.

10. Le rouleau originel de la Torah fut conservé pendant 850 ans, et lorsqu’il fut dissimulé, la Torah avait déjà été diffusée dans toutes les régions du monde. Il y est dit explicitement que l’on ne peut modifier aucun détail des commandements ou y adjoindre quoi que ce soit. Personne n’a donc rien ajouté au livre après qu’il fut transmis.

11. De multiples mitsvoth ont été enjointes aux enfants d’Israël afin qu’ils se souviennent de la sortie d’Égypte. Or, on ne pourrait guère accomplir des actes “en souvenir” d’un événement que l’on ne se rappellerait aucunement…

12. Les descriptions de miracles transmises de génération en génération – des prodiges auxquels les masses assistèrent et qui se prolongèrent longtemps.

13. La description détaillée des événements présentée par le Texte se révèle comme exacte également sous l’éclairage archéologique. Même plus : une telle précision atteste en soi l’époque de la rédaction de la Torah ; c’est uniquement près des faits que l’on a pu écrire sur eux avec tant d’exactitude.

El‘hanan : Voyons maintenant comment ce qui vient d’être dit constitue un argument logique et répond aux remises en cause du reniement :

À partir du moment où la Révélation sinaïtique est un fait historique, et où les descriptions de la sortie d’Égypte et de la vie dans le désert relatent des événements qui se sont bel et bien produits, nous savons qu’une Force domine la nature et l’histoire (n°13 – descriptions des miracles), et qu’Elle a donné la Torah comme manuel d’utilisation destiné au fonctionnement de l’homme et du monde, d’où le devoir d’observer ces instructions.

Chaoul : Comment saurons-nous que la Révélation et tous les événements constituent des faits historiques probants ?

El‘hanan : Un événement public (n°1) qui se transmet de génération en génération (n°3), dont il a été assuré qu’il serait absolument unique dans toute l’histoire, ajouté au fait que personne n’ait réussi à l’imiter ou à en innover un semblable montre qu’il est impossible de l’inventer, ou que celui qui a assuré que l’on ne trouverait jamais un tel récit savait ce qui se produirait dans l’avenir. Il est absolument inconcevable de commencer une histoire pareille au milieu – la “greffe” aurait échoué (n°4).

Des millions de Juifs par-delà toutes les frontières géographiques et historiques observent les mitsvoth en souvenir des événements qui se produisirent dans le désert (n°11). Or, il est impensable, pour qui ne se souvient pas, de se lancer dans l’accomplissement de tels commandements.

La Torah se présente comme celle ayant été donnée au peuple qui vécut les événements par elle rapportés. Si cela n’était pas vrai, cela signifierait que le document est contrefait. Or, nous avons montré qu’il est absolument impossible de falsifier une pièce pareille (n°6).

Chaoul : Et comment saurons-nous que la description a été transmise avec exactitude sans subir d’altérations ?

El‘hanan : Le critérium du “téléphone salubre” (n°5) garantit que le message est passé avec exactitude dans ses moindres détails – il préserve la justesse de la transmission et de l’histoire biblique telle qu’elle est exprimée dans les paragraphes 7, 8, 9, 10, 11, 13.

Conclusion : La Torah a été donnée au Sinaï, par une Force surpassant la nature et l’histoire, et ses moindres éléments sont précis.

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[1]. Cette idée permet également de répondre à la question souvent posée : quel sens a cette obligation de prier selon un rituel fixe et d’accomplir chaque jour les mêmes actes ? Le phénomène de l’habitude n’est-il pas galvaudant ? N’eût-il pas mieux valu servir Dieu spontanément, et donc de manière sincère ?

Le fait qu’il s’agisse d’actes récurrents constitue en soi un système de défense “cybernétique” assurant que la Torah s’est perpétuée dans son exactitude sans aucune déformation. (Cela était dit en passant, mais n’explique pas la raison majeure d’un service divin fixe.)

8. À l’exception de quelques lettres en plusieurs endroits du Texte, comme dans le terme (Devarim 23, 2) daka qui se termine avec un alef ou un hé, ou dans des mots aux graphies pleine ou défective, ce qui ne change cependant absolument rien à la signification ou au décompte des mots de la Torah.

9. Bien qu’il existe diverses opinions concernant ce qu’il y a lieu de compter parmi les principes fondamentaux de la foi juive (Maïmonide et l’auteur du Séfèr ha‘Iqarim), il n’y a aucune discussion quant au fait qu’ils sont tous justes, précis et impératifs.

10. Nous conseillons vivement à ce sujet les ouvrages haGuevoura haA‘héret de Ye‘hiel Graendtsein, et la série d’ouvrages biQedoucha ouviGuevoura de Yehochoua’ Eibeschuetz. [N.D.T.] De même, en français : Des ténèbres à la lumière de Rav ‘Ezriel Tauber (Éditions Emounah).

Titre: Expédition vers les hauteurs du Sinaï;

Auteur: Rav Mordekhaï; Neugroeschel

Editeur: EMOUNAH

Adaptation française : Gilla PELL.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

Extrait 2 : Échec de la greffe : incompatibilité

Échec de la greffe : incompatibilité

Si la Torah avait été donnée à une époque plus tardive que celle avancée par la Tradition, il aurait été très difficile de convaincre le peuple destinataire de la recevoir. En effet, que pourra dire le “donateur” ? S’il déclare : “Elle m’a été transmise aujourd’hui et je l’ai écrite”, il lui sera aussitôt répliqué : “Il y est pourtant bien précisé : Moché écrivit cette Torah…” (Devarim 31, 9). Elle a donc déjà été rédigée par Moché.

Ainsi, le “transplanteur” ne pourra prétendre qu’il vient de l’écrire ou qu’elle vient d’avoir été rédigée. Il devra affirmer qu’elle était déjà écrite. Mais s’il ne veut pas avoir aussitôt droit à la question : “Comment n’avons-nous pas entendu parler de son existence ?”, il devra affirmer qu’elle existait bel et bien mais qu’elle s’est perdue, et qu’il l’a redécouverte ! Peut-être lui sera-t-il alors demandé : “Cette Torah ne contient-elle pourtant pas la promesse qu’elle ne sera jamais oubliée ? Ce sera, quand le trouveront des malheurs nombreux et des calamités, ce Cantique répondra devant lui comme témoin, car il ne sera pas oublié de la bouche de sa descendance… (Devarim 31, 21). Voilà qu’elle l’a quand même été, puisque personne ne se souvient d’elle, hormis vous !…” Et si notre homme racontait encore : “La Torah s’est transmise secrètement au sein de ma famille”, deux arguments pourraient lui être opposés :

a. Lorsque nous lisons, écrit noir sur blanc : Ce Cantique répondra devant lui comme témoin, nous osons espérer que ce témoignage détiendra la force de conviction qui sied à une “déposition” de Dieu. Or, un témoignage assorti d’une transmission aussi limitée est irrecevable, la déclaration d’une seule personne ne valant pas témoignage. Cela signifierait que ce verset ne s’est pas accompli. Ce fait lui-même suffirait à prouver que cette Torah n’est pas d’ordre divin et à inciter les auditeurs à repousser les paroles du “transplanteur lambda”.

b. La Torah affirme encore : Seulement garde-toi et garde vivement ton âme, de crainte que tu n’oublies les choses que tes yeux ont vues, et de crainte qu’elles ne s’écartent de ton cœur tous les jours de ta vie ; tu les feras savoir à tes enfants, et aux enfants de tes enfants, que tu t’es tenu devant Hachem, ton Eloqim, à ‘Horev [Sinaï;] (Devarim 4, 9).

Se peut-il qu’une pareille injonction, écrite en des termes si inflexibles, n’ait été observée par personne ? Et même si elle n’avait pas été respectée, comment le “transplanteur” parviendrait-il à convaincre ses auditeurs de la nécessité d’entamer une telle transmission acharnée ?

Conclusion : “Transférer” la Torah en la greffant dans une période postérieure à celle invoquée par la Tradition est impossible. Puisqu’elle n’a pu être “greffée”, il est clair qu’elle a été écrite à l’époque avancée par la Tradition et qu’elle a été donnée à des hommes qui, ayant vu les événements, avaient la possibilité de les confirmer ou les infirmer. Et puisqu’ils ont effectivement reçu la Torah, nous disposons d’une preuve supplémentaire que la Révélation s’est produite conformément aux descriptions qui en sont faites.

L’unicité de la Torah

Chaoul : Ce que tu viens de dire est fondé sur l’hypothèse selon laquelle la Torah doit avoir été donnée comme une seule entité. Mais qui peut affirmer que c’est exact ? Celui qui n’y croit pas peut toujours répliquer qu’elle a pris forme progressivement, au cours d’une longue période.

El‘hanan : Cet argument a effectivement des appuis parmi les tenants de la “critique biblique”[1]. Les fondations de cette “science” furent posées par des théologiens allemands, dans une nation qui n’était pas dépositaire de la Torah. Or, il est impossible d’étudier la Torah si l’on ne possède pas les clés confiées par la tradition de génération en génération. Heureusement, il est fort aisé de montrer à quel point leurs dires sont dépourvus de logique !

a. Le jour où la rédaction de la Torah a été achevée doit bien avoir été retenu ; comment cette date aurait-elle disparu ?

b. Comment toutes ces prétendues “phases d’élaboration” se seraient-elles effacées de la mémoire collective ?

c. Nous lisons dans le livre de Devarim (4, 2) : Vous n’ajouterez pas sur la parole que Je vous ordonne, et vous n’en retirerez pas ! Après que ce verset fut écrit, il ne subsistait aucune possibilité d’adjoindre quoi que ce soit aux commandements de la Torah. Quiconque aurait tenté d’en insérer aurait aussitôt été rejeté. Cela ressemble un peu au système de protection dont sont actuellement dotés la plupart des logiciels informatiques et grâce auquel, lorsqu’on les fait fonctionner, ces programmes sont verrouillés et imperméables à tout changement ou ajout. Dès lors que cette fonction est déployée, il est absolument impossible d’apporter la moindre modification au fichier. Un verset comme celui précité abolit toute faculté d’innovation et d’ajout de mitsvoth ou d’éléments de mitsvoth.

d. Il y a une cinquantaine d’années, le Rav Mikhaël Yossef Dov Weissmandel zts"l a réalisé des découvertes extraordinaires concernant des messages “enchâssés” dans le texte de la Torah. Généralement, il s’est focalisé sur les informations insérées dans des passages spécifiques, mais deux de ces “codes” – dits “de la Menora” et “des Quatre Espèces” – se déploient sur tous les cinq Livres du Pentateuque et dévoilent, dans le Texte entier, des structures d’une incroyable organisation. Étant impossible de prétendre que ces combinaisons sont fortuites, il est clair que ces passages où elles ont été trouvées doivent avoir été conçus simultanément par le même auteur (cf. le chapitre sur les codes, p. 125 et Appendice n°4 p. 225).

e. La transmission ininterrompue de la Torah de génération en génération montre en soi qu’il n’y a pas lieu de mettre son unicité en doute, puisque les moindres détails liés à l’application des mitsvoth ont traversé ce long enchaînement. Nous-mêmes détenons grâce à elle des connaissances sur chaque commandement – ce que sont ses composantes dictées par la Torah même (midéOraï;ta) et celles d’ordonnance rabbinique (midéRabbanan), l’époque où s’est ajouté cet élément d’application et celle où s’est adjoint celui-là. Par ailleurs, certaines mesures en vigueur depuis la période du don de la Torah – comme la lecture de la sidra le chabath, instituée par Moché Rabbénou – ne sont pas considérées comme émanant de la Torah même…

Puisque nous disposons d’une tradition très précise concernant chaque détail de la loi, l’époque et les modalités de son émergence, si quelqu’un avait présenté la Torah à un moment autre que celui avéré, comment pourrait-on l’attribuer entièrement à Moché, comme l’ayant recueillie au mont Sinaï;, alors qu’elle se serait formée au fil des générations (qu’Il nous préserve d’une telle idée !) ? Cette information aurait-elle pu disparaître ? Aurait-on réussi à la dissimuler tout au long de l’histoire ?

Nous reviendrons ultérieurement plus en détail sur cette idée de la transmission d’information au cours des générations.

Chaoul : Tu disais, au point c., que l’interdiction formulée par le verset : Vous n’ajouterez pas sur la parole que Je vous ordonne, et vous n’en retirerez pas, a le pouvoir de parer à tout ajout ou modification. Comment alors les Sages ont-ils pu, au fil du temps, adjoindre de si nombreuses interdictions aux commandements de la Torah ?

El‘hanan : Nous traiterons plus tard de la Torah orale. Je me préoccuperai pour le moment de la question suivante : Un homme peut-il déclarer : “J’ai ajouté une voiture à ma maison”, ou : “J’ai agrandi notre salle de bains avec une machine à laver ?” À une maison, on adjoint une pièce ; une voiture ou une machine à laver ne sont pas des annexes à un lieu d’habitation. Elles sont d’un autre ordre.

Les Sages n’“ajoutent” pas ; ils œuvrent, en vertu de l’autorité qui leur a été conférée, pour instituer des mesures ou réformes qui ne ressemblent aucunement aux interdictions de la Torah. Depuis des millénaires, nous savons exactement ce qui est prohibé par elle, et ce qui l’est par ordre rabbinique. De par la Torah, il est défendu par exemple de couper une branche d’un arbre le chabath, mais il reste permis de s’y asseoir. Nos Maîtres ont cependant décrété que nous ne devons utiliser l’arbre d’aucune manière. S’ils avaient dit que tirer usage d’un arbre est interdit par la Torah au même titre que ses autres prohibitions, ils auraient enfreint la défense : Vous n’ajouterez pas. Mais ce qu’ils disent est tout autre, et ce qu’ils ont généré (en employant, encore une fois, les pouvoirs qui leur sont attribués), est une prohibition d’un type inédit, différent à tous points de vue des interdictions de la Torah. Le châtiment encouru par celui qui la transgresse diffère d’ailleurs également de la condamnation entraînée par la violation des proscriptions de la Torah. Il ne s’agit donc aucunement d’un “ajout”.

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La précision de la Torah

Chaoul : Peut-on prouver “historiquement” la Révélation du Sinaï; ?

El‘hanan : Permets-moi de te répondre par une autre question : existe-t-il, à ton avis, des événements passés ou des hommes ayant vécu à des époques lointaines que tu puisses considérer comme des faits objectifs, ou comme des personnalités ayant existé et agi dans la réalité effective ?

Chaoul : De nombreux événements et hommes sont perçus par les chroniqueurs comme des faits historiques avérés et nous autres, à leur suite, les considérons également comme tels.

El‘hanan : Peux-tu citer quelques-uns de ces personnages ou événements perçus par les historiens comme des faits incontestés ?

Chaoul : Alexandre le Grand, George Washington, les guerres napoléoniennes…

El‘hanan : Comment les chroniqueurs savent-ils qu’un événement s’est réellement produit ? Prends le plus formel, celui qu’ils considèrent comme ne pouvant aucunement être mis en doute, et examine les raisons pour lesquelles les hommes de science sont convaincus qu’il a assurément eu lieu. Dénombre les critères auxquels l’événement en question doit répondre pour être jugé comme formel, et je m’engage moi-même à démontrer trois choses :

1. Que ces critères sont tous réunis dans la “Révélation sinaï;tique”.

2. Qu’aucun événement historique ne répond à ces critères aussi intensément que la Révélation.

3. Qu’il existe d’autres raisons en vertu desquelles il y a lieu de considérer la Révélation comme un événement historique irrécusable – raisons qui ne s’appliquent à aucune autre occurrence.

Sais-tu quels sont ces critères ?

Chaoul : Avant tout : une continuité historique intensive. En d’autres termes, une information qui se déverse de manière ininterrompue par des canaux de transmission nombreux, variés et indépendants les uns des autres.

2. L’événement en question s’est produit en présence de nombreux témoins.

3. Des documents, ou pièces à conviction – apparaissant généralement dans les fouilles archéologiques – certifient l’événement, tout comme la confrontation des informations émanant de sources diverses.

El‘hanan : Eh bien, nous verrons que la Révélation et les événements décrits par la Torah répondent à toutes ces conditions, et ce avec une intensité inégalable.

Le syndrome du “téléphone cassé”

Chaoul : Comment donc la Torah, qui regorge de détails si abondants, a-t-elle supporté sa longue transmission ? Comment un système si sophistiqué a-t-il pu résister sans dommage à la succession de nombreuses générations et conserver sa précision ?

Prends pour exemple le jeu du “téléphone” dont tu connais certainement le principe : des enfants s’asseyent l’un à côté de l’autre. Le premier chuchote un mot ou une phrase à l’oreille de son camarade assis près de lui, lequel le murmure au suivant, et ainsi de suite jusqu’au dernier participant de la rangée, qui formule à haute voix le vocable ou le message qui lui est parvenu. Il est souvent amusant de constater les bouleversements “cybernétiques” subis par le communiqué à mesure qu’il s’est éloigné de sa source…

Par exemple : l’enfant assis en première place choisit le terme “table”, lequel est entendu “câble”, puis retransmis “cale”, arrive chez le suivant sous la forme de “balle” pour être finalement prononcé “malle” par le dernier de la rangée. Au cours de cette altération plausible et graduelle, la “table” s’est transformée en “malle”.

Qu’est-ce qui, selon toi, aurait pu obvier à de telles falsifications ? Une chaîne de déformations dont chaque maillon est léger et imperceptible ne se déploiera-t-elle pas aussi dans la transmission de la Torah – dans la transcription de l’écrite et dans la communication de l’orale ?

El‘hanan : Pour te répondre, je te propose d’employer précisément l’exemple que tu viens d’utiliser. Organisons une partie de “téléphone”, en lui aménageant cependant des “dispositifs de défense” aptes à prévenir la moindre entorse à l’exacte transmission du message. Nous pouvons ainsi ériger sept systèmes de sauvegarde, dont chacun permette à lui seul d’éviter toute dénaturation lors de la communication du message :

Système de défense n°1 – Chaque enfant transmet, outre le mot, l’objet qu’il désigne. S’il prononce le mot : “table”, il lui incombera de passer une petite table à son camarade. Ce dernier, qui entend le vocable et recueille l’objet désigné, ouï;ra ainsi bel et bien “table”, et non la moindre variante. Même s’il entendait autre chose, il saurait qu’il doit immédiatement vérifier de quoi il s’agit, puisqu’il se rendrait compte de la contradiction entre ce qu’il a entendu et ce qu’il a reçu.

Une partie qui se déroule suivant cette règle ne peut donner lieu à un “téléphone cassé”… On peut présumer que le premier mot parcourra la séquence des participants sans subir d’altération.

Système de défense n°2 – Le premier enfant fait passer un petit billet contenant les têtes de chapitres du message transmis ou une allusion à son sujet.

Système de défense n°3 – Chaque enfant répète cinquante fois le mot à son camarade. Dans de telles conditions, le terme sera assurément transmis avec précision. Même si dix fois sur les cinquante, l’auditeur entend diverses variantes du vocable indiqué, il l’aura entendu précisément dans la majorité des communications.

Imaginons qu’il entende à quarante reprises “chameau”, et dix fois les composantes issues de ce mot – par exemple “chat”, “mot” – l’analyse de ces erreurs le conduira à la conclusion que le terme introduit était bel et bien “chameau”. Si malgré tout le doute le prenait, il demanderait des éclaircissements. Une partie se déroulant selon ces principes ne pourra non plus laisser place à des confusions.

Système de défense n°4 – Nous formerons dix colonnes de cinq enfants chacune. Tous ceux assis au premier rang conviendront de prononcer le même mot. Si les derniers de chaque file émettent le même terme, nous saurons qu’il a été transmis avec précision. Car il est inconcevable qu’une erreur identique se soit glissée dans toutes les rangées.

Système de défense n°5 – Nous nous exercerons pendant dix jours consécutifs, chaque jour avec nos états d’âme et notre niveau de concentration spécifiques. Si durant cette période, les participants sont tous parvenus au même résultat, nous serons assurés et habilités à affirmer qu’aucune falsification ne s’est immiscée en chemin.

Système de défense n°6 – Prévenons formellement les enfants : tout perturbateur sera sévèrement puni, alors que le fidèle transmetteur sera dûment récompensé. La crainte du châtiment encouru et l’attente de la gratification promise stimuleront chacun d’eux à réaliser une retransmission aussi exacte que possible.

Système de défense n°7 – Nous développerons la motivation des participants en soulignant combien la retransmission précise profite à la société, à l’humanité, etc. afin d’accroître leur désir d’exactitude.

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En pratique, chacun de ces systèmes de défense suffit par lui-même à atténuer le risque d’altération au minimum, voire à s’assurer qu’aucune déformation ne s’ingérera. À plus forte raison si nous réussissons à mettre en place une partie où les sept mécanismes agiront simultanément : les enfants prononceront le mot en transmettant l’objet désigné ; répartis en dix rangées, ils répéteront quotidiennement le terme à cinquante reprises pendant dix jours, après que nous aurons suscité chez tous une haute motivation en leur faisant miroiter une récompense et en les menaçant de sévères châtiments, en leur montrant la noblesse de la tâche, son importance et ses enjeux. De surcroît, il leur aura été transmis un petit billet contenant une allusion au mot ou les grandes lignes du message à communiquer. Dans de telles conditions, une méprise devient réellement impossible…

Eh bien, nous verrons que la Torah a été transmise de génération en génération, sous la haute garde de ces sept systèmes (et d’autres encore) de défense empêchant toute dénaturation.

La Torah est transmise d’une génération à la suivante au fil d’une chaîne historique ininterrompue.

La continuité historique, comme nous l’avons dit, constitue l’élément clé de la recherche annaliste. Des événements rapportés de manière incessante sont considérés comme des faits avérés. La biographie d’une grande figure comme Alexandre le Grand se transmet d’une génération à la suivante comme une histoire qui s’est déroulée en présence de multitudes. Si ce personnage était le fruit d’une invention et donc que nul ne l’avait vu, il serait difficile d’expliquer comment on a pu imaginer l’homme et sa chronologie et convaincre les foules de leur tangibilité.

Prenons l’histoire de Mahomet selon laquelle il vit l’ange Gabriel alors qu’il était seul dans le désert, et qui circule de génération en génération, au fil d’une constance historique soutenue. Nous savons, certes, que l’homme a existé – des multitudes l’ont vu ! Nous ne savons cependant rien quant à l’authenticité de son récit, du fait que même d’après leur version, personne hormis lui-même ne le vit rencontrer l’ange Gabriel… Nous savons donc qu’a existé un dénommé Mahomet, nous savons également qu’il a assuré avoir vu l’ange Gabriel. Mais l’a-t-il vraiment vu ? À cela, il faut croire d’une foi aveugle dont l’objet ne peut être prouvé, puisque, encore une fois, personne n’était présent pour pouvoir l’attester.

Évidemment, n’imaginons pas que n’importe quel récit lié à un événement survenu en présence d’une multitude puisse être recueilli d’un cœur entier par les masses et être transmis tel quel d’une génération à la suivante.

La Torah nous est parvenue jusqu’à nos jours suivant une continuité historique intensive qui ne trouve sa pareille dans les annales d’aucune autre nation. Personne au monde ne peut nommer, parmi les diverses générations, des individus ayant eu pour mission et objectif de transmettre l’histoire d’Alexandre le Grand. La continuité historique marquant les récits qui lui sont liés est absolument indéterminée. La Torah parcourt quant à elle une chaîne chronologique nominative et détaillée. Le fil historique de sa diffusion est rigoureusement daté ; nous savons qui étaient les chefs spirituels de chaque génération à avoir transmis la Torah à la suivante. Nous connaissons leurs époques de gloire et d’influence, nous savons à quel moment chacun est décédé et a transmis le sceptre de l’autorité aux dirigeants suivants de la postérité. Une succession historique aussi dense et claire voue à l’échec toute tentative de “transplanter” un récit fictif.

Les noms des dirigeants de la nation – qui furent les chefs de la transmission de la tradition – nous sont connus pour chaque génération. Nous savons aussi de nombreux détails à leur sujet, sur leur caractère, sur les paroles qu’ils avaient coutume d’émettre, sur les événements qui se produisirent à leur époque – y compris ceux qui marquèrent leur vie privée. Des descriptions de leur visage et de leur corps ont même été parfois conservées. Face à une telle profusion de détails, il n’y a aucune raison de supposer qu’un système éminent comme la Torah ait pu subitement être introduit sans laisser d’empreinte.

Cette Torah transmise est elle aussi détaillée à l’extrême. Quiconque prétend que quelqu’un a inventé le récit ne tient pas compte du fait qu’une telle personne aurait dû assumer une mission fort ardue : cet homme aura dû convaincre tous ses auditeurs de l’exactitude de chaque détail. Généralement, les récits historiques reconstitués se caractérisent par des dates “rondes”. Lorsqu’on parle d’anciennes dynasties égyptiennes “reconstituées” par les chercheurs, on avance des chiffres tels que 2000 ou 3000 ans avant l’ère chrétienne, etc.[2]. En effet, comment peut-on venir si longtemps après et accéder à des informations précises jusqu’au chiffre des unités ?

La Torah, en revanche, regorge de nombres exacts ; elle rapporte le décompte précis des hommes d’armée de chaque tribu, quand le peuple hébreu entra dans le désert puis en sortit[3]… Si toutes ces données n’avaient pas été consignées au moment des événements et si elles n’avaient pas été fournies à des personnes qui connaissaient les détails et les nombres précis, comment celles-ci ont-elles convaincu les multitudes de les accepter et de s’y fier ?

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[1]. Pour de plus amples détails sur la réfutation de ces diverses théories liées à la lecture du Texte, il est fort conseillé d’étudier l’ouvrage du professeur Rav David Tsvi Hoffmann : Reayoth makhri‘oth néguèd Wellhausen (“Arguments déterminants contre Wellhausen”), ainsi que l’excellente introduction à son commentaire sur le livre de Vayiqra. Nous recommandons également l’article d’Aron Barth consacré à ce sujet, dans Aux questions actuelles… des réponses juives (Éd. fr. : Fondation Séfèr), ainsi que la série de livres de Rav Yits‘haq Eiziq Halévi Doroth Richonim, ou encore E‘had haya Yecha’yahou de Ra‘hel Margaliyoth.

[2]. Une plaisanterie populaire raconte qu’un touriste, ayant vu un immense dinosaure reconstitué dans la grande salle d’entrée du Musée d’Histoire Naturelle de Washington, demanda au gardien : “Quel âge a-t-il ? — Deux milliards d’années, cinq mois et deux jours”, fut la réponse. Le visiteur ne put réfréner sa stupéfaction : “Comment êtes-vous arrivé à une telle exactitude ?” Et le veilleur de répondre : “Il y a juste cinq mois et deux jours, une délégation de spécialistes est venue, et le professeur responsable a expliqué à ses membres qu’un tel dinosaure avait deux milliards d’années. Puisque cela remonte à cinq mois et deux jours, il a donc aujourd’hui exactement deux milliards d’années, cinq mois et deux jours…”

[3]. Dans le livre de Bamidbar 2, 5-6 : “Et ceux qui campent près de lui [Yehouda] : la tribu de Yissakhar […] et sa légion, selon son recensement : cinquante sept mille quatre cents (!)” Le verset 15 donne le décompte de la tribu de Dan : “Et sa légion, selon son recensement : quarante-cinq mille et six cent cinquante…” Ce dénombrement est ainsi détaillé pour chaque tribu.

Titre: Expédition vers les hauteurs du Sinaï;

Auteur: Rav Mordekhaï; Neugroeschel

Editeur: EMOUNAH

Adaptation française : Gilla PELL.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

Extrait 3 : La preuve de l’existence

« La lumière infinie : A propos de Dieu »

3. La preuve de l’existance

On raconte que Frédéric le Grand, roi de Prusse, demanda un jour à son aumônier, un pasteur luthérien, de lui fournir la preuve visible de l’existence de Dieu. La réponse tint en deux mots : « les Juifs ».

La présence de Dieu n’est pas, pour le Juif, un sujet de réflexion philosophique. Elle est liée à notre histoire même. Nous avons assisté à la montée en puissance des Babyloniens, des Perses, des Phéniciens, des Hittites, des Philistins, des Grecs, des Romains et de toutes les nations de l’antiquité païenne, et nous avons été également les témoins de leur effondrement. Ces grandes civilisations ont toutes grandi, pour atteindre leur maturité et ensuite disparaître. C’est là le modèle de l’histoire auquel tous les peuples antiques se sont conformés. Nous sommes la seule exception, toujours là pour lire et écrire des livres.

Notre longue destinée est marquée par une survie miraculeuse et une croissance continue. Notre peuple a traversé des milliers d’années de persécutions, d’esclavages, de massacres, d’exils, de tortures, d’inquisitions, de pogroms et de camps de la mort. Nous avons été réduits en esclavage par les Egyptiens, massacrés par les Philistins, exilés par les Babyloniens, dispersés par les Romains, décimés et poursuivis partout en Europe. Et pourtant, miracle extraordinaire, nous sommes là !

On ne trouve absolument aucune explication historique qui puisse rendre compte scientifiquement de ce miracle. Des recherches ont pu établir que certains peuples détenaient des records de longévité inhabituels, mais aucune de ces performances n’est comparable à la nôtre.

L’Empereur Hadrien, raconte le Midrach10, fit remarquer un jour à Rabbi Yehochou’a : « Il doit être grand, l’agneau Israël, pour pouvoir survivre parmi soixante-dix loups. » La réaction du maître fut : « Grand est le Berger, qui le sauve et le protège. »

Nous connaissons tous ce passage de la Haggadah de Pessa’h qui reprend le même thème :11

C’est cette promesse qui nous a soutenus,

Nous et nos ancêtres.

Car ce n’est pas un seul ennemi

Qui s’est élevé contre nous pour nous exterminer ;

A chaque génération

On s’élève contre nous pour nous anéantir,

Mais le Saint, béni soit-Il, nous sauve de leurs mains.

Ce miracle extraordinaire de la survie de notre peuple, unique dans les annales de l’histoire, ne peut pas être dépourvu de signification. Pour voir un vrai miracle, il suffit de se regarder dans une glace : il n’en est pas de plus grand que l’existence, après quatre mille ans, d’un Juif.

Tel est le message que Dieu nous a fait transmettre par Son prophète : « Vous êtes Mes témoins, dit Dieu, comme Je suis votre Dieu » (Isaïe 43, 12). Le Midrach explique que Dieu est reconnu comme tel parce que notre seule existence porte témoignage sur Lui.12 Notre pérennité est destinée à faire de nous, d’une certaine manière, les témoins de Dieu.

N O T E S

10. Tan’houma, Toledoth 5.

11. Vehi Chéamdah, dans la Hagadah de Pessa’h.

12. Sifri (346) sur Deutéronome 33,5 ; Midrach Tehilim 123,2 ; Pessikta 12 (102b) ; Yalkout 1,275, 2,317 ; Abarbanel ad loc.

Titre: La lumière infinie : A propos de Dieu

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

Extrait 2 : La prise de conscience

« La lumière infinie : A propos de Dieu »

2. La prise de conscience

Une anecdote particulièrement éclairante nous aidera à mieux comprendre le sujet 6:

Un philosophe affirma un jour à Rabbi Méir : « Je ne crois pas en Dieu. Pour moi, l’univers s’est créé seul, spontanément, sans intervention extérieure. » Rabbi Méir ne répondit pas. Quelques jours plus tard, il se présenta chez le philosophe, tenant à la main un magnifique poème, calligraphié avec art sur un délicat parchemin blanc. Le philosophe admira le parchemin et demanda : « De qui est ce magnifique poème ? Quel est le scribe émérite qui l’a copié ? » Rabbi Méir secoua la tête et répondit : « Erreur ! Il n’y a ni poète ni scribe. Voici ce qui est arrivé : le parchemin était posé sur ma table, à côté d’un flacon d’encre. Un chat a malencontreusement renversé le flacon et a répandu le liquide sur tout le parchemin. Ce poème n’est rien d’autre que le résultat de son geste. » Le philosophe regarda Rabbi Méir avec stupéfaction et lui dit : « Mais c’est impossible ! Un si beau poème ! Une si parfaite écriture ! De telles choses ne peuvent pas s’être créées d’elles-mêmes. Il faut qu’il y ait eu un poète ! Il faut qu’il y ait eu un scribe ! » Rabbi Méir, avec un large sourire, lui répondit alors : « Vous vous êtes vous-même donné une réponse ! Comment l’univers, qui est bien plus beau qu’un poème, a-t-il pu se créer lui-même ? Il faut qu’il y ait eu un Auteur ! Il faut qu’il y ait eu un Créateur ! »

Ce que, bien évidemment, Rabbi Méir voulait mettre en évidence, c’est l’argument tiré de l’existence d’un plan. Le monde où nous vivons apparaît bien planifié et doté d’un but. Tout ce qui compose la nature est bien à sa place. On y trouve des créatures, comme l’être humain, extraordinairement complexes. Comment un homme normalement constitué peut-il véritablement croire que tout cela n’a pas eu d’Auteur ?

Selon le Midrach, c’est de cette manière qu’Abraham a pris conscience de l’existence de Dieu. Il s’est dit : « Est-il possible qu’un château brillamment illuminé n’ait pas de propriétaire ? Peut-on dire que ce monde existe sans qu’il y ait eu un Créateur ? »7

En définitive, ne pas voir Dieu représente une certaine forme de cécité. C’est ce qu’a voulu dire le prophète :

O perversité ! Le potier mis sur le même plan que l’argile ! L’œuvre disant de l’ouvrier : « Il ne m’a pas fabriquée ! » Le vase disant de celui qui l’a créé : « Il n’y entend rien ! » (Isaïe 29, 16).

Notre tâche, c’est de savoir poser les bonnes questions. Sur le verset : « Levez les regards vers les cieux et voyez ! Qui a créé cela ? » (Isaïe 40, 26), le Zohar explique8 : le monde que nous percevons est cela, en hébreu : Eléh. Regarde cela, et demande : Qui (en hébreu : Mi). La combinaison des lettres des deux mots Eléh et Mi (cela et qui) forme Elohim, l’un des noms de Dieu. En d’autres termes, sachons poser les bonnes questions, et Dieu apparaÎtra dans les réponses.

Il suffit de se regarder soi-même pour voir l’ouvrage du Créateur. Le fait de pouvoir penser, de pouvoir bouger la main, c’est là le plus grand des miracles. C’est ce qu’a reconnu le Psalmiste : « Je te rends grâce de m’avoir si merveilleusement distingué » (Psaumes 139, 14).

Tout ceci est résumé dans le verset : « De ma chair, je verrai Dieu » (Job 19, 26)9. En d’autres termes, je peux voir Dieu dans le fait même qu’il existe une chose aussi miraculeuse que ma chair.

N O T E S

6. ‘Hovoth Halevavoth, fin de 1,6.

7. Beréchith Rabba 39,1.

8. Zohar 1,2a.

9. ‘Hovoth Halevavoth 2,5 ; Pardès Rimonim, 8,1 ; Chenei Lou’hoth Haberith (Cha’ar Hagadol), Jérusalem 5720, 1,46b. Cf. Beréchith Rabba 48,2.

Titre: La lumière infinie : A propos de Dieu

Auteur: Arieh KAPLAN

Editeur: EMOUNAH – NCSY/ORTHODOX UNION

Adaptation française : Jacques KOHN.

Le livre est en vente dans les librairies juives.

YITHRO 2



Yithro prêtre de Midyan, beau-père de Moché, entendit tout ce que Dieu avait fait pour Moché et pour Israël Son peuple, que Hachem avait fait sortir Israël d’Egypte. (18, 1)

Il s’est produit ici une inversion des rôles, fait remarquer Rachi. Dans ce verset, la Tora confère à Yithro l’honneur d’être « le beau-père de Moché ». Or, il est rapporté plus haut (4, 18) : « Moché alla, il retourna chez Yèthèr, son beau-père », impliquant que c’est lui qui se glorifiait alors de sa parenté avec Yithro, et non l’inverse.

YITHRO 1


Yithro prêtre de Midyan, beau-père de Moché, entendit tout ce que Dieu avait fait pour Moché et pour Israël Son peuple, que Hachem avait fait sortir Israël d’Egypte. (18, 1)

Qu’a-t-il entendu qui l’ait incité à quitter Midyan et à venir chez Moché ? Le partage de la mer et la guerre contre ?Amaleq, explique Rachi.
La division de la mer a été certainement le miracle le plus extraordinaire de toute l’histoire de l’humanité, fait observer Rav Eliyahou Lopian.

Selon l’enseignement de nos Sages (Mekhilta sur 15, 2), ce qu’a vu alors une simple servante a surpassé même les visions du prophète Ye?hezqel ! Il est donc fort compréhensible qu’un individu ayant entendu parler de ce prodige se soit précipité pour rejoindre les Hébreux.

BO



Hachem dit à Moché : « Viens vers Pharaon ! Car Moi J’ai endurci son c?ur et le c?ur de ses serviteurs, afin que Je mette Mes signes-là en son milieu. Et afin que tu publies aux oreilles de ton fils et de ton petit-fils ce que J’ai accompli en Egypte, et Mes signes que J’ai placés en eux ; vous saurez que Je suis Hachem. » (10, 1-2)

Pourquoi Hachem a-t-Il ordonné à Moché de « venir vers Pharaon » et non, comme il eût été normal, d’« aller » chez celui-ci ? s’interrogent les commentateurs.

Cette expression est employée quand on s’adresse à un homme indécis, qui ne sait que faire ni où aller, explique Rav Yehochou?a Leib Diskin. Dans un tel cas, on l’exhorte avec douceur en lui disant : « Viens ! »

VAYICHLA’H


Dans son introduction à cette paracha, le Ramban écrit que nos Sages l’ont toujours considérée comme une préfiguration des futures expériences des Juifs dans l’exil. Toutes les fois que Rabbi Yannaï devait aller à Rome, à la cour royale d’Edom, pour plaider la cause de notre peuple, il réétudiait, avant de l’adapter aux circonstances, le récit des rapports de Ya‘aqov avec ‘Essaw.
Cette paracha nous apprend comment le Saint béni soit-Il a sauvé Son fidèle serviteur des griffes d’un ennemi plus puissant que lui, et a envoyé un ange spécialement chargé de veiller sur sa sécurité. Elle nous révèle aussi les vastes efforts que notre Patriarche a déployés pour se défendre, sans se contenter de rester immobile en se fiant à ses mérites et en attendant que Hachem le fasse bénéficier d’un miracle.