Cieux, prêtez l’oreille, et je parlerai ; et que la terre écoute les paroles de ma bouche. (32, 1)

Commentaire de Rachi : « Prêtez l’oreille aux avertissements que je vais adresser à Israël. C’est vous qui en serez témoins, car je leur ai dit que vous serez témoins. Il en va de même pour : “et que la terre écoute”… »

La formule de Rachi « car je leur ai dit que vous serez témoins » se rapporte, selon Rav Eliyahou Mizra‘hi, à l’avertissement lancé par Moché dans la section Waèth‘hanan : « J’appelle aujourd’hui les cieux et la terre à témoigner contre vous… » (supra 4, 26). Pourquoi avait-il besoin d’employer de tels témoins à l’appui de ses mises en garde ?

A la fin des temps, nous enseignent les Sages (‘Avoda Zara 3a), les nations du monde protesteront devant le Saint béni soit-Il : « Israël n’a pas tenu sa promesse d’observer la Tora ! » Et lorsqu’Il voudra prendre la défense de Ses enfants, elles lui objecteront qu’un père n’a pas le droit de témoigner en faveur de son fils. « Dans ce cas, leur répondra Hachem, J’appelle les cieux et la terre pour qu’ils viennent attester qu’Israël a observé la Tora ! »

Ce à quoi les peuples répliqueront que les cieux et la terre ne peuvent pas être considérés comme des témoins objectifs, leur Créateur ayant Lui-même déclaré : « Si ce n’était Mon alliance touchant le jour et la nuit, Je n’aurais pas établi les lois des cieux et de la terre, [qui leur permettent de fonctionner] » (Yecha’ya 33, 25).Pourquoi l’existence même de l’ordre naturel régissant les cieux et la terre, se demandent les Tossafoth (ad loc.), ne suffirait-elle pas à indiquer que la Tora a été observée, puisqu’ils ne se maintiendraient pas dans le cas contraire ? Et de répondre : Leur existence ne dépend pas de « l’observance » de la Tora, mais de son « acceptation ».
Si l’ordre naturel ne dépend pas de la pratique de la Tora, mais seulement de son acceptation, questionne le Maharcha, pourquoi les cieux et la terre ne seraient-ils pas autorisés à témoigner qu’Israël a respecté la Tora ? Pourquoi en seraient-ils empêchés alors qu’ils existent indépendamment de sa pratique par notre peuple ?
Même si l’existence du ciel et de la terre ne s’appuie pas sur le respect de la Tora, répond-il, on peut néanmoins considérer qu’ils ont un intérêt direct à son observance, et donc que, tirant profit de son acceptation, ils ne sont pas recevables à témoigner de sa mise en pratique.

Voilà pourquoi Rachi précise que Moché a demandé aux cieux et à la terre de porter témoignage, celui-ci concernant « l’acceptation » de la Tora par Israël.
Si jamais notre peuple devait nier l’avoir acceptée, personne ne pourrait attester le contraire, et le témoignage des cieux et de la terre serait récusé à cause de leur intérêt direct dans la chose. Moché a donc invité Israël à prendre en considération leur témoignage « muet », consistant en leur simple présence. Celle-ci suffit à prouver qu’il a accepté la Tora, car sinon ils n’existeraient pas.

Cieux, prêtez l’oreille, et je parlerai ; et que la terre écoute les paroles de ma bouche. (32, 1)

Pourquoi Hachem, qui est Tout-puissant, aurait-Il besoin du témoignage des cieux et de la terre ? s’interroge le Tiféreth Guerchouni. Il fallait, explique-t-il, anticiper les arguments des peuples qui prétendront un jour qu’Il ne peut pas attester de l’obéissance d’Israël, un père ne pouvant témoigner pour son enfant. De même lisons-nous qu’Il a appelé les cieux et la terre à L’entendre déclarer : « J’ai élevé des enfants, Je les ai fait grandir, et ils se sont insurgés contre Moi ! » (Yecha’ya 1, 2).Là aussi est invoqué le témoignage de ces éléments, Hachem étant irrecevable à témoigner contre ceux dont il est le Père.

Que mon enseignement s’infiltre comme la pluie ; que coule ma parole comme la rosée. (32, 2)

La rosée, explique Rachi, procure de la joie à tous, tandis que la pluie peut porter préjudice à certains – par exemple aux voyageurs, ou à ceux dont les cuves sont pleines de vin et que l’eau peut dégrader.

Pourquoi notre verset, se demande le Kethav Sofèr, commence-t-il à comparer la Tora à la pluie, dont on sait qu’elle n’est pas toujours bienfaisante, pour la rapprocher ensuite de la rosée, appréciée par tous ? La seule similitude avec cette dernière n’aurait-elle pas suffi ?

Il existe une différence fondamentale entre la façon dont tombe la pluie et la venue de la rosée. Celle-là vient certes du ciel, mais elle naît de la vapeur d’eau qui s’élève depuis la terre et se condense en nuages – selon l’enseignement de nos Sages (Ta‘anith 9b) sur le verset (Beréchith 2, 6) : « … une vapeur s’est élevée de la terre ». La rosée, en revanche, est issue exclusivement de là-haut, sans remonter depuis le sol.Ces deux caractéristiques définissent également la Tora : On nous apprend d’une part qu’elle ne peut devenir partie de nous-mêmes que par nos efforts et notre application (Meguila 6b). Mais le succès dans l’étude et la juste interprétation, nous enseigne-t-on par ailleurs, dépend également de l’assistance divine (Ibid.). Notre verset permet de résoudre cette contradiction apparente : La Tora est comme la pluie, en ce qu’elle vient de là-haut, mais son acquisition dépend de l’effort que l’on déploie sur terre. Elle est aussi comme la rosée, qui prend sa source uniquement dans le ciel, et donc ne peut être acquise que par celui qui mérite l’assistance divine."